Encourageons le soft power culturel français

 

Souvenons-nous que c’est sous le signe de la coopération culturelle, symbolisée par l’incomparable cadre du musée du Louvre, que le 9 avril 2018 la France avait lancé la visite très attendue du prince héritier d’Arabie saoudite, Mohamed ben Salmane. Trois jours qui ont porté un véritable coup de projecteur sur l’expertise culturelle française. L’accord qui a suivi la rencontre entre le Président de la République Emmanuel Macron et le prince héritier en est un nouvel avatar. Il couvre un champ élargi allant du développement du site archéologique nabatéen d’Al Ula à la création d’un orchestre symphonique et lyrique via l’Opéra national de Paris en passant par la coopération cinématographique et audiovisuelle avec l’école du cinéma, la Fémis, ou l’Institut national de l’audiovisuel. S’y ajoute la présence des Saoudiens au festival de Cannes comme autre signal, si besoin en était, que l’expertise culturelle française attire et inspire.

Déjà en juillet 2017, le rapport annuel SoftPower30 s’en était fait l’écho en désignant la France comme pays le plus influent en termes de « soft power », c’est-à-dire sa capacité à convaincre et à influencer par des moyens non coercitifs à l’instar notamment de ceux de la culture. Le soft power culturel s’y montre clairement différent des clichés poussiéreux associés, à tort, aux musées, patrimoine et autres sites pour insister bien au contraire sur leur sens de l’innovation et du dynamisme. In fine, la diplomatie économique et la diplomatie culturelle sont les adjuvants réciproques de leur réussite respective.

Le rapport Janicot d’octobre 2013 rappelait que cet impact donnait à la France une responsabilité internationale, singulièrement à l’Unesco, faisant de la France « une source majeure (…) de compétences, de connaissances, de savoir-faire, d’expertise. » Si les grandes institutions culturelles sont des ambassadeurs de notre pays, cette tendance souligne aussi l’importance de leur juste valorisation. Disons les choses franchement : cela implique aussi de parler de valorisation financière de ces acteurs de la culture et de leurs prestations de conseil à l’étranger.

Pour bien comprendre les enjeux de cette valorisation et si l’on prend pour exemple le patrimoine, ce dernier n’est pas réduit à sa seule composante architecturale ou à ses collections. C’est aussi un point de cristallisation de savoir-faire uniques et d’expertises rares. C’est un conservatoire de talents et de métiers très divers. C’est un réservoir de technologies et d’innovation au service de la culture. C’est aussi, disons-le, l’incarnation de marques liées à des noms prestigieux que sont le Château de Versailles, Le Louvre, Orsay et bien d’autres noms d’exception.

Le grand révélateur de cette valorisation culturelle fut l’accord historique d’un milliard d’euros en 2007 entre la France et les Emirats Arabes Unis pour la création du Louvre Abou Dhabi. L’inauguration en novembre dernier du spectaculaire musée émirati n’a fait que confirmer la réussite du modèle, en dépit des quelques polémiques désormais oubliées de l’époque. Comment accroître un tel modèle à l’échelle des trésors patrimoniaux qui peuvent faire l’objet de valorisation. Le rapport Musitelli commandé par le ministère de la Culture en 2015 visait justement à répondre à cette question : quelle stratégie pour « la valorisation du savoir-faire patrimonial français à l’international » ? Au-delà des noms (et des marques) illustres des grands musées qui se sont désormais engagés avec succès dans cette professionnalisation de la valorisation culturelle, d’autres domaines patrimoniaux méritent aussi d’être cités, aidés, valorisés. Qu’en est-il de l’incroyable savoir-faire du Centre de Recherche et de Restauration des Musées de France (C2RMF) dont les chercheurs ont permis de mettre au point le seul accélérateur de particules au monde à être détenu par des musées ; ou encore, du robot humanoïde Ocean One la Direction des Recherches Archéologiques Sous-Marines (DRASSM) qui permettra de réaliser, des fouilles archéologiques jusqu’à 2000 mètres de profondeur.

Certains auraient-ils toujours des doutes et joueraient-ils encore les Cassandre en parlant de « marchandisation de la culture » ? Rassurons-les car en réalité seuls l’excellence, le talent et les plus hautes normes de qualité culturelle permettent un niveau élevé de valorisation de l’action culturelle. Cette expertise est un atout hors norme pour la France et une source de financement complémentaire qui se traduit en pratique par la mise en valeur de son patrimoine et de la Culture au service des publics. Cet atout ne peut s’épanouir que s’il est encouragé en créant un indispensable écosystème pour aiguillonner les entités culturelles, coordonner le cas échéant leurs actions et sublimer leur créativité. L’association de cet écosystème à l’excellence culturelle est cette gaine d’avenir propre à conforter le rayonnement de la France à la lumière d’un savoir-faire culturel hors norme et d’un modèle démocratique qui garde toujours en tête d’élargir l’accès de la Culture à tous et au plus grand nombre.

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