L’Afrique un continent morcelé de tensions ?

(2023)  L’Afrique souffrante de conflits 

Le continent africain est malade de conflits. Les affrontements qui le déchirent depuis les années 1960, peuvent être expliqués premièrement par l’intangibilité des frontières héritées de la colonisation. Ces nouvelles frontières n’ont jamais correspondu aux réalités culturelles, sociologiques, politiques et ethniques, morcelant et séparant les populations de manière artificielle. Les revendications qui en découlent sont sources de conflits et querelles constantes. L’une des plus importantes est le Sahara occidental, revendiqué par le Maroc et l’Algérie. Nous pourrions également citer le conflit frontalier entre le Cameroun et le Nigeria revendiquant tout deux la presqu’île de Bakassi. Par ailleurs, les conflits peuvent être liés aux ressources naturelles, aux terres exploitables, aux religions et également à la durée d’exercice du pouvoir des dirigeants africains.

Suite aux indépendances, les dirigeants africains ont souvent été choisis par les colonisateurs eux-mêmes. Le pouvoir est ainsi devenu un des facteurs les plus courants des conflits. Le pouvoir attire le pouvoir. C’est pourquoi, les dirigeants africains peuvent être enclins à mettre en place des mécanismes violents de répression afin de préserver leur rôle., d’où la naissance de la question de la limitation des mandats présidentiels afin de garantir la sécurité et la démocratie en Afrique.

Depuis 2015, le respect de la limitation des mandats en Afrique se fait de plus en plus difficilement. Cette situation a entraîné une augmentation de la corruption, une diminution des droits civiques et une fréquence accrue des conflits, toutes associées aux mandats présidentiels prolongés. La démocratie est mise à mal et l’État de droit affaibli. Depuis les années 2000, plus de dix coups d’états ont été enregistrés aux Comores, en Côte d’Ivoire, Guinée, Guinée-Bissau, Mali, Mauritanie et Niger. La question qui se pose alors, est celle des systèmes démocratiques qu’a choisi l’Afrique. Calqués sur ceux des pays occidentaux, sont-ils vraiment ceux qui correspondent aux attentes africaines ?

La réponse est clairement non. Il est impératif de tenir compte des contextes et héritages spécifiques de l’Afrique afin d’adapter les systèmes démocratiques en conséquence.  Cela implique une approche sensible aux réalités culturelles, économiques et politiques de chaque population. Les attentes et les besoins de celles-ci diffèrent totalement de ceux des pays occidentaux. Les systèmes démocratiques occidentaux ont été importés sans tenir compte des structures politiques et culturelles préexistantes, ce qui a créé des tensions et des incompatibilités avec les traditions et les valeurs africaines. Il convient de mentionner que le concept de démocratie est universel, mais sa mise en œuvre peut varier en fonction des circonstances et des besoins spécifiques d’un pays.

Enjeux économiques et ressources naturelles comme objet de conflits 

L’extraction et la gestion des ressources naturelles façonnent de manière très complexe les relations sociales, économiques, politiques et géostratégiques en Afrique. La richesse en ressources renouvelables telles que les terres arables, la végétation, le bétail, la production agricole et l’eau peut être associée à une plus grande probabilité de conflit. Schématiquement, on suppose souvent que la rareté des ressources, d’une part, et l’abondance des ressources, d’autre part, sont associées à une probabilité accrue de violence. L’expérience de l’Afrique montre que les régions riches en ressources sont sujettes aux conflits et connaissent donc souvent une croissance économique plus lente que les régions moins bien dotées en ressources.

La croissance économique et démographique, combinée à la destruction des écosystèmes, entraîne de facto une concurrence pour les ressources. Malheureusement, les lois officielles relatives à la gestion de celles-ci ne correspondent souvent pas aux droits et réglementations traditionnels des utilisateurs autochtones, les politiques de privatisation des ressources naturelles ou des services communs peuvent déclencher de graves conflits politiques au sein même d’une société. Les groupes armés jouent un rôle dans le contrôle de l’accès aux ressources naturelles menant les propriétaires terriens à faire garder leurs biens par des milices armées. Les ressources peuvent encourager les tentatives de séparatisme et exacerber les conflits régionaux et internationaux.

Prévention des conflits en Afrique 

La prévention des conflits se fera dans un premier temps, dans l’anticipation et l’identification, avec notamment une connaissance précise des signaux annonciateurs. Cette prévention doit passer par une “bonne gouvernance” en agissant sur des situations diagnostiquées comme préconflictuelles en amont, c’est-à-dire avant qu’un conflit soit considéré comme probable.

N’oublions pas que les acteurs internationaux et les entreprises privées jouent un rôle crucial dans la manifestation de conflits. Grâce à des initiatives conjointes, les pays africains peuvent utiliser leurs ressources naturelles comme levier de développement. Elles sont, en ce sens, l’un des outils que les acteurs de la géopolitique africaine peuvent utiliser pour atteindre soit des objectifs de puissance dans un cadre conflictuel et concurrentiel, soit des objectifs de coopération, de solidarité et de collaboration pour le bien du continent. L’outil est le même, c’est l’utilisation ou le cadre d’utilisation qui change sa fonction.

La transition énergétique est déjà en train de devenir une force géopolitique : elle modifie les structures de pouvoir des régions et des États, apporte la promesse de l’indépendance énergétique aux nations et aux communautés, et renforce la sécurité énergétique et l’autonomisation démocratique. Les opportunités et les défis liés au potentiel des énergies renouvelables en Afrique configurera à coup sûr la carte du monde qui prévaut depuis des décennies. Il est donc essentiel que les pays africains élaborent des stratégies de gestion durable des ressources qui donnent la priorité au développement local, à la transparence et à la bonne gouvernance.

 

Margot Andriollo,

Chargée de mission au CEPS

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