FONCTION PUBLIQUE, RÉMUNÉRATION, ATTRACTIVITÉ, EFFICACITÉ ÉCONOMIQUE ET SOCIALE : CRISE DES REPRÉSENTATIONS !

Francis Massé,

Président de MDN Consultants,

Ancien Haut fonctionnaire

Si tu veux construire un bateau, ne rassemble pas tes hommes et femmes pour leur donner des ordres, pour expliquer chaque détail, pour leur dire où trouver chaque chose… Si tu veux construire un bateau, fais naître dans le cœur de tes hommes et femmes le désir de la mer. Antoine de Saint-Exupéry

A n’en pas douter cette question concerne – et d’ailleurs intéresse – l’ensemble de la société, notamment les chefs d’entreprise : Quelle est la valeur du service public rendu aux citoyens ?

Si la richesse d’un pays est créée par les entreprises, la compétitivité globale d’une nation dépend aussi de la qualité et de la performance de son État et des services publics. Mais contrairement aux oukases du new public management (NPM), les services publics ne sont pas tout à fait des entreprises ce qui n’exclut en rien la recherche d’une efficacité économique et sociale.

Aussi faut-il doter ces services publics de vrais professionnels. Encore faut-il bien les recruter et les former. La baisse des candidatures semble intriguer certains décideurs. Et en effet le thème de l’attractivité parcourt aujourd’hui tous les secteurs de l’économie secteurs public et privé confondus.

Quatre facteurs notamment expliquent cette situation :

  • Un facteur démographique ;
  • Un facteur managérial conditions de travail et contenus des métiers ;
  • Un facteur reconnaissance et rémunération ;
  • Un facteur culturel : sens et valeurs. 

Beaucoup de généralités, de fausses croyances et un peu de démagogie sont en fond de décor de cette question essentielle pour le bon fonctionnement de notre organisation sociale.

1/ Le facteur démographique est réel : la diminution de la population active est quantitativement actée. Il existe aussi un volet qualitatif à savoir la population active formée en adéquation avec les compétences nécessaires.

2/ Le facteur managérial est essentiel aussi bien dans le public que dans le privé. 47 % des salariés souhaitent changer de poste de travail ou d’entreprise ; le taux d’absentéisme est de 25% et il est considéré que 50 % de cet absentéisme est dû à une perte d’engagement ! A l’évidence nous avons besoin de nouvelles formes de management ; un management qui sécurise et qui donne le sens. Des services publics et entreprises qui soient réellement des entreprises apprenantes et où les soft skills sont la condition pour apprendre, le facteur gagnant. 

L’attractivité est composite : elle comporte plusieurs facteurs dont les caractéristiques des différents métiers. Parler par exemple d’attractivité de la fonction publique a-t-il la même signification pour un professeur des écoles, un médecin hospitalier, un douanier ou un policier, sans oublier l’infirmier ou le magistrat ?

3/ Le facteur rémunération est assez clair et explicite mais il ne doit pas masquer les autres signes de la reconnaissance à l’égard des fonctionnaires et des salariés.

Cette question de la rémunération dépend aussi de la qualité du dialogue social et naturellement des capacités financières et budgétaires de l’entité ; il faut alors prendre garde à plusieurs éléments.

D’abord il est certain que nous sommes en présence d’inégalités sociales majeures avec des fonctionnaires et des salariés bloqués au niveau du smic, avec des fonctions sous évaluées et à l’opposé des qualifications non reconnues

Ensuite l’échelle des salaires et des traitements n’est pas toujours pertinente mais, en haut de l’échelle et c’est notamment le cas des cadres dirigeants, rapporté au temps de travail effectif, au poids des responsabilités et au niveau des formations et des compétences de ces agents publics globalement mal rémunérés si on rapproche leur feuille de paie de la plupart de leurs homologues du secteur privé.

Par ailleurs les coups d’accordéon récurrents depuis des décennies en matière de recrutement aboutissent à des pyramides des âges baroques et les crises sont souvent gérées à l’emporte-pièce sans vision globale. C’est ainsi que la pression à une hausse des salaires et au rattrapage (inflation et valeur de l’Indice longtemps bloqué) – qui sont totalement légitimes – ne saurait aboutir à une satisfaction des revendications sans contrepartie.

Nous avons le souvenir des accords Durafour assurément justifiés et mérités mais qui n’ont été le levier d’aucune action en termes de qualité du service public.

La performance du service public est en effet au centre du débat avec celui de la qualité de la dépense publique.

Tant que ces deux volets et univers mentaux spécifiques ne seront pas reliés dans les discussions, la question sociale et l’impératif de l’efficacité, tant qu’ils ne seront pas saisis ensemble, le résultat sera décevant !

Le sujet est de de les réconcilier sans les nier, sans méconnaître leur légitimité propre, en admettant leur mise en tension.

Qui paye ? La question est centrale entre l’emprunt qui est pour partie le cas aujourd’hui – et qui est naturellement à proscrire -, le contribuable et l’utilisateur du service (clients et usagers), c’est sans doute affaire de situations et de contextes que l’on ne développera pas ici. Mais il faut être clair : quelqu’un paye ! 

A priori nous sommes favorable à une solution qui responsabilise les citoyens, y compris en généralisant l’impôt sur le revenu à tous les citoyens même pour un montant symbolique. Le recouvrement à la source magnifiquement réussi par Bercy le permettrait. En revanche, il existe un vrai sujet de bas salaires dans le public et le privé. Il faudra bien un jour tenir les promesses concernant les travailleurs de première ligne. Ce qui nous mène directement aux aspects culturels.

4/ La dimension culturelle est souvent évoquée comme une explication à toutes nos insuffisances mais joue un rôle d’occultation de notre propre impuissance. C’est à ce facteur culturel politique et social qu’il faut désormais s’attaquer !

C’est ce que nous nommons une crise des représentations. Une vraie transformation de nos organisations publiques passe par un changement de nos représentations. Il faut se débarrasser de nos vieilles croyances et changer de référentiel ! Ainsi nous avons voulu expérimenter dans un cadre professionnel le réalisme des discours actuels en matière de transport et de mobilité intra européens. A l’heure où j’écris ces lignes je suis dans un train quittant Berlin pour rejoindre Paris. Ni les horaires ni les parcours (et les billets) qui m’ont été donnés de part et d’autre du Rhin ne correspondent au trafic réel. Mes collègues qui ont choisi l’avion ont eu plus de chance sans toutefois, pour certains, éviter des difficultés diverses de ratages de correspondance ou de régulation du contrôle aérien.

Pendant ce temps les politiques donnent des signaux divers pour satisfaire ou penser satisfaire d’autres représentations, celles notamment d’écologistes ultra minoritaires qui, selon nous, dévalorisent l’enjeu du développement durable porté par des écologistes engagés et ancrés, eux, dans les réalités. 

Notre sujet c’est de créer des passerelles (gateway) entre les différents modes de transport en raisonnant du point de vue des usagers en mettant fin à cette stupidité : la priorité donnée à l’hyper concurrence modale. On joue aujourd’hui à celui qui sera le mieux décarboné ! Mais à terme en fonction des innovations techniques et non de la seule réglementation qui ne peut qu’accompagner et inciter, tous les modes de transport seront zéro carbone !

De même faut-il dissoudre les frontières disciplinaires. La plus efficace des attractivités dans ces moments d’exigences c’est de proposer des activités professionnelles où ils s’accomplissent en coopérant entre administrations et entre organisations publiques et privées pour créer une société désirable. 

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