Parcoursup : chronique d’un désastre

 

Le lundi 20 janvier 2022 a marqué le coup d’envoi de Parcoursup édition 2022. La plateforme d’orientation post-bac du gouvernement entame ainsi sa cinquième année de mise en service, suscitant toujours de fortes critiques et inquiétudes de la part de l’ensemble des acteurs du système éducatif. Retour sur cinq années de fonctionnement d’un système inégalitaire.

Outre le caractère injuste et déshumanisant de voir confier à l’intelligence artificielle l’orientation des bacheliers, Virginie Calmels, présidente de Futurae, souligne, dans une tribune au « Monde », qu’en persévérant dans un tel système déshumanisé, l’enseignement s’expose à un risque : celui de la fuite des talents. Il est en effet difficile pour les élèves de ne pas se décourager devant des résultats aléatoires définit par un algorithme.    
Ces derniers font alors le choix de se tourner directement vers l’étranger, exposant ainsi la France à une fuite regrettable de ses jeunes les plus motivés. Gabrielle, brillante élève d’un lycée privé de Bordeaux, en témoigne : « malgré mon excellente moyenne, aucun de mes choix n’ont été acceptés sur Parcoursup. Pourtant, j’ai été admise à LSE [London School of Economics], la deuxième meilleure école du monde en Sciences Sociales. » Celle-ci soulève d’ailleurs un questionnement intéressant, celui d’une discrimination envers les élèves issus de lycées privés.

Prenons l’exemple de Sciences Po. L’annonce avait fait grand bruit: dès 2021, Sciences Po abandonnait son traditionnel concours d’entrée en première année afin de démocratiser l’accès à l’institution. Pour la première fois, l’école recrutait via Parcoursup.           
Or, en mai dernier, nombreux étaient les lycéens, et pour certains excellents, à ne pas avoir été admissibles. Une question récurrente revient: Sciences Po boycotterait-il les lycées privés ? La directrice par intérim Bénédicte Durand a répondu à cette question lors d’une conférence de presse qui s’est tenue fin août 2021. Elle a rappelé que Sciences Po cherchait d’abord d’excellents étudiants, et que cette année, les admis étaient issus à 31 % de lycées privés. « Tous les territoires ont été présents », a-t-elle ajouté, rappelant le souhait de l’école de poursuivre sa politique de diversification des profils recrutés. Ainsi, les élèves qui avaient placés tous leurs espoirs dans cette formation, justifié par leur excellence académique, se virent accepter dans des Universités de second rang, ou obligés de partir à l’étranger pour les plus aisés, surprenante sélection !

Toutefois, Sciences Po serait-il le seul responsable de la situation que nous découvrons ? Le cumul Covid, réforme du Bac 2021 (qui a conduit à la dévaluation du baccalauréat, passé quasiment en « contrôle continu » intégral) et la surévaluation des bulletins par les lycées pour protéger les élèves, a contribué à contrario à rendre sujet à caution leur niveau réel. Fondamentalement, il est très difficile de détecter les meilleurs profils, quand tous les bons dossiers ont non seulement 16 de moyenne, mais entre 17 et 20 dans toutes les matières, et des appréciations dithyrambiques depuis la fin de la Première.

Il convient néanmoins d’ajouter que Parcoursup revêt de nombreux aspects positifs. Sur le plan logistique, la procédure dématérialisée permet de faciliter le dépôt de candidature, et de réduire certaines inégalités. Il en en effet plus simple pour un étudiant vivant à Clermont-Ferrand de candidater en ligne à La Sorbonne, plutôt que d’envoyer son dossier par voie postale à l’Université qui, face aux nombre important de candidature, se verrait vite dépassée. De plus, Parcoursup s’érige comme une banque d’information pour l’orientation. Chaque lycéen a accès à l’ensemble des formations proposées par la plateforme en France, ce qui lui permet de découvrir certaines disciplines et de conforter son choix.         
Ainsi, au lieu de décrier cette plateforme, il faudrait plutôt travailler de concert avec les Universités pour la réformer. Plus que les notes ou les appréciations – dont la pertinence et l’objectivité sont largement discutables –, les critères d’admissions devraient davantage s’appuyer sur un entretien pour évaluer la motivation et surtout mesurer le potentiel d’avenir plus que les performances passées des jeunes talents !    
Nous ne pouvons en effet ignorer que ce système d’orientation « robotisé » éloigne de l’objectif d’orientation et de méritocratie, fondements de notre système éducatif depuis la IIIe République. Mais alors, pourquoi faire subir ce système de sélection aléatoire à des centaines de milliers de jeunes ? Jamais, que ce soit dans leur vie personnelle ou professionnelle, ils ne seront à nouveau confrontés à une telle loterie ! Et pour cause… Dans le monde professionnel, par exemple, quelle entreprise oserait recruter un talent sans jamais l’avoir rencontré ? La sélection passe quasi systématiquement par un entretien, seule étape vraiment à même d’évaluer de manière équitable les aptitudes et qualités d’un candidat dans leur ensemble. Car, au-delà des résultats scolaires, n’est-ce pas aussi la motivation, le savoir être, les passions, la personnalité qui sont pris en compte dans la vie réelle ?

En donnant la même chance à tous, Parcoursup rendrait tout son sens aux termes d’« égalité des chances » et d’« orientation ». Et si tout au long de sa scolarité l’étudiant était accompagné afin de lui permettre de bénéficier de l’enseignement le plus adapté à ses compétences et à ses goûts, en d’autres termes s’il bénéficierait de la meilleure orientation possible, alors la réussite serait assurée. Les métiers d’aujourd’hui ne seront pas ceux de demain, et il est de notre responsabilité de faire évoluer les systèmes de sélection et les enseignements postbac en conséquence.    
L’orientation de nos jeunes ne peut reposer sur un unique algorithme, si subtil soit-il !

 

 

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