Dans le contexte de guerre actuelle, comment mobiliser ? Est-ce concevable ? Une guerre est-elle envisageable ?

(Décembre 2022) En amont de la première réunion du groupe de travail réserve initié par le ministère des armées au sujet des politiques de recrutement de réservistes et au regard de la prochaine loi de programmation militaire (2024-2030). Le club « Les Fenêtres du Dialogue » du Centre d’Etudes et de prospectives stratégiques s’est penché sur les problématiques liées au retour de la haute intensité en Europe et qui plane sur notre territoire. En se posant les interrogations suivantes: Dans le contexte de guerre actuelle, comment mobiliser ? Est-ce concevable ? Une guerre est-elle envisageable ? Pour répondre à ces questions, le club co-présidé par Mairiam Sy a convié le secrétaire général de la Garde Nationale, représenté par le colonel François-Xavier Poisbeau, secrétaire général adjoint. Les mots de conclusions ont été présenté par une jeune membre de la division jeunesse Anna gueye pour y apporter ses éclairages. 

Les enjeux de défense et de sécurité nationale pour la France ont une résonance toute particulière face à l’actualité stratégique récente. En effet, la nouvelle Revue Stratégique rappelle les principaux enjeux auxquels la France est confrontée depuis la fin de la précédente décennie tels que le terrorisme, la recrudescence des puissances régionales. Comme le souligne le chef d’état- major des armées « la compétition est permanente : sécuritaire, diplomatique » et ouvre le champ des stratégies hybrides dans toutes les régions du monde (Moyen-Orient, Afrique, Europe). De même, on remarque un accroissement de la puissance militaire, l’emploi de la force de manière désinnhibée », une évolution rapide des équipements et des capacités dans de nombreux pays et la création de groupes paramilitaires dans certains pays africains. Cette déstabilisation passe également par le cyber, la rupture des câbles sous-marins, la guerre informationnelle et les stratégies influences.

Ces problématiques géopolitiques et de contestations obligent à nous interroger à la manière de sensibiliser et d’engager les français à la Défense. D’après le dictionnaire de l’Académie française, mobiliser c’est mettre une armée sur le pied de guerre en rappelant ses réserves et en la dotant de l’équipement nécessaire pour lui permettre d’entrer en campagne. La création récente de la Garde Nationale aux lendemain des attentats de 2015 et 2016 n’est pas une idée novatrice puisqu’il existait une milice bourgeoise dénommée ainsi qui assurait le maintient de l’ordre dans Paris.

1) La question de l’engagement

Nonobstant pour mobiliser, il faut se questionner sur ce que présuppose l’engagement. Au sens premier l’engagement est une action qu’une personne entreprend pour une cause auquel elle tient. Néanmoins au sein des armées, le terme revêt une toute autre signification qu’aucune autre institution n’exige de ses membres. L’engagement impose un investissement moral, émotionnel, 1 physique et social, au profit de l’institution, de ses camarades, au péril de la vie. D’après le code de la Défense, la politique de défense nationale est définie comme « l’objectif d’assurer l’intégrité territoriale et de protéger la population contre les attaques armées ». Elle lutte contre les menaces qui peuvent porter atteinte à la sécurité nationale. « La défense nationale est commune et indivisible : un engagement pour la défense nationale s’inscrit dans un engagement communautaire, un engagement citoyen. On parle ainsi du concept d’ethos de défense nationale, décrit comme « le premier fondement de la sécurité nationale », et du lien entre les militaires et l’État, représenté par l’appartenance. » Tout ceci ne peut avoir corps sans les institutions militaires, 2 civiles Pour s’engager dans la défense en tant que cause, il faut être averti aux enjeux de la défense et initié pour connaitre les causes et les corps qui rendent possible cet engagement. La première étape serait de diffuser dès les petites classes les valeurs de la République, de la Défense. Mais aussi inclure toutes les franges de la société à la vie de la cité en participant par exemple à des cérémonies militaires, des événements d’entraide entre les armées et les anciens combattants.

2) Quelques pistes de réflexion

Pour développer l’engagement des jeunes, il faudrait encourager toute participation aux dispositifs mis en place par la DSNJ tels que les PMD, PMM, PMS et permettre aux collégiens, lycéens d’effectuer des stages de découvertes dans les régiments, entreprises de la BITD . Et repenser les 4 différents dispositifs tels que le SMV, SMA, SNU, EAJ, Cadets de la gendarmerie, SNU pour renforcer les forces morales » 5 D’autre part, il faut aussi réfléchir à la formation des enseignants en intégrant dans la formation des enseignants un module de défense obligatoire pour sensibiliser les enseignants à la défense et au devoir de mémoire voire même d’inclure des modules de défense dans les heures d’éducation civique et morale. Il faudrait également leur présenter la garde nationale et expliquer les raisons pour lesquelles les étudiants devraient bénéficier d’aménagements pour les partiels et temps ordinaire. En ce qui concerne les besoins liés aux réserves, il faudrait former une réserve de spécialiste qui allierait les compétences civiles et militaires et non plus une réserve qui assume des missions de Lia Marie-Hélène, L’engagement militaire, bien plus que l’exercice d’une profession, Le journal des 1 psychologues 2019/10 ( n°372), 2019 Gueye Anna, Vydelingum Anaïs, Guyotat Louise-Marie, Quervel Théo, Sorasso-Bluem Marin, Engagement 2 des jeunes européens dans la défense, Revue de la Défense Nationale, n°850, 2022, p 109 à 114 3 Direction du Service Nationale et de la Jeunesse Base Industrielle et Technologique de Défense française (BITD) Forces morales : il s’agit de a capacité mentale d’affronter et de surmonter l’adversité. Cela signifie développer et maintenir certaines qualités ou vertus, telles que le courage, l’unité, la discipline et la volonté de se sacrifier pour le bien commun. soutien et de renfort aux opérations intérieures. Comme le souligne le CEMA il faudrait aussi : « proposer des offres d’engagement mieux adaptée à la variété des modes de vie. (…) Les réservistes doivent être apte à couvrir si nécessaire le contrat opérationnel « territoire national » et à s’engager à terme au-delà de la fonction de protection. » Dans cette même perspective, il serait opportun d’accorder aux réservistes étudiants un point bonus automatique sur leur moyenne générale, augmenter leur bourse Allocres, leur concéder une prime de 100 euros par mois cumulable avec les APL. Le temps investis à la réserve devrait leur donner accès à des points retraite, indemnités bancaires et des tarifs d’assurance, mutuelle à prix préférentiels. Somme toute, il faudrait simplifier le portail ROC pour que chacun puisse comprendre l’utilisation de la plateforme et unifier les procédures de recrutement entre les armées pour que les démarches de mutation s’opèrent plus rapidement. Néanmoins, tout cela est aujourd’hui mis en perspective face au conflit de haute intensité. Si la défense a pris une plus grande valeur en France au titre de la guerre en Ukraine, il faut encore sensibiliser l’opinion à la défense et au risque de haute intensité. Ce pourquoi il faut mobiliser enseignants, la jeunesse et les acteurs politiques et publiques à l’économie de guerre et l’économie des forces.

Anna GUEYE – CEPS

Accéder à l’article en PDF : https://ceps-oing.org/wp-content/uploads/2023/01/libre-parole-Anna-Gueye-novembre-2022.pdf

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