Où en est l’Afrique ?
Photo de David Clode sur Unsplash

Où en est l’Afrique ?

Où en est l’Afrique ?

L’Afrique ne fut pas toujours pauvre. Assis à droite, tenant une pépite d’or, le roi de l’empire du Mali, Mansa Moussa (début du XIV ème siècle) serait, aujourd’hui encore, l’homme le plus riche du Monde. On calcule ses richesses dans de 400 milliards de dollars. (In Atlas Catalan, daté du XIVe siècle, conservé à la Bibliothèque nationale de France).

Bien accueillis à leur arrivée, les militaires français ont quitté le Mali dix ans plus tard, sans que les problèmes aient été résolus, au contraire. Cette opération est regardée aujourd’hui comme le symbole de la déchéance des liens franco-africains. (Ph. DR Huffpost) 

A quoi pense donc l’Afrique ?

En six mois, le CEPS a proposé près de dix sujets d’informations et débats consacrés à l’Afrique. Un capital auquel il faut ajouter d’autres séances et particulièrement une séance sur les déboires militaires et politiques de Paris. De cette 2e chute de l’Empire français, les mémoires gardent le départ mortifié des troupes françaises du Sahel, les « vacheries » publiquement organisées par le président algérien contre Paris, les gestes et les mots plus que maladroits (mal élevés ?) du président Macron à ses homologues africains et enfin l’ostentation avec laquelle le gouvernement français a décidé de changer ses interlocuteurs, préférant des jeunes peu au fait des questions politiques, militaires, économiques… Pour éviter les vrais sujets ? Pour être à la mode « djeun » ?

S’évader des bourbiers

Chaque visioconférence du CEPS attire un public important (en nombre et en responsabilités). Un public qui, à chaque fois s’évade vite des bourbiers de la « françafrique » pour parler business, savoir-faire, besoins sociaux… En un mot d’efficacité économique, managériale et sociale, voire politique. Et aussi, quand ces entrepreneurs le peuvent, apporter la rationalité de l’entreprise dans la vie publique.  Deux pays arrivent en tête dans cet exercice, le Maroc et la Côte d’Ivoire. L’Afrique de l’est ne fait pas l’unanimité. 

Invités et auditeurs ne sont pas des apparatchiks de la vieille France-Afrique. Leur voix pèse : elle parle pour les générations arrivant au pouvoir.

Parmi les travaux, on notera les analyses de Laurent Bigot, remarquables d’efficacité. Il est présenté comme « entrepreneur ». En fait, il a vécu cinq ou six vies, dont une, il y a 10 ans qui lui a valu d’être écarté du quai d’Orsay (Ministère des AE français). Sa faute était de soutenir des démarches plus innovantes, moins directrices au Sahel. Ce qui était contre les avis des hauts fonctionnaires et ministres de Paris (1). Introduisant les travaux, Loïc de la Cochetière (administrateur de Stratégie Finances SA) a souligné les « incohérences et les contradictions parisiennes… des malaises qui s’additionnent et s’aggravent ». Ainsi le changement de cap au profit de l’Algérie ou, plus ancien, en faveur du Rwanda, est mal vécu. D’autant plus mal vécues qu’elles ne sont pas payées de retour. Des voix parlent « d’humiliations » infligées à la France. 

Même l’armée !

Quelques mois plus tôt, un livre sur l’armée française et l’Afrique était au programme du Centre… Déjà les revirements incessants, la domination de la communication sur la vérité, la faiblesse des moyens… animent le cœur des discutions. « La France a essuyé des défaites stratégiques. Pourtant, note l’ancien militaire Bigot, « toujours pas de réflexion sur les questions stratégiques, pas de livre blanc », rien sur les changements d’alliances inexpliquées (inexplicables ?)…

Pour les entrepreneurs d’Afrique, ces situations paraissent de plus en plus lointaines : depuis la crise de la covid, bien des entreprises du continent ont appris à se passer de directives françaises. C’est plus facile quand nombre de banques d’origine parisiennes sont devenues marocaines. Mêmes topo pour les télécom’, les assurances, le génie civil… Mais dire que ce phénomène est bien accepté partout serait mentir.

