« Promis à la stagflation, le monde doit se réinventer »

 

 

Nous n’entrons pas dans une récession, nous entrons dans une décroissance durable qui sera accompagnée d’une inflation plus forte à terme.

Nous avons mis près de 10 ans pour effacer la perte d’activité de la récession de 2008. Car la croissance s’affaisse progressivement et depuis longtemps ( cf « la stagnation séculaire » de Summers et Gordon).

Cette fois, nous avons à faire face à une récession deux à trois fois plus forte qu’en 2008 qui entraînera un quadruplement du déficit public : de – 6 à -10% pour la récession selon les évaluations extrêmes, et de -6 à -8 % du PIB ( contre -2 actuellement) pour le déficit.

C’est donc une parfaite illusion de penser que nous reviendrons au point de départ !

En effet, il est une contrainte physique dont personne ne parle : la production de pétrole baisse régulièrement depuis 2018; les pétroles conventionnels ( par opposition aux schistes américains) sont en déclin depuis 2008 et leur décrue atteint désormais -6 % par an. Le pétrole c’est plus du tiers de l’énergie mondiale et la croissance c’est de l’énergie transformée. A court terme nous n’en manquerons pas, mais qu’en sera-t-il demain ?

Nous sommes dans un monde où ni l’énergie ni le carbone ne sont à leur prix.

La contrainte énergétique nous impose la décroissance et la contrainte climatique nous en confirme la nécessité. Mais c’est un concept tabou et politiquement incorrect ! Il faudrait pourtant commencer à le penser ensemble positivement.

La monétisation partielle d’une dette gigantesque ( 250 000 milliards de dollars avant le COVID 19) qui va exploser prochainement nous amènera nécessairement une inflation plus forte à terme ( 3 à 5% ?).
Et des impôts plus élevés.
L’épargnant y perdra , le contribuable et le consommateur aussi.
Madame Lagarde n’est pas une fée et la fuite en avant dépendra des limites du consensus européen. Et du respect du mandat de la BCE : garder la valeur de la monnaie.

Nous entrons donc en « stagflation », faut-il s’en lamenter ? On ne peut se lamenter que du mensonge qui nous empêche de regarder en face le nouveau monde et de l’affronter.

Et pourtant, nous avons fait depuis le 17 mars beaucoup de découvertes passionnantes :
• les photos de l’atmosphère se sont éclaircies ;
• les oiseaux chantent à nouveau dans les métropoles ;
• on fait des réunions très efficaces sans se réunir ni se déplacer ;
• on enseigne à distance ;
• de grands patrons ont abandonné une partie de leurs rémunérations ;
• les héros d’aujourd’hui sont ceux du quotidien et plus ceux d’hier ;
• égaux devant la mort, nous nous sentons plus solidaires;
• et nous nous appelons plus souvent;
• complètement inadapté, le terme de « distanciation sociale » n’est qu’une distanciation physique qui ne nous empêche pas de nous rapprocher.

Beaucoup d’entre nous se disent que ces voyages incessants étaient inutiles et apprennent à cultiver leur jardin quand ils ont la chance d’en avoir un.
La solitude devant la mort nous bouleverse.

Malgré leurs déclarations pleines de bonnes intentions, nos dirigeants ne changeront probablement pas notre modèle économique et social parce qu’ils sont incapables d’en imaginer un autre. Ils essaieront vaille que vaille de poursuivre : « Business as usual » jusqu’au jour où ils comprendront que ça ne marche plus. Ce sera après d’autres crises, vers 2022 ou 2025.

C’est à nous de tout repenser et de leur imposer progressivement un nouveau monde, plus sobre et plus solidaire.
Par la réflexion et l’échange, en nous gardant des préjugés et des idées toutes faites.

L’époque est dangereuse, mais la flamme de l’espérance peut encore briller.

 

Dr Maxime MAURY
professeur affilié à Toulouse Business School
ancien directeur régional de la Banque de France

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Fermer le menu
Share via
Copy link
Powered by Social Snap