Revisiter la vision de l’entreprise post-crise et préciser sa raison d’être.

 

 

Après l’enthousiasme suscité par l’article « Aller à l’essentiel : le kintsugi » qui a fait découvrir ou re-découvrir cette technique Japonaise ancestrale, après les recommandations inspirantes sur le « confitravail » – et non le télétravail -, il est temps de détailler les thèmes majeurs qui permettent d’appréhender les besoins vitaux.

La crise du COVID-19 est une crise basée sur la peur : toutes les décisions qui ont conduit à un arrêt quasi total de l’économie résultent de la peur d’une mortalité insupportable. Elle a engendré un repli sur soi-même jamais vécu auparavant. Une illustration de ce repli est ce qu’on observe au niveau des voyages : pour le moment personne n’a vraiment envie de voyager, de se retrouver tassé dans un moyen de transport quelconque et surtout de côtoyer d’autres individus potentiellement porteurs du virus.

En deuxième lieu, la crise a fait prendre conscience, si besoin était, que le monde globalisé a ses limites ; dans le même temps, la conscience que le monde digital n’a pas de frontières et que donc la globalisation via le numérique est renforcée.

Enfin les questions éthiques, les valeurs humaines et environnementales, sont apparues omniprésentes dans le débat collectif. Leur impact sur les usages risque d’être majeur. Par exemple, est-ce que par exemple l’économie collaborative se développera à la même vitesse dans le futur ?

En d’autres termes la crise du COVID -19 accentue les tendances et amplifie les fractures.

Dans un tel contexte, pourquoi est-il indispensable de revisiter la vision de l’Entreprise ? Parce que, pour se relever du choc encaissé, il va falloir anticiper et jouer sur une vision collective, générer une nouvelle dynamique pour faire « sens commun » à tous les niveaux de l’organisation. Dit autrement, faut-il garder le positionnement, le business modèle d’avant ou bien s’appuyer sur les savoir-faire et les talents de l’entreprise pour orienter les produits et services vers les nouvelles demandes client, le numérique et les critères éthiques et humains ? Or qu’est-ce que la vision d’une entreprise sinon « une description d’un état futur et désirable de l’organisation et/ou de son environnement » ? La vision d’une entreprise, est utilisé principalement en interne par les employés et les partenaires pour motiver, donner une direction, simplifier la prise de décision, et aider à faire des choix.
De plus la confiance si importante pour sortir de la crise est d’autant plus présente et forte que la vision est partagée par tous, des initiatives pourront être lancées dans l’entreprise sans autorisation préalable car elles sont cohérentes avec la vision partagée.

Cependant, il nous semble, qu’il est nécessaire d’aller un cran plus loin que la vision revisitée de l’entreprise. Pendant la crise et la période de confinement, n’oublions pas que nombre d’organisations ont eu recours au chômage partiel pour une majorité d’employés, qui ont pudiquement été nommés « en retrait d’activité ». Nous faisons le pari – pas nécessairement très osé – de penser que beaucoup de ces salariés se sont interrogés, souvent pendant leur période de « retrait d’activité » qui perdure encore pour certains : quelle est mon utilité dans la société, puisque on peut se passer de mes services pendant une si longue période ? Ils étaient encouragés à être solidaires des autres, ceux qui continuaient à travailler. Être solidaire, ça veut dire quoi ? être à côté de ceux qui n’ont pas le choix.

Toutes ces questions posées, ces critères éthiques et humains révélés ou renforcés pendant la crise montrent bien que tous les collaborateurs, quel que soit leur âge – et pas seulement les millenials – veulent un sens à leur vie ; veulent de la cohérence, du sens et de l’authenticité. Les vraies questions fusent de partout.

C’est pourquoi la raison d’être, cette notion introduite par la loi PACTE de 2019 et qui veut que l’entreprise soit désormais gérée dans son intérêt social, en prenant en considération les enjeux sociaux et environnementaux de son activité, nous semble répondre à cette problématique. La sortie de crise COVID-19 est sans nul doute l’occasion de réfléchir à la raison d’être puisque pendant la crise il y a déjà eu une prise de conscience accrue chez tous, que renforcer la prise en considération des enjeux sociaux et environnementaux dans la stratégie et l’activité des entreprises participe de la réponse.

