C’est le moment de mutualiser les dettes dans la zone euro, pas de les annuler !

 

Demander « l’annulation de la dette Covid » est dépourvu de sens comptablement et porte atteinte à la crédibilité des rares pays – la France et l’Italie – où des voix s’élèvent dans ce sens.

En revanche , la faiblesse exceptionnelle des spreads de taux d’intérêt dans la zone euro plaide en faveur de la mutualisation immédiate d’une partie des dettes souveraines. Pour consolider l’euro et l’Europe. Et pour positionner demain au niveau européen les inévitables prélèvements qui découleront du service de la dette.

La BCE et ses antennes nationales, comme la Banque se France, ont racheté selon le FMI les 3/4 de la « dette Covid ». Elles détiennent par ailleurs environ le 1/3 du gisement de titres de la dette publique. La « dette Covid » a été émise à taux négatifs. Si demain elle devait être remplacée par de nouvelles émissions à taux positifs également rachetées par les Banques centrales, celles-ci reverseraient naturellement à leurs États-actionnaires les produits financiers correspondant. Donc l’opération serait neutre et ne mérite pas de commentaires.

De fait, la « dette perpétuelle » existe déjà ( « roll over ») et demander des « annulations » ne ferait que porter atteinte à la crédibilité de l’euro et, accessoirement, à celle des démagogues qui n’en ont cure……

Personne en revanche ne semble apercevoir l’évolution qui s’est produite ces dernières semaines : les taux d’intérêt dans la zone euro se sont alignés enregistrant les écarts les plus faibles depuis les débuts de la monnaie unique. Ainsi tous les pays se financent-ils à 5 ans à taux négatifs désormais; à 10 ans, l’écart entre le pays le plus crédible l’Allemagne ( -0,6 %) et le plus douteux l’Italie ( + 0,56 %) est faible, la France se situant dans une position intermédiaire (-0,36%). Cette évolution permet la mutualisation des dettes souveraines.

Il faut donc prolonger et amplifier l’accord européen du 21 juillet, en mutualisant les dettes souveraines, et en commençant par la partie inférieure aux « 60 % du PIB » ( norme du Traité d’Union européenne). Demain si le Conseil européen en prenait la décision, cette partie de la dette deviendrait « européenne » et ses conditions de remboursement serait donc capées par la crédibilité de son émetteur.

Cela supposerait une réflexion connexe sur les prélèvements nouveaux à positionner à l’échelon européen. L’augmentation des prélèvements deviendra inévitable après 2022. Mieux vaut alors les positionner à l’échelon européen pour parachever l’intégration du continent et pour ne pas détériorer les compétitivités nationales.

Mieux vaut encore les positionner à l’échelon européen pour affirmer également notre stratégie commune de lutte contre le réchauffement climatique et de réduction des inégalités qui lui est indissociable.

Au menu ( non exhaustif) :

  • taxe carbone fédérale et taxe carbone aux frontières ;
  • taxe sur l’épargne et taxe sur les transactions financières ;
  • écrêtement des grosses rémunérations.

Cette stratégie illustre celle de Georges Mundell , prix Nobel d’économie, sur les zones monétaires optimales : on ne peut conserver durablement une monnaie commune sans gouvernement ni sans intégration des marchés de l’épargne et de la dette comme nous le soulignions dans notre article des « Échos » du 28 août.

Annuler la dette est dépourvu de sens et constituerait en outre une violation flagrante des Traités européens approuvés par 27 pays. Mieux vaut aller de l’avant !

Dr Maxime MAURY

professeur affilié à Toulouse Business School 

ancien directeur régional de la Banque de France

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