Le nouvel art de la guerre

L’art de la guerre a été pensé et analysé au gré des évolutions sociales et humaines.  L’intérêt, ici, n’est pas de s’attarder sur les aspects historiques de celui-ci, mais bien de s’interroger sur le sens et la forme de son acception moderne.

Nous sommes entrés dans une ère où un certain nombre d’Etats souhaitent maintenir leur dominium ou le retrouver (les États-Unis et la Russie), où d’autres ont décidé de s’inviter dans le grand jeu international (la Chine) et où des acteurs moyens tentent de devenir des puissances régionales (la Turquie). Leur volonté de rayonnement économique peut se décliner par l’emploi de la force. Ces évolutions amènent un certain nombre d’Etats à vouloir réagir (l’Inde, l’Australie, le Japon, etc.). La guerre commerciale survenue au printemps 2018 entre la Chine et les Etats-Unis de Donald Trump, ainsi que la démonstration de force turque en Méditerranée orientale sont justement les deux dernières conséquences bellicistes de cette évolution des rapports de force et de la tentative de prise de poids stratégique de certains Etats.

La période qui s’ouvre ne sera pas différente des autres. Les tensions et les conflits iront certainement en se multipliant. Il ne fait aucun doute que le temps des guerres qui n’en finissent pas devient une norme (au Sahel, au Yémen, en Syrie, en Afghanistan, etc.). Ainsi, l’opération Barkhane a pris des allures de puits sans fond. La légitimité de la présence française dans la bande sahélo-saharienne est questionnée depuis quelques mois. Par ailleurs, nous allons assister à une recrudescence de conflits « furtifs » et localisés nécessitant l’utilisation de moyens technologiques avancés, permettant de mener une guerre sans la déclarer. Un avenir radieux est promis au drone, dont l’utilisation est déjà largement répandue.

En outre, les actions terroristes, qui ont singulièrement évoluées en l’espace de cinquante ans, continueront d’essaimer. La réponse pour tenter de les éradiquer diverge, accentuant les mésententes internationales. Le Vieux Contient, en la circonstance, est à la recherche d’une vision commune mais l’inadéquation, à l’échelle européenne, des politiques anti-terroristes illustrent le fait que le nouvel art de la guerre remet en question les attributs et les aboutissements de la victoire, qui repose désormais, non plus sur la manière de mener un conflit ou sur l’armement seul, mais sur une série de facteurs sociaux, politiques, démographiques, médiatiques et populaires. Toujours est-il que pour tenter de pallier l’omniprésence et l’imprévisibilité de la menace terroriste, les déploiements de forces spéciales risquent de s’intensifier. L’anticipation et l’adaptation seront donc des clés de voûte du nouvel art de la guerre.

Les formes de guerre irrégulière, dont le terrorisme constitue l’épine dorsale, imposent un remodelage des relations entre le fort et le faible, auxquelles se lie une stratégie d’usure pouvant aboutir à une dissymétrie menant à des échecs retentissants. Les affrontements armés entre Arméniens et Azerbaidjanais pour le contrôle de la région du Haut-Karabagh, à l’automne 2020 illustrent précisément le remodelage de la notion de victoire, conséquence directe des nouvelles manières de faire la guerre. La Russie est intervenue et a réussi à imposer un accord de cessez-le-feu entre les deux parties, mais les braises ne demandent qu’à être ravivées entre Erevan et Bakou. Le temps de Charles Callwell, à savoir celui où l’objectif était de contraindre l’adversaire à accepter la bataille, est formellement révolu. La difficulté majeure sera maintenant de trouver une porte de sortie viable pour toutes les parties d’un conflit.

Lilian EUDIER

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