En résumé, cette crise a révélé deux leviers majeurs qu’il serait dommage de ne pas activer très vite :

  • Retrouver son essentialité dans la chaîne. Les gens avaient perdu leurs repères dans le monde d’avant,
  • Pouvoir être fier au nom de la collectivité ; c’est l’effet cohésion d’où la nécessité de relier l’intérêt individuel à l’intérêt collectif.

On aura compris que vision et raison d’être, revus aux enseignements de la crise, sont deux thèmes indispensables à la réussite d’une reprise dont l’objectif est d’aller à l’essentiel. Voici quelques recommandations pour travailler sur ces thèmes de façon collective, en acceptant de façon positive les contradictions des collaborateurs. C’est là une des grandes différences avec l’avant, l’importance du collectif et du soi au sein de la collectivité. « No man is an island entire of itself » a écrit John Donne. Certaines de ces étapes auront d’ailleurs parfois déjà des réponses obtenues grâce aux interactions maintenues durant la crise :

Etape 1 : Se rapprocher des clients de longue date, ceux qui vous ont régulièrement fait confiance, mais aussi des nouveaux prospects (si vous n’avez pas maintenu un lien fort avec eux pendant le confinement).
-Comprendre quelles sont leurs priorités en termes de business, de relations avec leurs équipes,                   d’approvisionnements,
– Comprendre comment leurs budgets vont évoluer à court terme,
– Les faire exprimer leurs convictions profondes sur l’évolution de leur marché.
En parallèle, s’imprégner des pronostics sectoriels en France et dans les pays où vous êtes positionnés. Même si vous n’êtes pas opérationnels en Chine, suivez attentivement ce qui s’y passe : la Chine est en avance sur le reste du monde et les comportements des clients et consommateurs donneront d’excellentes indications sur le futur : nous pouvons encore apprendre des chinois.
Cette étape 1 permet de redessiner les grandes évolutions à attendre du marché, et d’identifier les positions stratégiques clés pour le futur.

Etape 2 : Former des cercles de collaborateurs inter-unités (sélectionner les collaborateurs que vous avez remarqués pendant le confinement pour leur « activisme » inventif) c’est à dire traversant les entités, dans des fonctions opérationnelles et support, mais appartenant à deux couches hiérarchiques voisines. Leur fixer ce qu’on attend d’eux (contenu et délai, ce dernier pouvant être assez court, le temps de la réflexion durant le confinement ayant été long parfois trop long !) à savoir leur vision de l’entreprise et sa raison d’être et les laisser s’organiser. « ramasser les copies » et maintenir une dynamique collégiale
Cette deuxième étape aura le mérite d’initier un dialogue riche et collaboratif et de collecter une multitude de vues qui devront être agrégées et synthétisées.

Etape 3 : La responsabilité de synthétiser les propositions reçues et de décider de LA vision revisitée et de LA raison d’être de l’organisation est du ressort du COMEX.
– Tester sur un échantillonnage tiré au hasard les réactions à ces modifications de vision et de raison d’être

Etape 4 : Finaliser les évolutions de vision et la raison d’être. Documenter et diffuser largement avec un message clair du COMEX sur les raisons logiques ayant abouti à ces choix. La communication à tous les niveaux est absolument essentielle pour assurer la compréhension et l’adhésion de tous à ces deux éléments fondamentaux pour la suite.

Etape 5 : Identifier avec les RH quelles nouvelles compétences intégrer ou quelles évolutions planifier pour rebondir avec succès sur ces nouvelles bases.

Aller à l’essentiel suppose de se poser ces questions fondatrices de la vision et de la raison d’être. Et d’ailleurs, ces deux notions ne sont-elles pas elle mêmes essentielles ?

 

Par Annie COMBELLES,
Présidente du conseil
INSPEARIT


 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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