Alerte rouge pour sauver le climat
Dr Maxime MAURY officier des Palmes académiques professeur affilié à Toulouse Business School ancien directeur régional de la Banque de France

Alerte rouge pour sauver le climat

par Maxime MauryProfesseur affilié à Toulouse Business School – Ancien directeur régional de la Banque de France

Alerte rouge pour sauver le climat

« Si nous unissons nos forces maintenant, nous pouvons éviter une catastrophe climatique. Mais il n’y a pas de temps à perdre ni d’excuses à trouver. »

( Antonio Guterres, secrétaire général des Nations Unies, juin 2021)

Le dernier rapport du GIEC sur le climat est catastrophique et pire que celui d’avant qui était lui-même pire que l’antépénultième. Il nous avertit que nous sommes sur une trajectoire de réchauffement de la terre de 3 degrés pour la fin du siècle.

Que signifie réellement ce chiffre ?

3 degrés est un chiffre qui inclut les océans, à doubler sur les continents et dans la partie septentrionale du globe.

6 degrés donc en réalité !

Et encore ce chiffre n’englobe-t-il pas les effets des boucles de rétroaction que le GIEC ne sait pas modéliser : la fonte du pergélisol et celle de la calotte glaciaire aggraveront encore le réchauffement par les gisements de méthane qui s’en dégageront ainsi que par la plus forte absorption des infrarouges.

De fait, la catastrophe est là : les relevés météo effectués ces dernières années sur le continent européen prouvent par extrapolation que nous sommes sur une trajectoire de + 0,8 degré tous les 10 ans.

L’observation de la réalité recoupe parfaitement le modèle ! D’où la multiplication des événements extrêmes.

Notons aussi que chaque degré de plus entraînera une baisse des rendements agricoles de 10 % au moins.

Le climat des 10 prochaines années est déjà embarqué par l’inertie du carbone dont la densité dans l’atmosphère ne diminue que de 50 % au bout de 100 ans. Nous sommes donc certains de franchir avant 2030 le seuil des + 1,5 degré qui était le plafond de l’accord de Paris ( 2015) et au delà duquel des pénuries importantes d’eau potable mettront en péril la vie de milliards d’hommes.

L’enjeu désormais c’est ce qui suivra après 2030.

Si nous ne corrigeons pas tout de suite cette trajectoire, l’humanité sera menacée d’extinction de masse par la multiplication des famines, des guerres et des pandémies qui accompagneront une chaleur insupportable et la chute des rendements agricoles.

Il faut donc agir maintenant, très vite et très fort à l’échelle mondiale.

Laurent FABIUS, auteur de « Rouge Carbone » -et ancien président de la Cop 21- nous avertit « qu’il est très tard, mais pas trop tard ».

Cependant le défi à relever suppose une transformation radicale de nos sociétés avec l’objectif de réduire de 50 % au moins d’ici à 2030 les émissions de CO 2 par rapport au niveau de 1990. C’est un effort gigantesque !

Les mesures à prendre sont connues, les outils existent. Toutefois comme le dit Nicolas HULOT nous préférons collectivement « l’ignorance , l’indifférence et la suffisance ».

Alors que devons-nous faire pour sauver le climat ?

Nos cinq propositions, exposées ci-dessous, ne sont pas radicales mais radicalement raisonnables. Elles n’ont de sens qu’à l’échelle internationale.

I) Une taxe carbone mondiale :

15 Prix Nobel d’économie ont appelé à l’instauration d’une taxe carbone mondiale. Cela suppose de sortir d’une compétition internationale aveugle et suicidaire pour choisir enfin la coopération nécessaire à la survie de l’humanité.

Le prix du carbone, cette externalité négative, serait fixé à 100 euros la tonne avec un calendrier prévisionnel d’augmentation régulière jusqu’en 2030. Cette taxe serait à la fois intérieure et aux frontières pour que nulle échappatoire ne soit possible.

Évidemment, dépenser moins d’énergie carbonée ( environ 80 % de l’énergie totale) entraînera moins de croissance car production physique et consommation d’énergie sont entièrement corrélées à court-moyen terme. Au coefficient d’efficacité énergétique près.

Mais le sujet est complètement tabou !

Il faudrait pour liquider ce tabou admettre enfin cette évidence : le PIB n’est plus le bon indicateur pour mesurer la satisfaction collective puisqu’il transforme des désutilités en utilités ( coûts de dépollution par exemple) et ne tient pas compte de la dépréciation des stocks naturels ( pétrole, terres rares, minerais).

Jan Tinbergen, prix Nobel d’économie, l’avait exprimé de manière ironique en 1970 en affirmant : « Lorsque le dernier homme dans le dernier embouteillage respirera la dernière bouffée d’oxyde de carbone, il sera sans doute heureux d’apprendre que le PIB a augmenté d’une dernière unité. »

Cette ironie mordante préfigurait le rapport du Club de Rome qui, dés 1972 ( cf Pr Dennys Meadows du Massachussets Institute of Technology), nous alertait des « limites de la croissance ».

