Secteur aéronautique : conséquences du covid-19 et perspectives après la crise

 

 

Le secteur aéronautique a été frappé de plein fouet par le Covid-19. Les compagnies aériennes européennes ont ainsi été massivement clouées au sol, avec des réductions temporaires de capacités comprises entre 90 et 100,. L’Asie et l’Amérique du Nord ont été légèrement moins impactées, soutenues par leur trafic intérieur. La reprise du trafic aérien sera lente et progressive, avec au moins trois ans avant de réatteindre les niveaux de 2019. Cette chute du trafic et les incertitudes sur la reprise vont très fortement impacter le secteur aéronautique. A la différence des crises précédentes qui ont secoué le secteur aéronautique, celle-ci sera longue et de forte ampleur.

Les besoins de nouveaux appareils seront très réduits à moyen terme

Les avionneurs ont vu la demande de nouveaux appareils disparaitre, et ceci pour au moins 12 mois. Ils ont basculé avec cette crise d’une course à la montée en cadence pour les moyens courriers, à des refus de réception des nouveaux appareils et des vagues d’annulations de commandes : 367 annulations ont été actées entre janvier et avril et de nombreuses compagnies sont en cours de négociation pour des reports ou des annulations. Les long-courriers seront davantage impactés que les moyen-courriers en raison d’une reprise plus lente du transport international et d’un type d’appareils offrant moins de flexibilité. A plus long terme, la demande de nouveaux appareils reviendra durant la deuxième moitié de la décennie à des niveaux proches de ceux de la fin de la décennie précédente.

Face à cette chute brutale de la demande, les avionneurs vont devoir adapter leurs cadences en trouvant un équilibre entre la demande de leurs clients, le maintien des compétences, leur équilibre financier et la résilience de la supply chain. Ce dernier point devant être considéré durant la crise pour éviter des perturbations de production, mais aussi à plus long terme pour pouvoir accompagner la reprise de la demande. Airbus a annoncé une réduction de ses cadences de 30% pour l’immédiat et Boeing a annoncé des objectifs des objectifs réduits de 40% à horizon 2022.

Avec une vision à plus long terme, les avionneurs vont aussi devoir accompagner l’acceptation sociale du trafic aérien et contribuer à la maitrise de son emprunte carbone. Celle-ci qui apparaissait de manière relativement limitée, en particulier avec le « flight shaming », se retrouve maintenant beaucoup plus présente.

Une Supply Chain particulièrement exposée et à risque

Evidemment, les fournisseurs aéronautiques subissent ces réductions de cadence. Pour beaucoup, ils avaient investi massivement pour accompagner la montée en cadence de la dernière décennie (augmentation des cadences d’A320 de 36 par mois en 2010 à 60 par mois fin 2019) et préparer les futures montées en cadence (objectif de production de 65 A320 par mois en 2022). Certains se retrouvent avec un appareil productif largement surdimensionné et des engagements financiers peu compatibles avec une production réduite. Les fournisseurs de rang 2 ou 3 sont particulièrement exposés du fait de leur surface financière plus réduite. De plus, pour beaucoup, leurs commandes n’ayant pas été réduites au début de la crise, ils ont continué à produire à des cadences élevées, générant ainsi un stock dans la supply-chain qui prendra plusieurs mois à être résorbé. A cette situation, se greffe le manque de visibilité sur les programmes phares d’Airbus (A320 et A350), qui complexifient encore la détermination de la juste taille pour les prochaines années.

Si les mesures de chômage partiel ont pu réduire l’impact de la crise à court terme, il faut s’attendre à une vague de restructurations, les réduction d’effectifs déjà annoncées chez certains acteurs n’étant probablement que le début. La filière verra aussi une vague de consolidation, plus ou moins encouragée par les grands donneurs d’ordre, pour permettre la survie de fournisseurs disposant de compétences rares et l’augmentation de la résilience de la supply-chain. Pour ceux en meilleure situation, ce sera aussi l’opportunité d’acquérir à des conditions plus favorables des fournisseurs nord-américains et ainsi de prendre pied sur le plus grand marché aéronautique mondial.

Des motoristes particulièrement impactés à court terme, mais les premiers à sortir de la crise

Les motoristes avaient fortement fait évoluer leur modèle économique, tirant plus de la moitié de leurs revenus des services et des pièces détachées. Ceci a eu pour conséquence renforcer l’impact de la crise du Covid-19 : aux baisses de cadences des avionneurs s’est ajouté la quasi-disparition de leur activité service, avec l’immobilisation des flottes. Premiers à réagir, GE Aviation, a annoncé une réduction de 25% de ses effectifs et Rolls-Royce de 17%.

Les motoristes seront cependant les premiers à bénéficier de la reprise progressive du trafic aérien, qui va alimenter leur activité services et pièces détachées. Néanmoins, le rajeunissement des flottes qui accompagnera cette reprise, va se faire au détriment des marges de cette activité. Dans une vision plus long terme, ils seront aussi en première ligne pour répondre à la demande de réduction de l’emprunte carbone du trafic aérien.

 

Par Marc Durance et Rémy Bonnery,
Associés chez Archery Strategy Consulting

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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