Au début de l’année 2023 les Éditions L’Harmattan publieront mon nouveau livre intitulé La Logotique (1).
Entre une préface de Yannick Assouad et une postface de Michel Saloff Coste le corps du livre propose une méthode, une ingénierie de formation novatrice afin de déclencher des dynamiques de transformation dans les écosystèmes et les filières économiques (2).
Car plus que les branches professionnelles qui ont naturellement leur utilité pour appréhender métiers et connaissances spécifiques, les filières professionnelles s’inscrivent dans des réalités d’apprentissage, d’intelligence collective et de coopération. Ces filières sont véritablement des écosystèmes. Comme l’indiquait Bernard Charles, pour former les gens, la notion de branche n’est plus adaptée aux schémas industriels pour être compétitif. « La filière c’est un mélange de compétences issues des branches (qui justifient de) rediriger les dépenses de formation des branches vers les filières pour une plus grande performance économique » (3).
C’est à leur niveau que surgissent les innovations et ce sont elles qui peuvent être des réponses au désir de transformation des sociétés.
La crise de la pandémie a bien mis en valeur des interdépendances réelles et parfois négligées ainsi que des difficultés profondes de fonctionnement qui avaient été trop longtemps occultées. Chacun a en mémoire l’épisode des masques manquants ou les absences manifestes de coopération entre l’hôpital public, la clinique privée et la médecine de ville.
De son côté l’écosystème du transport aérien qui est confronté à une question de survie du fait de l’impératif de décarbonation ne trouvera des solutions que grâce à des innovations techniques ou énergétiques majeures qui ne pourront être que le fruit de son ouverture à d’autres écosystèmes en particulier la filière de l’énergie.
Enfin, face à la demande sociale traversée elle-même par divers courants de pensée, il est majeur pour ces écosystèmes d’écouter et de comprendre ces évolutions sociétales s’ils veulent eux-mêmes être une réponse aux nouvelles attentes de la société et jouer alors un rôle transformant. Une attitude contraire consistant à imposer en préalable des solutions techniques – outre qu’elle serait perçue comme arrogante – serait en outre contreproductive.
Ces propos que l’on prête à Henry Ford : « Si j’avais demandé aux gens ce qu’ils voulaient, ils auraient répondu des chevaux plus rapides » peuvent prêter à confusion. Une lecture rapide pourrait faire croire à de l’arrogance ; au contraire le professionnel démontre qu’il peut fabriquer un produit ou un service après avoir observé le marché et bien discerné les nécessités et les attentes : en l’occurrence une mobilité plus rapide.
A l’inverse, aujourd’hui, alors que cette mobilité est acquise c’est son excès et les valeurs sociales qui la portent qui sont remises en question. L’accélération ou l’hypermobilité sont contestées. Le « slow » est à la mode dans tous ls domaines et la protection de la biodiversité et du climat sont cruciaux.
Ce qu’il apparaît à partir de ces différents constats ce sont principalement deux points essentiels :
- L’impérieuse nécessité d’une approche globale et systémique entre plusieurs domaines écologique, technique, économique et social notamment ;
- Le fait que s’impose un travail de transformation des organisations publiques et privées dans trois dimensions à la fois ; c’est-à-dire au plan des structures, de la gouvernance et des ressources humaines.
La mise au point de la Logotique à partir d’une expérience réussie avec l’ENAC dans la filière aéronautique et du transport aérien et qui peut être transposée ailleurs, est certainement une solution adaptée pour faire évoluer les situations de blocage dans lesquelles les entreprises et les administrations sont enferrées.
Ce livre ne dit pas qu’il s’agit d’une démarche unique qui va tout résoudre au vu de l’extrême complexité des problèmes auxquels les entreprises et toute l’économie et les États sont confrontés. En revanche, il certifie qu’un engagement sur la durée qui investisse sur les femmes et les hommes des organisations placées à l’intérieur d’un même écosystème est un véritable accélérateur de ces particules singulières que sont les pensées et les actions utilement agencées.
Lors de l’expédition de Vasco de Gama en 1487, 160 hommes d’équipage meurent du scorbut. En 1601 le capitaine Lancaster vérifie l’efficacité du jus de citron dans la prévention du scorbut. L’idée n’est adoptée par la marine britannique qu’en 1865. Or le temps presse. Les urgences sont là. Il faut trouver le bon rythme en prenant le temps de comprendre et de mobiliser les équipes (4).
Ce dont nos organisations publiques et privées et leurs dirigeants ont besoin aujourd’hui c’est de reprendre leur souffle ; c’est d’un éveil à la créativité. Mettre ensemble sur une assez longue durée un ensemble de talents issus de différentes entreprises et administrations appartenant à un même écosystème et avec un partenariat public-privé ouvre les écoutilles et permet des dialogues constructifs dans les coursives de ces lents paquebots que sont les organisations.
En résumé il nous faut forcer les évidences : ce ne sont ni les administrations ni les entreprises qui évoluent, ceux qui se transforment ce sont les femmes et les hommes qui travaillent dans ces organisations. Le reste arrive par surcroît.
La Logotique peut ainsi être un levier de croissance de beaucoup d’écosystèmes engoncés dans de fausses certitudes et qui pourtant sont riches d’un potentiel élevé de développement économique et social. Pouvoir mieux articuler solutions techniques et organisationnelles avec un progrès social et humain n’est-ce pas la pierre philosophale tant recherchée pour un nouveau modèle de croissance ?
(1)LA LOGOTIQUE Une ingénierie de formation pour propulser la créativité et les transformations humaines et organisationnelles des écosystèmes A PARAITRE L’HARMATHAN début 2023
(2) Yannick Assouad est Executive Vice-President Avionics & Thales Executive Committee Member. Michel Saloff Coste est Directeur de la Prospective à l’Université Catholique de Lille.
(3) Bernard Charlès directeur général Dassault Systèmes ; ITW BFM Business.
(4) Francis Massé, Urgences et lenteur, deuxième édition. Préface d’Anne-Marie Idrac. ; Fauves, 2020.