Il faudrait un autre indicateur pour conduire la transition énergétique : la SNB ( « Satisfaction Nationale Brute » ) qui pondèrerait la sacro-sainte «croissance » par des critères plus qualitatifs et durables.

En outre, si la taxe carbone est nécessaire, elle n’est pas suffisante. Il faut en effet, comme le préconisent les économistes Patrick ARTUS et Jacques DELPLA, que cette ressource soit affectée à des budgets de décarbonation dédiés. Qui ne seront plus directement ceux de l’État. Mais des budgets indépendants pour subventionner la décarbonation ainsi que l’accompagnement social de celles et ceux qui perdront du pouvoir d’achat en raison de la taxe carbone.

Dans une tribune récente, Jacques DELPLA en a exposé les principes : mettre au point une formule indexée sur l’effort collectif de décarbonation et redistribuant du pouvoir d’achat au profit des revenus les plus faibles selon une clé convenue d’avance.

II) Une « monnaie-carbone » émise par les Banques centrales :

Les Banques centrales ont décidé de contribuer au « verdissement » de l’économie en devenant plus sélectives dans le choix du « collatéral » admis en garantie de leurs refinancements ( cf titres déposés par les banques commerciales en contrepartie des prêts dont elles bénéficient).

Elles peuvent aller beaucoup plus loin en créant un effet de levier au bénéfice des investissements et des processus de décarbonation innovants. C’est le principe de la « monnaie-carbone » proposée par l’économiste Michel AGLIETTA.

Elle présuppose l’existence de la taxe carbone. Au prix de la tonne de CO 2, les investissements et les processus de décarbonation seraient récompensés par des « certificats d’économie de carbone » délivrés par la puissance publique. Ces certificats seraient refinancés par le système bancaire et les Banques centrales.

Ce serait donc une opération de « monnaie-hélicoptère » à fort effet de levier : 50 milliards d’euros seraient suffisants à l’échelle européenne pour

entraîner de nombreux investissements économisant une part significative des émissions de CO2. Avec innovation et emploi à la clé.

III) Sauver nos puits de carbone :

L’excès de carbone doit être combattu par les deux bouts, la réduction des émissions et l’augmentation de son absorption par la sauvegarde de la forêt mondiale.

Il serait stratégique dans cette période où va se jouer la survie de l’humanité de confier la forêt mondiale aux Nations Unies avec un mandat international d’intervention, éventuellement militaire, pour en assurer la protection.

IV) Une réduction nécessaire des inégalités doit accompagner la sobriété :

Compte tenu de l’importance des économies de carbone – et donc d’énergie- qui sont à atteindre pour sauver le climat, nous ne pourrons plus compter sur la croissance pour maîtriser les tensions sociales.

Il faudra donc prendre des mesures massives de réduction des inégalités et de participation des salariés.

Celles-ci ne pourront être prises que dans un cadre européen pour éviter les chocs asymétriques de compétitivité.

L’écrêtement des grosses rémunérations est donc la contrepartie indissociable de l’effort de décarbonation.

De ce point de vue , l’annonce de l’augmentation des rémunérations des patrons du CAC 40 ( de 3-4 millions d’euros en 2020 à 5-6 millions en 2021 ) et des footballeurs est délétère. Elle est une preuve parmi d’autres que la lutte contre le réchauffement climatique n’est pas vraiment commencée.

De même , la surtaxation des plus-values devrait accompagner l’inflation des actifs provoquée par l’intervention massive des banques centrales ( l’immobilier a augmenté de 20 % aux États-Unis et de 7 % en France sur un an).

V) Un changement des comportements:

Dans « Rouge Carbone », Laurent FABIUS, l’ancien président de la Conférence de Paris (2015), estimait que le 1/3 du chemin à parcourir d’ici à 2030 dépendait des « petits gestes » de chacun (e) de nous. Les 2/3 restant du monde du business.

Cet été dans mon village de l’Aveyron, j’observais les comportements :

Des vrombissements de moteur et des accélérations pour parcourir parfois quelques centaines de mètres. Le déchirement du bruit des motos avec la masturbation frénétique des poignets de guidons……

Une dame en Triumph décapotable rouge vient se garer devant trois panneaux d’interdiction de stationner (et de circuler) en murmurant, sûre d’elle : « Je vais chercher du pain ! ».

Alors je revois cette amie enseignante qui, à la fin du premier confinement, me disait au même endroit dans un sourire plein d’espoir: «  Le paradigme va changer ! »

Qu’est-ce qui a changé dans le « monde d’après » ?

Comme le dit Edgar MORIN : « Tels des somnambules nous marchons vers l’abîme ».

 

Pour les particuliers que nous sommes , il est urgent que les produits ou services que nous consommons affichent leurs prix-carbone aux côtés du prix monétaire.

Et que nous réfléchissions enfin à nos modes de vie.

Ami(e), si vous partagez cette chronique, faites-la circuler svp. C’est urgent !

La 26 ème conférence sur le climat s’ouvrira à Glasgow dans quelques semaines.

 

 

 

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