L’esprit de Georges POMPIDOU

Dr Maxime MAURY, Officier des Palmes académiques, Président de VIGIE Éco et Ancien directeur régional de la Banque de France. 

Vivant à Albi, j’ai œuvré à la commémoration officielle du président Pompidou. Et enquêté sur son éducation et les valeurs qui lui ont été transmises.


En voici les conclusions pour les membres du CEPS sous forme de chronique du mois.
 
I) L’ÉDUCATION :
 
Dans son livre « Georges POMPIDOU », Eric ROUSSEL souligne que tout au long de sa longue carrière , depuis Albi jusqu’au cabinet du général de Gaulle , de la banque Rothschild à la fondation de la cinquième République , des accords d’Évian jusqu’à Matignon , de mai 68 à l’Élysée , Pompidou avait une disposition d’esprit que chacun lui reconnaissait :

Il allait toujours à L’ESSENTIEL,

un peu comme s’il était capable d’entrer dans un sujet par la conclusion.
 
Son Premier ministre Pierre Messmer l’avait bien exprimé post mortem : notre président avait un esprit de synthèse exceptionnel.
Comme beaucoup de Normaliens, Il connaissait sans doute la citation de René Char : « L’essentiel est en permanence menacé par l’insignifiant. »
 
Il le doit à la base à sa mère Marie-Louise née CHAVAGNAC, institutrice devenue professeur de sciences, qui lui a appris à lire à 3 ans. Et qui avait été atteinte par la tuberculose en aidant une collègue à l’École Normale d’Instituteurs d’Aurillac. La maladie l’avait empêché d’enseigner.
 
Et à son père Léon POMPIDOU, instituteur devenu professeur d’espagnol au Lycée Rascol et Adjoint au Maire d’Albi, qui était très exigeant sur le travail scolaire et les valeurs républicaines. C’était un socialiste Jauressien. Il avait composé un dictionnaire franco-espagnol et obtenu la Légion d’Honneur. Son rêve était de devenir professeur agrégé, mais la guerre de 14 où il avait été blessé l’en avait empêché.
Ses élèves ont décrit un homme généreux et délicat comme son épouse.
C’était le fils d’un valet de ferme de la Haute-Auvergne !
 
Dans la maison d’Albi, l’enfant puis le jeune-homme faisait ses devoirs en regardant de sa chambre la Cathédrale qui était droit dans son champ de vision. L’homme ne cachait pas son imprégnation chrétienne. Il avait le sens du sacrifice comme sa mort en service l’a prouvé.
Durant son adolescence à Albi, il lisait un livre par jour, littérature et poésie principalement.
 
II ) LE TRAVAIL :
 
Un jour Léon POMPIDOU croise près de chez lui l’inspecteur d’Académie dont le bureau est proche. Celui-ci lui demande des nouvelles de « Georges ».
 
Le professeur du Lycée Rascol lui répond :
« Georges ne réussira pas dans la vie car il ne travaille pas assez ! »
Et cela parce que le jeune-homme sortait se promener une heure avant le dîner.
 
Quelques années plus tard, POMPIDOU est reçu premier à l’agrégation de Lettres classiques à 23 ans. Mais le Jury écrit à son sujet :
 
« Nous n’avons pas pu lui donner une autre place que celle de premier même s’il est sorti une heure avant la fin de l’épreuve. »
Et un membre du Jury de s’approcher de lui en disant : « Pompidou , vous ne travaillez pas assez ! »
 
La même anecdote à Louis-Le-Grand où son ami Senghor qui deviendra président du Sénégal rapporte :
« Dans une colle de géographie, Pompidou avait déjà terminé et je n’avais pas commencé ».
 
La vérité c’est que Georges Pompidou , comme sa sœur Madeleine, sa cadette de 9 ans, qui deviendra comme lui agrégée de Lettres classiques, travaillait beaucoup mais ne le montrait pas. Il dit clairement dans ses lettres à sa tante de Montboudif qu’il travaille dur pour rester le premier au Lycée d’Albi. En ce temps là on s’élevait par l’École.
 
On se souvient des conférences de presse du président POMPIDOU. Elles sont disponibles sur le net dans les archives de l’INA. Regardez-les donc !
 
Celle de 1969, dont la chute porte sur l’affaire Russier et les vers d’Éluard mais qui est en réalité consacrée à la dévaluation du franc.
 
Elle exprime parfaitement la personnalité du président POMPIDOU :

  • il s’adresse d’abord directement aux Français ;
  • puis il répond aux journalistes en citant de nombreux chiffres à la décimale près ; bonhommie, courtoisie et érudition nous impressionnent aujourd’hui ;
  • il connaît par cœur les vers d’Éluard et ses mimiques pleines de retenue exprime sa pudeur. Il sait que l’on suggère le plus en disant le moins.

