La Télévision Publique a forgé une dynamique autour d’une vraie politique de contenu qui a inspiré profondément les acteurs privés.
La télévision publique française a été créée dans un double objectif : éduquer et permettre la diffusion de l’information. Son existence même aurait pu être entachée du soupçon. Pourtant, et jusqu’à très récemment, elle a connu un réel attachement de son public. Les émissions emblématiques de ses heures de gloire suscitent aujourd’hui encore nostalgie et regret : Apostrophes, Le Grand Echiquier, Les Dossiers de l’Écran, L’Heure de Vérité, La Marche du Siècle mais aussi Les Enfants du rock, Droit de Réponse… autant de références et marques qui ont fait les grandes heures de la culture populaire, au vrai et noble sens du terme.
Le paysage audiovisuel s’est diversifié, privatisé. Pour autant, la mission de service public audiovisuel demeure.
Si l’émergence de nouveaux moyens de diffusion a diversifié les modes de consommation des contenus audiovisuels, si les spectateurs sont aujourd’hui plutôt clients de la carte que du menu, l’ambition de la Télévision publique doit rester intacte tout en s’adaptant aux nouveaux comportements de son public : être exigeante quant à la qualité, diverse, et être le reflet du monde dans lequel nous évoluons. Pour réussir ce pari de l’intelligence, il est indispensable de remettre la création, la culture, au centre du dispositif et des décisions.
La télévision publique n’a pas vocation à suivre mais à éduquer et élargir le regard, attiser la curiosité, relancer le défi de la connaissance et du savoir : de faire le pari de l’intelligence collective.
La télévision publique mérite plus que ce qu’elle est devenue aujourd’hui : elle doit retrouver ses valeurs, ses missions et se garder de la tentation de n’être qu’une copie des chaînes privées ! Elle n’a de sens que si elle incarne une singularité de savoir et d’émotion. Pourquoi, d’ailleurs, faudrait-‐il soutenir par l’impôt ce que font très bien les acteurs privés ? Il est grand temps que la télévision publique retrouve les habits de sa mission et de sa singularité. L’audimat est important mais il ne saurait s’imposer comme seul instrument de mesure. D’ailleurs, la publicité est désormais interdite après 20h30 sur les chaînes publiques. Cette liberté face aux annonceurs devrait remettre l’audace au cœur des programmes en prime time. France 3 avec Capitaine Marleau par exemple en a fait l’expérience et a transformé l’essai.
Redonner une ambition à l’audiovisuel au service de l’intérêt des publics.
Ce n’est pas forcément face à sa télévision, à une heure donnée, que tous les publics se donneront rendez-‐vous. Mais c’est par des contenus exigeants, reflets de la société telle qu‘elle est, et plus jamais à travers ses caricatures et ses a priori, que le pari sera gagnant. La dynamique publique se devra d’être exemplaire en terme d’innovation technologique pour mieux répondre aux attentes du public.
La Télévision publique doit relever les défis offerts par les innovations et les ruptures technologiques. Elle doit donc être plus connectée , et prendre en considération la labilité de son public.
Pour cela, il est indispensable d’investir de façon offensive le champ numérique, en créant des modules afin de cibler un public spécifique, adepte des réseaux sociaux. Il devient impensable de réfléchir à demain sans prendre en compte l’importance de la stratégie à 360°, sans offrir une personnalisation soignée des contenus et sans interactivité.
Replacer l’audiovisuel public au cœur des espaces territoriaux :
La télévision publique doit absolument mettre au cœur de sa stratégie la pluralité de ses espaces territoriaux qui rappelons le, ne se résument pas au seul hexagone. La France, par sa géographie, son histoire, s’inscrit dans l’universel. Elle est le seul Etat au monde présent sur tous les continents.
A l’heure de la mondialisation, les téléspectateurs cherchent bien sûr les clés pour comprendre l’environnement en pleine mutation dans lequel ils vont devoir agir. Pourtant, ils ont soif de redécouvrir la proximité, ce qui fait sens ensemble, sur des bases plus locales, ancrées dans des terroirs à fortes dimensions culturelles.
Or notre pays est pluriel, notre langue est parlée sur tous les continents, la francophonie est un marqueur fort de culture dans le monde entier.
Catherine Jean-‐Joseph Sentuc
(Conseil en audiovisuel, Membre de l’Observatoire Médias-‐Éducation/CSA, Présidente et co-‐fondatrice de l’École Miroir, Vice-‐Présidente Robert F. Kennedy French Center for Human Rights, CA Ateliers Médicis )