Vers une stratégie d’entreprise plus équilibrée dans le monde d’après, pour plus de résilience et de pérennité

 

 

 

La crise que nous traversons met en lumière les limites de certains modèles optimisés et fragmentés à outrance. Les entreprises se sont en effet retrouvées piégées par leur quête d’optimisation de chaque compétence et de chaque capacité dans des géographies permettant la plus grande création de valeur, avec un horizon de temps toujours plus court. Ces modèles se sont révélés insuffisamment robustes face à un aléa majeur et peuvent désormais s’effondrer en quelques semaines. Nombreuses sont celles qui ont mis plusieurs années à créer une valeur qui vient de s’évaporer en très peu de temps… Nul doute que les Etats et les institutions supranationales élaboreront de nouvelles politiques de limitations, voire imposeront des régulations en réponse à cette crise, mais les entreprises devront également en tirer des enseignements à leur niveau.

Tout d’abord, avec des marchés durablement déprimés, les entreprises vont devoir stimuler la demande en rassurant les consommateurs, puis en accélérant le rythme de l’innovation dans leurs produits, leurs services, et les modes de financement associés. Elles vont nécessairement devoir questionner leurs stratégies, leurs organisations et leurs modèles opérationnels, en profondeur et rapidement. La seule éventualité de la survenance de nouvelles crises de cette nature, prédite par des scientifiques, les oblige à repenser leur stratégie en termes de résilience, pour sécuriser leur pérennité. Nous anticipons également une intensification des transactions M&A, avec des rationnels qui vont perdurer dans les 2 à 3 prochaines années. D’un côté avec des carve-out issus d’opérations de recentrage autour de compétences/géographies clés ou de relocalisations d’actifs industriels, ou par nécessité de rapatrier du Cash. De l’autre, avec des rapprochements ou des adossements à la recherche de compétitivité, mais aussi de complémentarités et d’effets d’échelle, et donc ici encore dans une logique de résilience.

Les entreprises vont également devoir intégrer les mutations de leur écosystème, qui vont aller en s’accélérant. Les modèles opérationnels devront être « dérisqués », plus adaptables et surtout mieux maîtrisés. A court terme, les Etats exigeront des contreparties aux plans d’aide massifs engagés. La réponse des entreprises à la crise du Covid-19 (protection sanitaire des salariés, politique articulant télétravail et chômage partiel, solidarité avec les clients et les fournisseurs, prêt garanti par l’Etat…) est d’ailleurs déjà scrutée par les partenaires sociaux, les gouvernements et plus globalement par l’opinion publique. Les grandes transformations déjà à l’œuvre dans les entreprises vont s’accélérer : ancrage de la responsabilité sociétale et évolution de la gouvernance vers des formes plus inclusives, prise en compte accrue des impacts environnementaux, transformation digitale en appui à l’adaptabilité des modes de travail…

Bien sûr, les décisions stratégiques continueront à viser la création de valeur, mais elles devront le faire avec une plus grande robustesse face aux aléas majeurs. Cette création de valeur devra être durable et davantage partagée avec les parties prenantes : les actionnaires, l’entreprise elle-même (pour préparer l’avenir), mais également les collaborateurs (participation, intéressement), les clients, et les fournisseurs. C’est cet équilibre qui créera les conditions de la confiance, l’une des composantes de la résilience. Dans ce sens, les indicateurs financiers et le pilotage des risques devront être repensés pour assurer un équilibre entre l’impératif de compétitivité et de création de valeur à court terme, et la résilience dans une perspective de temps long.

 

Dans ce nouveau contexte, Archery Strategy Consulting propose une check-list de 10 problématiques sur lesquelles les entreprises vont devoir s’interroger pour se préparer au monde d’après.

1) Une diversification maîtrisée pour diminuer l’exposition aux risques

Les entreprises devront dépasser le dogme des stratégies d’hyperspécialisation. Elles devront revisiter leurs portefeuilles en diversifiant les activités, les clients, les secteurs applicatifs et les géographies. Cette diversification devra s’effectuer dans une logique de complémentarité de cycles et de génération/consommation de Cash, tout en restant maîtrisée.

