2024 : QUE VA T-IL SE PASSER ?

Dr Maxime MAURY, Officier des Palmes académiques, Président de VIGIE Éco et Ancien directeur régional de la Banque de France. 

« L’imbécile affirme, le savant doute, le sage réfléchit. » ( Aristote)

2024 sera une année décisive.

Dans le sens où sur des sujets majeurs nous allons prendre des bifurcations irréversibles.

Je vous propose dans cette chronique d’explorer 4 dilemmes :

  • Sur l’environnement, soit nous prenons conscience des objectifs à atteindre soit nous serons emportés par le réchauffement ;
  • Sur l’Europe c’est l’année-clé , soit nous amorçons le lancement d’une Fédération européenne soit le populisme déferlant mettra à bas la construction européenne et nous régresserons ;
  • Sur l’élection américaine la plus importante de l’Histoire , soit les deux vieillards en lice se retirent et laissent la démocratie se régénérer , soit la probable élection de Trump sera catastrophique ;
  • Sur l’économie et la finance , soit après une période de stagflation se dessinera une lente reprise vers 2025, soit la récession et la crise financière nous emmèneront en terre inconnue.

I ) L’environnement : Nous avons largement perdu l’objectif de l’Accord de Paris ( 2015) :

L’objectif était de limiter le réchauffement climatique à 1,5 degré en réduisant les émissions de CO2 de 55% d’ici à 2030.

Nous venons d’apprendre qu’en 2023 le réchauffement a déjà atteint 1,5 (+ 1,48 degré).

Ce n’est pas réversible en raison de l’inertie du carbone qui reste 1000 ans dans l’atmosphère et ne diminue que très progressivement.

Et les émissions n’ont toujours pas commencé à baisser, sauf en Europe qui tangentera l’objectif de l’Accord de Paris en 2030 alors que le monde dans son ensemble sera largement hors des clous.

Les accidents climatiques vont donc s’accélérer en 2024.

Nous sommes confrontés à un mystère cognitif sur les comportements humains :

Jamais autant de voyages lointains , de croisières et de ventes de grosses voitures qu’en 2023. Pas de changement des comportements. La planète brûle mais nous faisons du « Business as Usual » !

Le manque d’éducation est essentiel.

La décision prise à Dubaï ( Cop 28) d’accélérer, en les multipliant par 3, les installations en énergie décarbonée ( nucléaire et renouvelable) est bonne mais sera-t-elle suivie d’effets ?

Dans cette atmosphère sombre, une lueur d’espoir : la découverte de l’hydrogène « blanc » présent à la surface de la terre et au fond des océans ouvre la perspective d’une énergie naturelle, abondante et décarbonée. Mais nous ne disposons pas d’une évaluation des quantités disponibles.

II) Sur l’Europe , Fédération européenne ou déconstruction populiste ?

L’année 2024 sera l’année Zéro de l’Europe pour le meilleur ou pour le pire.

Aux élections européennes de juin, si le populisme déferle la construction européenne sera au mieux paralysée et au pire détruite. Nous serions alors en grande vulnérabilité face à une Russie surarmée et aux grandes puissances continentales.

L’ancien président de la B.C.E et Chef du gouvernement italien , Mario Draghi, a lancé récemment un appel pour transformer l’Union européenne en Fédération. Nul doute qu’il a l’oreille du chancelier allemand et du président français, mais son projet salutaire bute sur une double contradiction :

  • L’élargissement sans fin de l’U.E vers l’est est incompatible avec un projet fédéral qui doit prévoir une zone tampon avec la belliqueuse Russie ;
  • les Français n’ont aucune notion du « fédéralisme » et assimilent Fédération à « super-État » , alors que c’est exactement l’inverse. Puisque le fédéralisme est fondé sur la subsidiarité.

III) Aux États-Unis, la plus dangereuse de toutes les élections :

Si plusieurs autres États suivent l’exemple du Maine et du Colorado et invalident la candidature de Trump au titre du 14 ème amendement de la Constitution ( Trump a conspiré contre le Congrès ! ), alors la Cour Suprême pourrait les suivre et complètement changer la donne de l’élection.

Le président Biden a fait savoir que si Trump était empêché, il se retirerait aussi.

Belle attitude coopérative dont le but élevé est de régénérer la démocratie américaine et pousse la Cour Suprême dans la bonne direction : l’invalidation de Trump.

En effet , l’élection de Trump constituerait une triple catastrophe pour l’Humanité :

  • Une catastrophe pour le climat d’abord puisqu’il avait retiré en 2016 son pays de l’Accord de Paris; foncièrement climato-négationniste, il vient de déclarer que son objectif était de : « forer, forer, forer »; il est l’agent des lobbies du carbone ;
  • une catastrophe ensuite pour les États-Unis qui seraient gouvernés par un pervers narcissique ;
  • une catastrophe enfin pour l’Europe qui serait vraisemblablement abandonnée face à la Russie ; or la Russie qui reste dans le groupe de tête des pays en croissance (!) produit actuellement de l’armement en mode accéléré. Si elle vainc l’Ukraine, elle sera tentée d’attaquer la Moldavie et la Pologne.

IV ) Avec la surévaluation des marchés et les niveaux très élevés d’endettement , lente reprise vers 2025, ou récession et crise financière ?

Les marchés sont actuellement dans l’excès parce qu’ils prennent leur désir pour la réalité.

Ils ont déjà anticipé les baisses de taux attendus des Banques centrales, mais l’inflation sous-jacente reste encore dans la zone des 4-5 % ( salaires, services ).

Dans le contexte plus coûteux de la démondialisation, l’inflation n’est pas vaincue. Et ils risquent d’être déçus par la prudence des Banques centrales.

L’immobilier est surévalué de 37 % selon l’INSEE; alors que les P.E.R sont autour de 20 pour une moyenne longue de 12, les actions comme l’immobilier vont baisser. Dans les deux cas, cela créera un effet de richesse négatif.

Les professionnels estiment que les prix devront baisser de 20 % pour que le marché du logement redevienne normal.

Or l’Europe et la France sont déjà entrées en récession comme le confirmeront vraisemblablement les chiffres de la comptabilité nationale ( T4).

Et les défaillances d’entreprises grimpent en flèche ( x2 versus 2019) alors que l’endettement est partout très élevé.

La France empruntera en 2024 la somme phénoménale d’au moins 285 milliards. En récession, elle ne pourra pas respecter ses nouveaux engagements européens.

On peut douter que sa note puisse être maintenue. La baisse des taux d’intérêt long terme observée depuis quelques semaines n’est donc pas nécessairement pérenne.

Compte tenu des réserves d’épargne et de profit, une reprise progressive reste possible mais incertaine.

Or le monde dans son ensemble est à peine, d’après les enquêtes auprès des directeurs d’achat ( PMI), sur le seuil de croissance alors que l’industrie est déjà en récession.

Pensez donc à protéger votre épargne !

 

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