À la lumière des récents désordres institutionnels dans la sphère africaine francophone, l’on est en droit de se poser la question suivante, après le Mali, Le Tchad, la Guinée, le Burkina Faso, le Niger…
Y aurait-il un déterminisme africain qui voudrait que les meilleures réponses en matière de sécurité, de stabilité et de gouvernance ne puissent être assurées que par des représentants des forces militaires ?
Comme si la société civile n’était pas dimensionnée et organisée pour être en mesure d’assumer ce type de responsabilité.
Le statut militaire serait-il le seul sésame, la seule alternative pour assurer les plus hautes fonctions politiques ? La puissance militaire est ainsi le miroir de l’impuissance populaire. Mais finalement à quoi sert le peuple !
Le putsch n’est-il pas la reconnaissance de l’immaturité du peuple à assumer son destin ? Ne serait-ce pas là le triste constat que la culture putschiste est le seul mode d’expression d’une volonté de changement ?
N’assiste-t-on pas, impuissants, à une prédominance de la société militaire africaine ? La société civile africaine serait-elle à ce point incapable de sursaut pour prendre son destin en main ?
A l’exception de quelques percées comme au Burkina (pays des hommes intègres) à travers le mouvement “Le balai citoyen” qui est parvenu à évincer le président Blaise Compaoré et le mouvement populaire-citoyen sénégalais “Y’en a marre” qui a émergé en 2011 à partir d’une accumulation de frustrations sociales, force est de constater un grand paradoxe, à savoir, autant la société civile africaine de France et d’Europe est capable de se mobiliser – et pas forcément autour de causes légitimes du continent africain -, autant les sociétés civiles sur le continent semblent incapables de s’organiser et se fédérer pour agir sur le terrain politique et social !
N’y a-t-il pas là un vide sociétal, une absence de culture populaire qui pourrait expliquer que seul le recours des militaires à des putschs depuis les indépendances des années 60 a été le moyen d’imposer des changements institutionnels d’ailleurs le plus souvent générateurs de pratiques non démocratiques et d’échecs dans la lutte contre la pauvreté ?
Dans cet ordre d’idées, interrogeons-nous : quel sera le prochain Etat qui sera sauvé par ses militaires ? Et que faire pour créer les conditions d’un éveil de la jeunesse et d’une conscience populaire sur le continent – du moins dans l’Afrique francophone – si nous refusons que cette Afrique soit condamnée à passer par la case militaire ? Sinon, d’autres pays viendront compléter ce triste palmarès d’impuissance.
La démocrature peut-elle être une vraie réponse ? Et si oui, comment et à quelles conditions ?
William Benichou, Conseiller diplomatique – CEPS
Loïc Tribot La Spière, Délégué général – CEPS
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