Épidémie : après l’action, la réflexion ?

 

 

 

L’épidémie de COVID 19 se révèle chaque jour plus intense et dévastatrice : une diffusion accélérée, la moitié de l’humanité confinée, des secteurs entiers de l’économie à l’arrêt.
Les médias et les débats ininterrompus à la télévision, auxquels le confinement permet d’être assidu, brillent par l’absence de réflexion sur le sens des événements. Ils se limitent à un récit factuel ou à de navrantes polémiques stériles.
L’autre chose frappante est la quasi absence de thématiques sur la situation économique aussi bien que sur les mesures d’accompagnement mises en œuvre.
Néanmoins, et c’est heureux, de belles solidarités voient le jour. Une cohésion nationale se met en place autour du personnel médical, des travailleurs essentiels, des chaînes de solidarité, qui font oublier les rares comportements notoirement inciviques.
Le quotidien de cette crise ne doit pas nous empêcher de réfléchir aux leçons qu’elle implique. Parmi d’autres je voudrais en évoquer trois.

Beaucoup critiquent l’impréparation de la France, du manque de masques et de tests à l’insuffisance d’infrastructures de réanimation. Mais un pays doit-il s’équiper en permanence pour répondre à d’éventuelles crises périodiques et non prévisibles, quitte a le faire au détriment d’autres investissements? Gérer un pays c’est gérer la rareté. La priorité doit-elle être de se protéger contre tous les aléas, même rares, ou faut-il privilégier la souplesse et l’adaptabilité en cas de crise ? Cette question était très à la mode dans les années 1970 sous le terme de RCB, la rationalisation des choix budgétaires. Abandonnée depuis, cette méthode mériterait d’être remise au goût du jour.

La deuxième leçon est celle du contrôle par les pays de certains secteurs ou produits clés. On pense évidemment au domaine médical, mais aussi aux industries stratégiques sans lesquelles le pays ne peut pas fonctionner. Jusqu’où doit aller notre souveraineté et partant notre dépendance ? La crise du COVID 19 montre que la France a sans doute été trop loin dans l’abandon de certaines souverainetés.
Cela s’explique par la faiblesse de l’actionnariat et de l’equity dans notre pays. Pensons aux départs de Péchiney ou de Lafarge. S’y ajoute la dictature de la rentabilité financière et du court terme dont les objectifs sont bien loin de la protection de la souveraineté. Enfin comment ne pas citer le dogme européen de la concurrence et du marché ? Rappelons-nous de la fusion avortée entre Alstom et Siemens.

Le troisième thème est celui de la nécessité d’internationaliser la solidarité. La mondialisation ne touche pas uniquement le commerce, la finance et la technologie. Elle doit aussi s’appliquer aux solidarités sur la planète. Prenons l’exemple de l’Afrique ou le Coronavirus va faire, n’en doutons pas, des ravages en termes sanitaires et humains mais aussi économiques. Seul le multilatéralisme pourra éviter un désastre humanitaire et une crise économique et de liquidité profonde.

Prenons le cas du pétrole. L’effondrement actuel des prix va mettre la dizaine de pays producteurs africains, et sans doute leurs voisins, dans une situation dramatique qui risque d’accroître la pauvreté et l’endettement, et donc les faire reculer de plusieurs années. La cause de la chute des cours du pétrole, mais aussi son remède, sont éminemment politiques. Où se situe la cohérence entre la politique pétrolière égoïste de certains Etats du Golfe et leur discours officiel d’aide au développement de l’Afrique et de partenariat généreux ?

Toutes ces questions sont éminemment politiques. Souhaitons de traverser au plus vite la crise sanitaire et de surmonter la crise économique, puis conduisons une véritable réflexion sur ces sujets, de la priorisation à la souveraineté, en passant par l’internationalisation des solidarités. C’est de la responsabilité des politiques et des intellectuels de le faire. Mais pour le réussir, doivent émerger quelques leaders capables d’entraîner la communauté internationale et leurs propres pays, et d’arbitrer les rapports de force. Ces leaders s’appellent des hommes d’État.

 

Par Etienne GIROS
Président délégué du CIAN

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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