Thomas Mélonio (DG Innovations, stratégie et recherche chez l’Agence française de Développement, AFD) souligne que l’ignorance « gagne du terrain en France vis-à-vis des Afriques ».

Le renard dans le poulailler

L’inverse n’est pas vrai (pas encore vrai ?). Pour lui, l’action prioritaire est de mettre de l’ordre dans la gestion monétaire : elle dévore la croissance. Surtout quand il y a des recettes d’exportations faciles, comme le pétrole. Ce genre de recettes détruit l’économie car elle surévalue la monnaie, rendant l’importation facile et l’exportation impossible. « L’argent rentre et tue les activités locales » comme le renard dans le poulailler.

Les ressources ne sont pas une garantie de développement, d’autant moins que la croissance démographie pèse lourd et qu’il faudra du temps avant de voir le PIB/tête décoller. Peut-être un siècle ?! Car « l’Afrique, outre sa croissance démographique, est plus impactée que les pays d’Asie par la pression financière ». 

Il y a là une convergence de situations et d’évènements attirant de nouveaux joueurs : la Chine, la Turquie, un peu la Russie ou les pays du Golfe. L’espoir de développement incluant l’Afrique du sud de Mandela ne pèse plus rien : le pays n’est même plus alimenté régulièrement en électricité. Le recul… ça arrive aussi.

Par contre, la Chine a mis l’Afrique sur sa feuille de route et « s’installe dans le paysage ». Manifestement, chez l’AFD, on préfèrerait s’occuper de projets africano-africains, où les plus avancés entraineraient les autres. Un schéma que le Maroc met en œuvre à petit pas depuis déjà une vingtaine d’années. Le processus aboutit aujourd’hui à voir l’avenir un peu plus grand… 

Un allemand tropicalisé ?

Il reste une question : Le développement va-t-il venir à bout de toutes les activités informelles ou bien faut-il tout de suite à les chasser des rues, des marchés et de la campagne ?

Alioune Gueye fondateur entre autres du Groupe Challenge, qu’il a basé au Maroc, constate que « très peu de pays parviennent à passer rapidement à une économie industrielle ». « Sauf peut-être le Maroc » ajoute-t-il, visiblement impressionné par le Royaume, qu’il donne plusieurs fois en exemple.

« L’entrepreneur africain, c’est l’entrepreneur allemand tropicalisé, sauf qu’il ne paye pas d’impôt ». C’est un problème pour le passage à l’économie industrielle, où il faut des infrastructures, de la sécurité, des écoles… financées par l’Etat. 

Si les Etats africains écoutaient mieux les entrepreneurs informels, « ils auraient compris que le statut d’auto-entrepreneur n’est pas ce qu’ils veulent le plus ». Le modèle de Singapour est idéal, dit Alioune Gueye, l’école primaire ou secondaire donne des formations directement opérationnelles. « Cela éviterait que les universités deviennent des garderies pour adultes ». Mais il prévient : « Pour implanter de telles réformes, il faut un système politique qui dure au-delà d’une ou deux échéances électorales ». L’économie informelle dénote une « cassure entre les élites, le gouvernement et le reste du peuple », analyse Mossadek Bally, ce qui fait dire à Gueye que les « entrepreneurs informels, eux aussi, doivent entrer dans les organisations patronales ». 

Pour y faire valoir leur droit au changement, en quelque sorte.

 

(1)

 De telles pratiques sont difficiles à croire. Pourtant, l’auteur de ces lignes a vu comment des diplomates français ont agi pour faire taire et chasser des hauts fonctionnaires maliens exprimant des critiques lors d’un colloque euro-africain, « Les Medays » à Tanger, organisés par l’Institut marocain Amadeus, institut créée par Brahim Fassi Fihri. 

Nadia SALAH, Administratrice GROUPE ECO MEDIAS

Crédit photo : Photo de David Clode sur Unsplash

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