Une France (une Europe) Apprenante ?

Une France (une Europe) Apprenante ?

par Francis MasséPrésident de MDN Consultants

 

 

La sortie de la Grande-Bretagne d’Erasmus est-il un signe précurseur d’une incompréhension totale par l’Occident de son avenir ? Pire de ses atouts ? L’Europe, car il s’agit d’elle et de notre pays, la France, est pourtant forte d’un héritage culturel et d’une capacité actuelle de penser, de chercher, de réaliser d’un niveau remarquable. D’ailleurs la crise globale qui caractérise depuis quelques années la situation de la France et de l’Europe interpelle et inquiète, nous isole mais nous fait réfléchir aux essentiels.

Pourtant nos atouts et nos points de force restent ignorés ; les vraies menaces sont de même occultées et nous nous complaisons dans une douce autodestruction même si nous apprenons de ces crises beaucoup plus que nous le pensons et singulièrement depuis cette pandémie.

Dans le cas français, il suffit de voir le nombre de chercheurs, de créateurs, de chefs d’entreprises qui émigrent, en Californie notamment, parce que là, ils trouvent une carrière, des moyens, un épanouissement professionnel. La situation que nous offrons à nos étudiants en pleine crise pandémique représente une autre et triste illustration de cet abandon de l’investissement dans l’intelligence et du renoncement au développement des capacités des nouvelles générations. La carence croissante des Médias en termes de leur non contribution à l’élévation des connaissances des populations en est un autre exemple. Sans oublier la culture, traitée comme produit non essentiel c’est-à-dire insignifiant. Sans omettre enfin de citer nos retraités qui poursuivent la transmission de leurs savoirs et expériences dans les universités sans aucune rétribution digne.

Ce constat est largement connu et faute de vision stratégique nous procrastinons !

Que faire ?

D’abord il est important de déclarer qu’il n’est pas possible de supporter davantage un tel gaspillage de nos ressources humaines et intellectuelles, une telle destruction de nos actifs immatériels, une telle occultation de notre soft power.

A l’heure ou des paquets d’argent sont distribués nonobstant la dette qui s’alourdit, peut-être faut-il décemment augmenter la rémunération des enseignants et des chercheurs ? La nation leur doit reconnaissance et considération. Certes avec des contreparties, mais dans tous les cas avec une profonde rénovation pédagogique et une relance de la recherche publique. A l’évidence il est nécessaire de revaloriser également les métiers de la culture. Bref il faut un choc de confiance dans l’intelligence humaine.

Ce serait néanmoins trop simple de penser que l’argent peut suffire. Sans stratégie il serait gaspillé. Il faut changer l’École, changer l’Université, changer les institutions de formation. En s’alignant sur les acquis des meilleures expériences pédagogiques en France et dans le monde.

Car de nouvelles pratiques pédagogiques se sont en effet développées depuis longtemps et encore récemment. Par exemple, tant l’État que les écoles privées, tel Montessori, ont adopté une part de pédagogie ouverte dans les écoles maternelles et primaires et Il existe beaucoup d’écoles et de facultés où des renouvellements intéressants se développent en raison notamment d’une nouvelle répartition entre distanciel et présentiel. Un grand nombre de nouveautés sont également apparues dans le domaine de la formation des adultes. Dans le secteur du travail social et médico-social des expériences existent de création de plateforme accessible aux enseignants, formateurs ponctuels et aux étudiants. Enfin les perspectives des innovations pédagogiques avec le numérique sont d’ores et déjà stupéfiantes (e-learning, design thinking, vidéo games, jeux sérieux, l’utilisation de plusieurs langues pour enseigner : le Collège Sévigné à Paris enseigne, par exemple les mathématiques, en français et en anglais, avec selon la discipline et la langue une méthode pédagogique spécifique au pays.  D’autres techniques comme le co-design, SPOC, MOOC, Learning expedition  prolifèrent. ET surtout une kyrielle de professeurs et d’enseignants innovent et s’engagent.

Mais le plus important désormais c’est le passage à l’échelle avec le souci primordial de créer une école égalitaire.

Sans doute serait-il également nécessaire de retrouver l’esprit de l’Université (UNIVERSAS) ouverte à tous dans la perspective d’ouvrir les savoirs et la culture à tous, y compris naturellement la culture scientifique et technique. Ceci tout en offrant à côté des segments d’enseignements spécialisés indispensables à l’économie et aux entreprises. Nous devons alors bien discerner les nécessités réelles des entreprises de demain et les risques croissants de l’hyperspécialisation des formations.

 

A l’évidence la refondation de l’école maternelle et primaire s’impose. A cet égard la seule façon de dépasser les anciens clivages idéologiques nous oblige à nous mettre d’accord sur les facultés indispensables à acquérir pour nos enfants et de nous projeter dans le monde de demain dans lequel ils vivront. Une bonne santé physique et mentale exige que le sport, la qualité de l’alimentation et les arts soient aux premières loges. Nos enfants, filles et garçons, devront être éduqués en lien avec leur famille, au respect de l’autre, au travail coopératif, à la compréhension de la vie sociale, à l’acceptation de l’altérité. Une préparation au risque et à l’imprévu en renforçant ainsi leur sécurité ontologique et leur confiance en eux et aux autres. On cessera d’opposer autorité et épanouissement individuel de l’enfant. On ne confondra pas la discipline de la pensée, de l’effort et de l’action avec l’autoritarisme. On encouragera à la curiosité et à l’ouverture d’esprit, l’esprit de critique.

Naturellement les enseignants et professeurs sont les acteurs clés de cette révolution culturelle et ils devront également l’être en ce qui concerne leur propre formation. Il existe déjà – nous l’avons écrit – plein d’initiatives heureuses où puiser.

Cet élan nouveau doit pouvoir bénéficier d’une continuation dans le développement de la fonction pédagogique des médias. A l’opposé de la doctrine du « cerveau disponible » ou de celle de l’infobésité, la profession doit pouvoir se remettre en question à l’instar déjà de beaucoup de journalistes et professionnels des médias qui ont pris conscience de la situation délétère présente. Les actionnaires de ces entreprises de communication devraient quant à eux réfléchir à deux fois pour savoir si à poursuivre sur la voie actuelle leurs intérêts de très court terme, ils ne sont pas en contradiction avec ceux de moyen et long terme. Pour être plus clair, nous pouvons parier sur le fait que l’économie de demain aura davantage besoin de personnes émancipées et créatives que de personnalités formatées et de culture et d’intelligence limitées, voire soumises au dictat d’actionnaires immergés dans la vision de court terme.

Le monde de demain se fabrique maintenant en ayant en tête l’idée d’une France et d’une Europe libres.

 

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