(Avril 2023) Dans un contexte de planification écologique, quelles sont les phases réalistes qui permettront à l’écosystème du transport aérien et l’ensemble de ses parties prenantes, d’atteindre une émission nulle de gaz à effet de serre ?
L’atteinte d’une émission nulle de gaz à effet de serre dans l’aviation civile, est un objectif qui a été fixé pour 2050 sous l’impulsion de l’Europe, et plus précisément de la France, des PaysBas, de la Grande Bretagne, de l’Allemagne et de l’Espagne. Les USA ont une conversion plus lente, mais semblent avoir pris ces dernières années la mesure de l’importance écologique et économique de ces enjeux.
Pour parvenir à cet objectif, il faut apporter des solutions industrielles, écologiques et économiques qui peuvent être divisées en deux catégories :
Décarbonation de l’aviation civile, hors carburant (50% des émissions) :
- Sensibiliser afin de promouvoir une consommation plus responsable.
- Réaliser des avancées technologiques sur les avions et optimiser les lignes aériennes.
- Décarbonner au sol (avant le départ sur la piste).
Décarbonation du carburant utilisé par l’aviation civile :
- Développer des biocarburants et des carburants synthétiques.
- Développer l’utilisation de l’hydrogène.
Ces solutions seront confrontées à trois obstacles principaux :
- Techniques : difficultés d’emport d’hydrogène, surtout pour les longs courriers, risques encore trop élevés quant à l’utilisation de l’hydrogène…
- Ecologiques : nous ne connaissons pas encore assez les effets des biocarburants, des carburants synthétiques et de l’hydrogène sur l’environnement.
- Economiques : La hausse en besoin d’énergie aboutira à un cout d’opportunité très fort pour ces carburants.
L’un des principaux apports que peuvent faire la France et l’Europe à la décarbonation totale tient notamment à la fourniture au monde de solutions techniques (l’Europe fournit 50% de la flotte mondiale). C’est en innovant pour notre aviation et en fournissant les moyens d’une aviation décarbonée au reste du monde que nous atteindrons nos objectifs de décarbonation quasi-totale.
Les principaux défis français vont être de :
Maintenir un niveau d’accompagnement de l’industrie à hauteur de l’ambition, notamment grâce au Conseil pour la Recherche Aéronautique Civile (CORAC).
- Avancer sur la création d’une filière européenne ou française pour la production de biocarburants ou de carburants synthétiques.
- Faire en sorte de dynamiser et de moderniser le système de contrôle aérien pour être plus économes en kérosène.
- Faire des progrès techniques sur les avions et sur la mise en place d’une solution hydrogène fiable dans l’usage.
- Mettre en place des structures d’approvisionnement pour les nouveaux carburants.
La France, l’Europe et les autres régions du monde ont-elles le même agenda ?
En Europe, les Etats ont à peu de choses près le même agenda industriel de décarbonation. Il y a cependant quelques nuances :
- Les pays les moins riches sont moins allants dans cette décarbonation, notamment ceux vivant du tourisme.
- Les pays pro-nucléaires sont en fracture directe avec les pays anti-nucléaires (France et Europe de l’est contre Espagne, Allemagne, Irlande…). Il n’y a pas la même vision de la décarbonation entre ces différents pays en Europe.
Pour ce qui est du reste du monde, la maturation a été identique partout pendant la pandémie de Covid-19. Cette période de « glaciation » des voyages et des échanges a permis un réveil général quant aux enjeux climatiques et environnementaux. Tous les pays ont cependant des divergences fondamentales :
- Sur le rythme de décarbonation.
- Sur ses priorités de développement. De nombreux pays sont dans une politique de croissance, et de développement de leur aviation, et ne souhaitent pas voire cela freiné par des enjeux de décarbonation.
- Sur les concessions économiques à faire : Le prix élevé des solutions technologiques nouvelles suppose aussi que les pays en avance apportent un soutien financier et technologique aux pays en nécessité, afin qu’ils se dirigent directement vers une aviation décarbonée.
Quel rôle pour de la DGAC ? Quels sont ses modes d’action (opérationnels, règlementaires ou financiers, en termes de formation (ENAC notamment), de communication, etc.) ?
Les principales actions de la DGAC visent à :
- Faire en sorte d’accélérer et développer la politique industrielle de recherche dans le domaine, notamment par le biais du CORAC.
- Faire en sorte de moderniser et dynamiser le contrôle aérien, pour traiter les problèmes liés à la fluidité du trafic.
- Etre à la pointe de ce qui se fait dans l’innovation règlementaire, financière ou fiscale en France et en Europe.
- En terme de formation, que les futurs pilotes et contrôleurs soient formés et sensibilisés aux enjeux de décarbonation.
Victor PERALDI – CEPS
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