Propositions pour un plan de vaccination de masse

 

Tout a été dit et écrit sur les ratés du plan de vaccination. Mais aucune conséquence ou presque n’en a été tirée dans la conception stratégique.

Cette note fait la synthèse des meilleures contributions scientifiques disponibles dans la presse et sur le net. Elle avance plusieurs propositions opérationnelles.

  1. I) L’enjeu stratégique n’est pas compris :

Conduire la vaccination avec une lenteur « administrative » ne permettra pas d’éradiquer le virus. Une course de vitesse est engagée entre le virus, le vaccin et nous. Et le virus a pris deux temps d’avance : il s’est installé sur un « plateau élevé » ( 2600 lits de réanimation début janvier contre 500 cet été ) et mute vers des formes plus contagieuses ( souches anglaise et sud-africaine) qui vont accélérer l’épidémie. Il domine donc le champ la bataille. On sait déjà que les restaurants ne rouvriront pas avant le printemps et que leur saignée sera terrible.

En effet, le Conseil scientifique (cf professeur Delfraissy) annonce la reprise épidémique à mi-janvier. Il ne s’est jamais trompé dans ses prévisions.

Si notre gouvernement ne se remet pas profondément en cause et n’adopte pas une posture « militaire et stratégique », il fera de la Covid 19 une maladie endémique en France et accélèrera notre déclin.

  • Les données scientifiques ne sont pas comprises :

L’immunité collective, synonyme de l’éradication de la maladie, est à 70%. Comme 17% de la population est déjà immunisée, il faut vacciner 53 % de la population pour libérer le pays de cette maladie.

Le vaccin à « ARN messager » est efficace et sûr et a déjà été expérimenté dans le passé; ce qui est nouveau c’est sa forme dite « synthétique ». Son seul défaut (qui est la contrepartie de sa sûreté génétique) c’est que ses effets ne durent pas longtemps : les scientifiques l’estiment à 3-6 mois.

D’où la nécessité d’une vaccination de masse très rapide.

  • Le gouvernement manque de vision stratégique :

Les propos contradictoires tenus à quelques heures de distance sont déconcertants et portent atteinte au moral .

Quelques illustrations : « J’assume la lenteur »( cf Véran le 30-12); « Je ne laisserai pas la lenteur s’installer » ( cf Macron, le lendemain). Puis en janvier : « Notre objectif est de vacciner 26 millions de Français d’ici l’été » ( cf Djebarri, ministre des transports), puis le lendemain « Notre objectif prioritaire est bien de vacciner les 15 millions de Français les plus fragiles d’ici l’été » ( cf Attal , porte-parole). Cette dernière déclaration correspond bien à celle du Premier ministre devant le Parlement en décembre.

Ce ne sont pas du tout les mêmes objectifs stratégiques : vacciner les plus fragiles c’est éviter une nouvelle saturation des hôpitaux ; mais vacciner la moitié de la population c’est éradiquer la maladie.

  • La tétanisation de l’action publique par le complotisme est une erreur :

Oui l’état de l’opinion publique sur le vaccin est un scandale pour le pays de Pasteur.

Mais il faut garder son sang-froid et mieux examiner les chiffres : 42 % des Français sont déterminés à se faire vacciner au plus vite ; 1/3 est réellement opposé à la vaccination ; mais les 25 % restant sont un « marais » qui se ralliera à la vaccination au fur et à mesure qu’elle se déploiera. Le gouvernement surestime donc le rejet du vaccin.

Un document de 58 pages pour organiser la vaccination dans les EPHAD et une semaine pour recueillir un accord en prévoyant un délai de rétractation est une dérive bureaucratique.

  • C’est bien « de la guerre » qu’il faut s’inspirer :

Le Chef de l’Etat a eu la bonne intuition en mars en affirmant que « nous étions en guerre », mais il n’en a pas tiré les conséquences. Et le virus est aujourd’hui dominant.

Rappelons-nous qu’en 1914, tous les plans de l’état-major étaient faux car fondés sur une sous-estimation de la puissance de feu adverse.

La France a été sauvée par la patience, la ténacité et le coup d’œil stratégique de Joffre sur la Marne. Et par l’héroïsme des taxis ( conforme aux normes ?)

Au printemps 1916, un camion partait toutes les cinq minutes de Bar-le-Duc vers Verdun et le génie militaire sablait la route 24 heures sur 24 pour permettre à la ligne logistique de tenir.

C’est de notre histoire qu’il faut maintenant s’inspirer ! Plutôt que d’aller consulter le BCG qui donne encore une fois l’impression que notre gouvernement est indéterminé…..

II ) Voici les mesures à prendre de toute urgence ( les 10 mesures-clé) portées par de nombreux acteurs de notre société :

Le généticien Axel Kahn parle « d’erreur stratégique » en n’organisant pas une vaccination de masse soutenue par l’enthousiasme de la population et de tous les acteurs déterminés. Il parle de la nécessité d’une « vaccination industrielle ».

Le principal problème est moral et logistique. Cela relève donc bien d’une approche « militaire ».

Pas vraiment de problème d’approvisionnement en vaccins : grâce au dispositif européen, la France dispose de 500 000 doses par semaine. Pfizer va monter en charge. Moderna va suivre. Et d’ici à l’été d’autres vaccins brevetés arriveront sur le marché. Et monteront en charge.

