1/ Pourquoi et comment former des talents :
Conscient des méfaits, durant des décennies, d’une scolarisation de masse sans débouchés productifs pour la plupart, contraintes auxquelles s’ajoutent les menaces sécuritaires, sanitaires et climatiques et un redoutable défi démographique à l’horizon 2050, Alain a su puiser dans les ressorts de son éducation, de son attachement aux traditions, le sens de l’ambition, de l’effort partagé et de l’innovation pour bâtir le CERCO. Il en a fait un creuset d’excellence numérique avant de le déployer dans d’autres pays. La maîtrise du numérique, de la gestion du Big Data et de l’intelligence artificielle, si elles sont devenues incontournables pour construire les talents de demain, n’en sont pas moins complémentaires d’une solide formation humaine pour faire du savoir-faire et du savoir-être deux éléments inséparables auxquels s’ajoutent une pédagogie active de l’autonomie et de la responsabilité pour donner le goût d’entreprendre et du risque. Pour Alain, un talent n’est donc pas seulement quelqu’un qui a accumulé connaissances et compétences techniques mais aussi et surtout qui s’est forgé un socle humain fait d’humilité, de clairvoyance, d’éthique, en clair porteur de valeurs, de vision et de créativité pour contribuer au changement de l’environnement en sachant réfléchir, analyser, mesurer les risques pour passer d’un état A à un état B puis à un état C dans une démarche de progrès, de remise en cause et de partage. Et comme le dit si bien le professeur Aimé AGOSSOU, la formation révèle l’aptitude et le terrain révèle la compétence. Alain y a ajouté une dimension humaine particulière en rémunérant même les élèves et en écartant certaines pratiques pédagogiques dépassées ainsi que la tentation du mimétisme.
2/ Comment enclencher un processus d’entreprenariat ? Au-delà du mythe du seul diplôme et de l’émergence de talents, il faut bien un jour être capable un jour de proposer des produits et services répondant à des besoins réels et solvables pour convaincre investisseurs et banquiers de mobiliser des financements qu’il faudra en plus rentabiliser pour enclencher un processus de confiance.
Cette soif technologique et humaine a donc poussé Alain à s’interroger sur la manière de dépasser les clivages linguistiques et culturels en permettant au plus grand nombre de locuteurs africains de se mettre en contact, échanger, effectuer des transactions et accéder à des services. Ainsi est né le « Superphone » multilangues de Capo Chichi avec en outre ses application « Moïse » et « Mobile money ». Un premier partenariat avec le groupe Orange a été noué, preuve de la pertinence de sa démarche entrepreneuriale et le premier bus informatique itinérant est en route pour former les Béninois.
Il faut donc souhaiter que davantage de talents africains de la diaspora viennent grossir les rangs des pionniers, pour amplifier le mouvement et ce d’autant plus qu’ils ont de solides compétences, une longue expérience, souvent des moyens financiers, une maîtrise des codes sociaux d’autres univers culturels et aussi une vision capable de faire évoluer certaines mentalités.
3/ La question des obstacles à l’entreprenariat et les moyens d’y remédier.
Alain a bien compris que même avec des talents, de l’audace, de la persévérance et le sens de l’initiative, passer d’une idée originale à un produit ou service commercialisable et rentable exige, entre autres, la mobilisation rapide de financements à moyen terme non prédateurs, un écosystème administratif, juridique et fiscal capable d’inciter les jeunes talents à entreprendre, sans les ruiner ou les décourager, en les aidant à nouer des partenariats locaux et internationaux, sans entraves d’aucune sorte et sans tracasserie.
Et c’est aussi en s’engageant résolument dans un processus courageux et vertueux d’amélioration de la gouvernance politique, économique et sociale et de refonte complète des systèmes éducatifs et de formation que les états africains pourront faire du continent un vaste territoire d’initiatives afin d’encourager les talents de demain à prendre des risques, à entreprendre, en créant un climat de confiance. Les états doivent comprendre et intégrer cette évidence que l’entreprise est le poumon, la source du développement.
On aura compris à travers l’analyse de notre orateur que relever le défi de la formation pour offrir à l’Afrique des talents pour de vrais emplois productifs capables de générer innovation, création de valeur ajoutée et transformation sociale, exige – certes à travers des partenariats -, de se forger une vision à long terme pour bâtir un système éducatif performant avec de la flexibilité et des passerelles pour faire émerger un large éventail de compétences et de capacités d’agir à tous les niveaux.
William Benichou, Conseiller diplomatique du CEPS
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