Pour réussir le mandat

Pour réussir le mandat

par Maxime MauryProfesseur affilié à Toulouse Business School – Ancien directeur régional de la Banque de France

 

Le boulet du populisme est passé près du président sortant le 24 avril mais le voilà enfin réélu et brillamment.

Comment réussir ce nouveau mandat dans un contexte où les crises vont devenir permanentes ? Comment rassembler la France ?

Il faut d’abord bien comprendre le populisme pour le faire reculer.
Quand on ne distingue plus le vrai du faux,
le bien du mal et que les opinions l’emportent sur les faits, que la vérité est piétinée, alors on est sous l’empire du populisme ( cf Trump, Poutine, Bolsonaro…).
Et ça finit toujours mal !

Dans le cas singulier de la France, le populisme tient en quatre chiffres, les « quatre 70% » :

  • 70 % des Français sont contre la retraite à 65 ans ;
  • 70% des Français ont soutenu les Gilets Jaunes ;
  • plus de 70 % des Français votent aux extrêmes ou ne votent plus du tout ;
  • 70 % des Français estiment que seule la violence peut faire évoluer les choses (!).

Cet ensemble forme la « société de la défiance » et fait de la France un cas unique au monde.
Comment sortir de la défiance ?
Voilà la question à se poser en début de mandat.

Préalablement, le président disposera-t-il d’une majorité à l’Assemblée Nationale dans une France coupée en trois parties inconciliables ? Il est probable qu’il bénéficiera d’une prime au vainqueur et les députés sortants également; les ralliements se poursuivront.

I) Réduire le populisme :

Il faut d’abord éduquer les citoyens en se référant aux faits. Lorsque la France a adopté la retraite à 60 ans en 1981, nous avions 3 cotisants pour 1 retraité. Aujourd’hui nous tendons vers 1,5 cotisants. Notre régime général va accuser un déficit de 7 à 10 milliards par an jusqu’en 2030.

Passer très progressivement à 65 ans doit donc permettre de garantir les pensions et de les revaloriser en les finançant.

Sans la réforme (ratée en 2018 parce que trop compliquée), les pensions baisseront. C’est déjà le cas aujourd’hui puisqu’elles ne sont plus indexées.

Voilà les faits ! Et les opinions ne peuvent rien contre les faits. C’est cela éduquer, et cela demande d’expliquer lentement, de parler moins vite, de fuir le niveau Bac + 7 et de ne pas laisser les médias polluer les sujets par leur bavardage incessant. Expliquer ! Éduquer !

Mais en réalité si cette réforme est aussi difficile à faire c’est parce que les Français sont en divorce du travail comme le montrent les différentes enquêtes, elles-mêmes confirmées par les difficultés des entreprises à trouver de la main d’œuvre.

Une part décisive de la réponse, comme d’ailleurs celle à la question du pouvoir d’achat, réside dans le partage des profits mirobolants que les entreprises ont accumulés durant le « quoi qu’il en coûte ».

Le président réélu devra donc relancer et étendre les lois sur l’intéressement et la participation voulues par le général de Gaulle. Les rendre universelles, en augmenter les barèmes et rendre obligatoire la distribution d’actions aux salariés dans les entreprises de taille intermédiaire ( plus de 500 salariés).

Dans le débat d’entre-deux tours ainsi que dans le Point, le président de la République a parlé d’instaurer un « dividende salarial ». C’est une excellente idée !

Ce serait une distribution de pouvoir d’achat beaucoup plus sûrement autofinancée que les coûteuses baisses de charges qui obèrent nos finances publiques et fabriquent des trappes à emplois peu qualifiés.

Les salariés ne sont pas suffisamment associés aux résultats des entreprises et à leur pilotage stratégique. D’où le rejet du travail.

La France reste par ailleurs le pays le plus centralisé du monde et ceci explique cela.

Plutôt que de centraliser tous les pouvoirs comme il l’a fait durant le premier quinquennat, le président devra les déléguer et les redistribuer pour associer les Français et faire ainsi reculer le populisme.

Il existe pour cela un principe de management stratégique qui a fait ses preuves : la subsidiarité et ses deux contreparties malheureusement intraduisibles en français (!), « empowerment et accountability »… Donner des pouvoirs et demander des comptes.

Il faudra donc enfin se demander quel est le meilleur échelon territorial pour remplir telle ou telle fonction de l’État. Et supprimer les doublons. Réduire l’administration administrante.

Par exemple, pour le plein emploi c’est au plus près des filières de formation et des besoins des entreprises qu’il faut agir. C’est donc aux régions qu’il conviendra de confier le nouveau Pôle emploi, la formation et l’apprentissage dans leur ensemble.

Si l’on veut des établissements scolaires plus autonomes et innovants, c’est également aux régions que l’on devra confier le recrutement des professeurs.

Mêmes réflexions pour les départements et les communes ……

Faire reculer le populisme c’est d’abord redonner des pouvoirs aux Français. Comme exprimé dans une précédente chronique, les mots-clé pour relancer la France sont bien : « intéressement-participation-décentralisation ». En misant sur l’intelligence et la responsabilité, on élève le niveau du peuple. En le flattant, on l’abaisse.

Voilà pour l’essentiel le projet que nous portons au C.E.P.S et que l’on découvrira sur notre site.

J’ai bien noté dans le débat d’entre-deux tours que le président de la République avait déclaré que « tout se ferait à partir des initiatives du terrain » pour l’Education et la Santé. Il conviendra d’en préciser la méthode.

Il faudra aussi revaloriser le Parlement en renforçant ses pouvoirs de contrôle et d’évaluation des politiques publiques. Et instaurer enfin une dose de proportionnelle.

 

II ) Reste le style du président réélu car comme l’affirmait le général de Gaulle : « Le style c’est l’homme ! »

En 2017, les Français ont élu un jeune-homme pressé et avide de séduire. En 2022, ils ont réélu un homme buriné par les épreuves.

Comment faire comprendre à cet ancien jeune-homme qu’un président ne doit jamais oublier la dimension symbolique de sa fonction ? Celle qui fait de lui le garant de l’unité nationale.

Les nombreux et maladroits écarts de langage dont il nous a gratifié ont suscité, indépendamment de sa politique, des flambées de haine qui ont nourri le populisme. Nous ne rappellerons pas ici ces petites phrases qui constituent en symbolique des « sorties de rôle » que le citoyen ne comprend pas.

Mais il est vrai que depuis le quinquennat ( 2007), les présidents bavardent trop et ne donnent pas assez clairement le cap. C’est cela qu’il faut corriger. Dans un monde où les crises vont se multiplier, faut-il rétablir le septennat avec des élections de mi-mandat ?

Ne faut-il pas aussi changer le style du management de notre pays en changeant notre vocabulaire ?
Remplacer le mot piégé de « pouvoir » par celui de « responsabilités » comme l’avait fait un ancien Premier ministre socialiste. Bannir les « remonter » et les « hauts » fonctionnaires. Aux États-Unis, on parle de « serviteurs publics »…… Notre vocabulaire suggère une France d’en-haut et une France d’en-bas comme si nous étions une monarchie.

Il faut à tout prix réussir à rassembler la France.
En redonnant des pouvoirs aux Français.
En faisant reculer le populisme. Et en traçant la route de la transition énergétique et du désendettement, dans une Union européenne plus forte mais à plus faibles inégalités.

 

 

Fermer le menu
Share via
Copy link
Powered by Social Snap