 
Georges POMPIDOU était servi, comme le général de Gaulle, par une mémoire hors du commun qui nourrissait sa capacité de travail et de synthèse. Il apprenait tous ses discours par cœur.
 
De ses méthodes ressortent plusieurs divergences avec les tendances actuelles dominées par la com :

  • Il s’adressait à toute la presse ;
  • et surtout avant d’échanger avec les journalistes , il parlait aux Français ;
  • il parlait avec scrupule, lentement et en choisissant ses mots.

 
La parole présidentielle infusait et élevait ses auditeurs.
 
 
III) PUDEUR ET NOBLESSE :
 
Proche de sa mort, le président répond à un journaliste qui lui demande quelle est sa principale qualité à ses yeux :

  • « la pudeur » ;

Et chez les autres ? lui demande le journaliste :

  • « la noblesse ».

Pudeur et noblesse dessinent bien la personnalité d’un président marqué par la maladie de sa mère. Il recherche chez les autres, en particulier chez les collaborateurs, le désintéressement. Et n’est dupe de rien.
 
Et c’est bien cette discrétion faite de pudeur et de noblesse qui surprend le lecteur dans le livre d’Éric ROUSSEL :
 
De 1945 à 1962, il est de toutes les affaires qui concernent le général de Gaulle et l’État, à commencer par la fondation de la cinquième République ( 1958) et la remise en ordre de nos finances, mais sans jamais se mettre en avant ni briguer de mandat ou de fonction.
 
En 1959, le président de la République lui demande de monter avec lui dans sa voiture et il entre alors dans la lumière qu’il n’a jamais recherchée. Il est nommé Premier ministre en 1962. Mais avec sa femme Claude ils décident de ne jamais quitter le Quai de Béthune où ils reçoivent les poètes et les artistes.
 
 
IV ) LA POPULARITÉ :
 
Le président POMPIDOU a quasiment atteint les 70 % de popularité. On retrouvera sur le net sa visite à Albi de 1970 et la chaleur de l’accueil des Albigeois qui l’applaudissent. On l’aimait.
 
On pourrait dire que c’était une autre époque où la France ne connaissait ni dette ni chômage. Nous étions au cinquième rang mondial pour le revenu par habitant contre 26 ème aujourd’hui. Deuxième puissance agricole après les États-Unis à cette époque.
La langue française rayonnait au travers de ces chansons que l’on entendait partout dans nos rues et nos cafés. Notre Histoire était respectée.
 
Les 30 Glorieuses se terminent avec le décès du président emporté par une maladie rare le 2 avril 1974. Il n’a pas 63 ans.
 
Mais cela ne suffit pas à expliquer la popularité de POMPIDOU.
Il y a autre chose. Les Français se reconnaissent en lui en reconnaissant le meilleur d’entre eux.
 
POMPIDOU nous a sauvés du bain de sang en mai 1968 en réouvrant La Sorbonne. Tout comme en 1962 il avait sauvé la vie du général Jouhaux que de Gaulle voulait faire fusiller.
 
Au plus fort de la crise, il envoie son jeune secrétaire d’État aux Affaires sociales négocier avec le secrétaire général de la CGT dans une chambre d’Hotel de Pigalle.
Le secrétaire d’État a glissé un révolver dans sa ceinture car c’est peut-être dangereux.
À Grenelle, le Premier ministre débute la négociation en demandant au même secrétaire d’État de fermer la porte de la salle à clés et de mettre les clés dans sa poche. On ne sait jamais !
Le Premier ministre redevient en cet instant un maquignon de cette Auvergne où il est né. Et le jeune Chirac lui est tout dévoué.

 
Voilà déjà expliquée la popularité de POMPIDOU mais il y a quelque chose de plus.
 
Le président de la République est non seulement un homme d’État aguerri, formé par 25 ans de service public au plus haut niveau. Il connaît parfaitement la finance et l’industrie, le droit administratif, la Constitution et la politique. Mais c’est aussi un poète et un esthète qui recherche le sublime et l’ineffable dans l’Art. Il avait publié en 1961 une anthologie de la poésie française.
 
C’est surtout un homme simple et bienveillant, la clope au bec et en diagonale, dont le regard sous les épais sourcils est souvent teinté d’une légère ironie. Il ne dit jamais tout ce qu’il sait. Il aime déambuler dans les rues de CAJARC et répondre à toutes les invitations.
 
C’est aussi le président qui a osé dire à ses Conseillers : « N’emmerdez pas les Français » et qui a exigé de l’administration qu’elle ne coupe plus les arbres sur les routes. Il dénonçait la bureaucratie.
 
Il sait parler directement aux Français comme Chef de l’État et réduire la distance avec eux.
 
Pour tous les Français , quelle que soit leur opinion, pour nous qui l’avons connu et aimé c’était POMPON. Il exprimait le meilleur du peuple français.

  

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