Le principe d’une vaccination par tranches d’âge décroissant reste parfaitement pertinent compte tenu des données sur la létalité de la maladie. Mais il faut abonder -et déborder- cette priorité en recyclant toutes les doses de vaccin excédentaires en temps réel au profit de toutes les personnes voulant se faire vacciner.

Et accroître en permanence nos réserves de doses en laissant les collectivités territoriales prendre des initiatives de vaccination pour viser une vaccination de masse. En s’adressant au marché international du vaccin, et secondées par les Agences Régionales de Santé ( ARS) sur lesquelles elles auront autorité.

  • Mesure 1 : L’exemplarité

Avant la fin janvier les 3 ministres de plus de 70 ans devront se faire vacciner publiquement. Un panel de personnalités scientifiques, médicales et de « people » de plus de 70 ans devra se faire vacciner également. Là encore, les exemples à suivre sont à l’étranger.

  • Mesure 2 : La pédagogie

Il faut expliquer les enjeux stratégiques et les principes du vaccin à ARN messager ainsi que son expérimentation. Compte tenu du climat de défiance, les politiques ne peuvent pas le faire. Il faut donc mettre en avant quelques personnalités scientifiques sachant s’exprimer en termes simples ( JF Delfraissy, A Kahn par exemple en élargissant le panel).

  • Mesure 3 : La logistique

Il faut la confier, comme aux Etats-Unis, à un général d’armée et faire du « M Vaccin » actuel son conseiller scientifique.

Il faut faire appel à toutes les ressources logistiques de l’armée et du secteur privé.

Pas une dose de vaccin ne doit se perdre.

Sorti des centres de réfrigération à -80 degrés, le vaccin peut être conservé 5 jours en simple réfrigérateur. Il existe donc des marges logistiques conséquentes à condition de les organiser.

  • Mesure 4 : L’ inscription en masse des Français sur une liste d’attente

Sans modifier la stratégie de vaccination par âge, il faut constituer une ligne de « back up » permettant de recycler tous les vaccins excédentaires initialement réservés à une tranche d’âge.

L’inscription en masse des Français désirant se faire vacciner doit pouvoir se faire chez les généralistes , les pharmaciens , les centres de vaccination.

On y fera appel par ordre d’âge décroissant. Ce dispositif empêchera donc « que le refus du vaccin ne freine la vitesse de la vaccination » ( cf A Lévy dans Le Figaro du 4 janvier).

  • Mesure 5 : Levée en masse des acteurs de la vaccination

Limiter l’acte de vaccination aux médecins généralistes est une erreur. Il faut y associer les pharmaciens et les infirmier(e)s libéraux. C’est d’ailleurs ce qui se fait dans les autres pays. Avec l’assurance-maladie, ils géreront les listes d’attente et amplifieront la vaccination.

  • Mesure 6 : Ouvrir dans les villes des centres de vaccination

Fonctionnant 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24, ces centres de vaccination seront directement connectés avec la centaine de centres de conservation du froid qui vont être prochainement déployés.

  • Mesure 7 : Laisser les collectivités territoriales prendre des initiatives de vaccination

Ce sont elles qui nous ont sauvés au printemps de la débâcle des masques.

Beaucoup d’entre elles se préparent à vacciner; toutes connaissent admirablement la réalité du terrain et savent mieux que le gouvernement coordonner les acteurs.

Pour favoriser leurs achats de vaccin, il faut créer un système de reconnaissance réciproque des vaccins satisfaisant les mêmes normes que la norme européenne.

Ils vont régulièrement augmenter en nombre.

  • Mesure 8 : Simplifier, cesser d’avoir peur

Le consentement doit être demandé simplement ; la seule prévention est le risque de choc allergique. Une carte d’identité, un certificat de domicile et une signature doivent suffir à vacciner.

  • Mesure 9 : Suivre les résultats et en rendre compte

Se servir des résultats de la vaccination pour faire adhérer à la vaccination. C’est le rôle du ministre de la santé. Gagner progressivement le public réticent.

  • Mesure 10 : Organiser enfin le dépistage de masse

Théorisé par l’épidémiologue Catherine Hill, celui-ci complète et oriente même la vaccination vers les zones à risque.

Le dépistage de masse a réussi en Asie :

il utilise la trace laissée par le virus dans les eaux usées , utilise les tests salivaires groupés pour enfin réussir à isoler les malades et endiguer l’épidémie.

C’est bien d’un « Gouvernement militaire » dont nous avons besoin aujourd’hui pour éradiquer une épidémie qui vide le pays de sa substance. Or avant qu’un cri de révolte ne monte du pays le gouvernement faisait la « drôle de guerre » comme l’écrit Vittori dans Les Échos.

Gouverner n’est pas (seulement) s’enfermer dans une pièce avec quelques collaborateurs pour rendre des arbitrages.

Gouverner c’est mettre en mouvement tous les acteurs de « l’énergie française » qui se désespèrent aujourd’hui de leur propre paralysie.

Nous pouvons vaincre l’épidémie.

Dr Maxime MAURY

Professeur affilié à Toulouse Business School 

ancien directeur régional de la Banque de France

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