Depuis plus d’une décennie, le Royaume du Maroc a entrepris une transformation significative de son système de santé.
Côté secteur public, quatre nouveaux Centres Hospitaliers Universitaires ont vu le jour dans le pays, à Marrakech, Agadir, Tanger et Oujda. Des Centres de Lutte Contre le Cancer, publics et privés, ont également été ouverts dont le dernier à Laâyoune en 2021.
Par ailleurs, la protection sociale a été étendue à l’ensemble des Marocains suite à l’adoption de la loi cadre 09-21 le 23 mars 2021. Concernant le financement, le pays prévoit une enveloppe annuelle substantielle de 51 milliards de dirhams (environ 4.7 milliards d’euros) à partir de 2025.
Côté secteur privé, l’investissement s’est fortement accéléré en conséquence. À titre d’exemple, Akdital, le principal acteur privé de la santé coté en bourse, représente 15% de la capacité d’hospitalisation du pays avec plus de 18 établissements multidisciplinaires. Après avoir dépassé le milliard de dirhams de chiffre d’affaires (plus de cent millions d’euros), le groupe continue d’élargir son réseau de manière remarquable.
En parallèle du développement des infrastructures, l’Etat poursuit une feuille de route pour la transformation numérique des établissements de santé à commencer par le déploiement de Système d’Information Hospitaliers partagés.
Cependant, les synergies entre un secteur public renforcé, modernisé et un secteur privé porté par des investissements massifs ne suffiront pas pour répondre à l’augmentation de la demande de soins et à réaliser les ambitions de la stratégie sociale en cours.
Comme partout ailleurs dans le monde, face au vieillissement des populations et au développement des maladies chroniques, les modes d’accompagnement et de prise en charge des patients sont inéluctablement appelés à se transformer pour permettre une meilleure qualité de vie et un meilleur parcours de santé dans un souci constant d’éthique, de sécurité et de réalisme économique.
Cette nécessaire évolution vers une prise en charge innovante ne peut se faire sans une adoption éclairée et raisonnée des technologies d’information et de communication qui doit permettre la transition d’un système de Santé traditionnellement axé sur le soin vers un système de Santé de nouvelle génération orienté vers la prévention et capable de proposer à ses usagers, aux professionnels de Santé et aux industriels de nouveaux services dans des parcours de Santé qui deviendront la véritable unité de lieu d’exercice de la médecine.
La pandémie Covid-19 a révélé la capacité du secteur de la Santé au Maroc de réorienter, de manière très agile, les moyens de production pour répondre aux besoins les plus critiques. C’est à cette même agilité qu’il faut recourir aujourd’hui pour promouvoir une filière d’excellence dans le numérique en Santé qui permettra une adoption plus large de la télémédecine, assurera la souveraineté numérique des données de santé et, grâce à l’intelligence artificielle, ouvrira la voie à de nouvelles capacités de recherche, de diagnostic et de traitement.
Le développement de la télémédecine est particulièrement stratégique pour le Maroc, promettant un accès plus équitable aux soins de santé et une amélioration des standards sanitaires nationaux au niveau des pays les plus développés. La généralisation de la télémédecine produira aussi des volumes importants de données de santé, homogènes et structurées, stimulant la recherche et favorisant l’application de l’intelligence artificielle dans divers domaines cliniques.
Cette dynamique crée un cycle vertueux accélérant la transformation du système de santé au Maroc, où la généralisation de la télémédecine renforcera la recherche en IA, qui à son tour stimulera l’adoption de la télémédecine dans d’autres spécialités cliniques, enrichissant ainsi la base de données disponibles pour de futurs travaux de recherche.
Cette transformation numérique ouvre des perspectives de croissance économique substantielles. En effet, le développement de technologies avancées et leur mise en œuvre au sein du système de santé peuvent stimuler l’industrie locale des technologies de l’information et de la communication, attirer des investissements étrangers, encourager des partenariats internationaux et soutenir le développement continu du tourisme sans oublier l’appui à l’organisation des deux prochains événements sportifs majeurs qu’organisera le pays que sont la Coupe d’Afrique des Nations en 2025 et la Coupe du Monde en 2030, coorganisée avec l’Espagne et le Portugal. Le Maroc pourrait ainsi exporter son expertise et ses innovations, renforçant sa position comme leader dans le domaine de la santé numérique sur le continent africain.
Par ailleurs, cette avancée vers un système de santé plus moderne et plus efficace favorisera la formation et le développement des compétences des personnels de santé au Maroc. En élevant les standards de formation et en intégrant les nouvelles technologies dans les programmes éducatifs, le Maroc pourra former une nouvelle génération de professionnels de santé hautement qualifiés et adaptés aux défis contemporains de la médecine.
En somme, en embrassant une vision orientée vers la prévention, l’innovation technologique, et en s’appuyant sur les avancées en intelligence artificielle et en télémédecine, le Maroc s’engage sur la voie de devenir un modèle de santé de nouvelle génération. Cette démarche permettra non seulement de répondre efficacement aux besoins de sa population mais également de jouer un rôle de leader en matière de santé sur le continent africain, ouvrant la porte à des opportunités de croissance, de collaboration et d’innovation internationales.
Hicham Temsamani
Secrétaire Général CEPS