Comment envisager l’avenir de l’activité aérienne ?

 

Un constat sans appel

Le transport aérien ne sera sans doute plus le même. « En 65 jours, le trafic aérien a perdu ce qu’il avait gagné en 65 ans ». Tel était le constat accablant que dressait le PDG de la compagnie Lufthansa, Carsten Spohr. Des mots qui illustrent l’ampleur de la crise que traverse le secteur.

Le premier constat que l’on peut raisonnablement tirer est celui de l’effondrement de l’activité du secteur aérien. L’International Air Transport Association (IATA) prévoit une baisse de 55% du nombre de passagers dans le monde par rapport à l’année 2019. Rien qu’en France, la baisse du trafic en 2020 est de l’ordre de 70%, soit une perte de 150 millions de passagers sur l’ensemble des aéroports français estime Thomas Juin, Président de l’Union des Aéroports français (UAF).

Le 18 février dernier, Air-France, qui n’assure que 35% de ses 1200 vols quotidiens « habituels », affiche 7,1 milliard d’euros de perte depuis mars 2020, soit une perte de 10 millions d’euros par jour !

Outre-Atlantique, ni les attaques du 11-Septembre ni la crise financière de 2008 n’avaient provoqué pareille déroute dans le ciel américain. Les 4 plus grosses compagnies aériennes (American Airlines, United Airlines, Delta Air Lines et Southwest Airlines) ont totalisé près de 90 000 suppressions de poste et 32 milliards de dollars de perte ! Elles n’ont dû leur survie qu’aux dizaines de milliards d’aides directes et de prêts consentis par le gouvernement fédéral. Elles continuent de brûler en 2021 près de 15 millions de dollars par jour.

Les répercussions sur l’ensemble des aéroports partout dans le monde seront violentes, entrainant une baisse généralisée de leur activité, à tel point que certains risquent d’être obligés de cesser leurs activités.

L’association des aéroports européens estime que près de 200 aéroports sont au bord de la faillite. Avec un trafic inférieur de 86% à celui de 2019 en novembre dernier les quelques 500 aéroports membres de l’ACI Europe ont franchi ce mois-ci le cap du milliard et demi de passagers perdus depuis le début de l’année.

Pour l’heure, les aides d’État aux aéroports restent modestes : de l’ordre de 930 millions d’euros au total pour les 500 aéroports de l’ACI Europe, contre près de 32 milliards pour les compagnies aériennes. Les renforcements des contrôles aux frontières, la quarantaine imposée pour les nouveaux arrivants dans certains pays ou les interdictions pures et simples de voyages, imposées par les États ou les entreprises ont « détricoté » la connectivité aérienne mondiale.

 L’avenir « prévisible-imprévisible »

Le secteur des voyages d’affaire, perçu par de nombreux acteurs comme une pierre angulaire de la croissance économique et du chiffre d’affaire des compagnies aériennes, ne retrouvera très vraisemblablement pas son niveau d’il y a un an, et cela pour de multiples raisons. D’une part, les entreprises traversent elles aussi une crise forte et entament une importante baisse de leurs coûts, réduisant ainsi considérablement les déplacements de leur personnel. De l’autre, les entreprises regarderont à l’avenir plusieurs fois avant d’envoyer leurs cadres à l’étranger et de faire peser un risque sur la diffusion du virus. Une attitude attentiste des entreprises deviendra donc la norme. Enfin, la pandémie a montré que l’on pouvait se réunir et travailler par visioconférence avec efficacité.

Par ailleurs, les États ont tellement sensibilisé voire « traumatisé » leurs populations pour éviter tout risque de contamination qu’elles ont et contribuent à décourager tout déplacement considéré comme non-essentiel.

De surcroît, on constate que se développe au niveau européen une dynamique des États visant à limiter les vols court-courriers, en considérant que l’alternative à privilégier devrait être la voiture ou le train.

Les atermoiements gouvernementaux et les décisions successives privent les compagnies d’oxygène et les empêchent raisonnablement d’anticiper.

Les conséquences

Un certain nombre d’aéroports va connaitre un problème de sous-capacité qui aura naturellement des conséquences sur leur modèle économique : moins de passagers, moins de taxes, moins de rentabilité des boutiques dans les aéroports voire fermeture de certaines d’entre elles. Les compagnies aériennes vont quant à elles connaitre une réduction drastique de leur flotte et de leur dessert, entrainant irrémédiablement la disparition des plus fragiles d’entre elles.

L’activité aérienne repartira très certainement mais en s’inscrivant dans une logique de temps long au mieux à l’horizon 2022. La consommation aérienne se déclinera autrement. Dans l’intervalle reste posée la question de la pérennité économique de ces différents acteurs. Le rôle et l’intervention des États seront-ils déterminants en l’attente d’un retour à meilleure fortune ?

On peut raisonnablement se poser la question de la « survivabilité » de ce secteur dans ses différentes composantes : est-il, sera-t-il, redeviendra-t-il attractif pour les investisseurs privés et à quelles conditions ?

Loïc TRIBOT LA SPIERE
Délégué général du CEPS

Lilian EUDIER

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