2) Un positionnement sur la chaîne de valeur repensé pour plus de robustesse

Le « dérisquage » devra se faire également en s’interrogant sur les compétences critiques à maîtriser en interne. Pour celles pouvant être sous-traitées, le choix des partenaires stratégiques et la construction des panels fournisseurs devront être réfléchis en considérant davantage les critères de robustesse (taille critique, santé financière, taux de dépendance sectoriel et client, géographies…). Les modèles contractuels entre clients et fournisseurs devront évoluer vers des dispositifs plus transparents et plus collaboratifs, reposant sur davantage de confiance et d’équilibre dans le partage de la valeur. Les entreprises qui appliquent déjà ces principes auront une meilleure dynamique de sortie de crise.

3) Des dispositifs industriels plus compacts et moins interdépendants

Les points de fonctionnement et le dimensionnement des actifs industriels vont devoir être recalculés. C’est l’opportunité d’évoluer vers un modèle de plaques autonomes, minimisant la dispersion et favorisant les circuits de production plus courts, et donc moins générateurs d’aléas, tout en conservant un minimum de diversité géographique. Cela contribuera par ailleurs à une relocalisation qui ne manquera pas d’être suggérée par les gouvernements (contrepartie des plans d’aide, nouveaux impératifs de souveraineté) et à une diminution de l’impact environnemental.

4) Une responsabilité sociétale davantage intégrée dans la stratégie et le modèle opérationnel

Dès 2016, France Stratégie montrait que les entreprises intégrant la Responsabilité Sociétale d’Entreprise dans leur stratégie étaient plus performantes. Aujourd’hui, les marchés semblent attribuer une « prime de résilience » aux entreprises les plus responsables. Fin mars, Bloomberg montrait que les fonds ESG résistaient mieux à la crise. De même, Bank of America Merryl Lynch montrait que les titres avec les scores ESG les plus élevés surperformaient les autres titres de 5 à 10 points en bourse. Sous cette pression positive grandissante, les entreprises vont accélérer la prise en compte de cette dimension.

5) Une accélération de l’innovation pour un plus grand respect de l’environnement

La pandémie de Covid-19 a augmenté encore la prise de conscience environnementale dans l’opinion publique. Déjà forte avant la crise, la pression de l’opinion sur la responsabilité environnementale des entreprises va s’accentuer. Les industriels devront donc accélérer l’innovation vers des technologies contribuant à rendre leurs produits et leurs systèmes de production plus écologiques.

6) Une gouvernance plus inclusive avec les collaborateurs

La façon dont les entreprises dialogueront en confiance avec leurs collaborateurs et partageront davantage la création de valeur avec eux aura un impact direct sur leur capacité à réagir avec agilité en situation de crise. Les groupes les plus en avance sur cette dimension adapteront leurs modes de travail et reconfigureront leur modèle opérationnel plus rapidement.

7) Des modes de travail repensés, vers plus de souplesse

Le télétravail, généralisé à 25% des actifs en France, a montré son efficacité notamment grâce aux outils digitaux de travail collaboratifs. Il sera probablement largement plébiscité après crise. Il pourrait par ailleurs devenir un levier d’économie pour les entreprises, un poste de travail coûtant en France en moyenne 13.500 € par an. Dans cette logique d’optimisation et de mécanisation de nos modes de travail, il ne faudra pas sous-estimer l’impact psychologique de l’absence de contact humain, sans parler du risque de moindre innovation, qui souvent jaillit suite à des expériences inattendues, et confondre ainsi temps de travail avec efficience et créativité.

8) Une transformation digitale repositionnée en appui à l’agilité

Le numérique et l’automatisation auront à solidifier les points de faiblesse des dispositifs industriels, révélés par la crise. L’objectif principal sera de rendre les modèles opérationnels plus modulaires et plus adaptables, pour pouvoir les reconfigurer en fonction du contexte (changement de marché applicatif, changement de produits…), mais également de développer des plateformes virtuelles de travail collaboratif pour rendre le travail à distance plus efficient.

9) Vers une plus grande attention aux risques majeurs

Le pilotage des risques devra lui aussi évoluer. Au-delà des traditionnels registres de risques, il devra davantage mettre en exergue les risques majeurs : des risques systémiques, parfois difficilement anticipables, et pouvant mettre à terre l’entreprise en un temps très court. Pour certains risques complexes à décrypter, le big data couplé à des systèmes experts, pourrait jouer un rôle important dans leur qualification et leur mitigation.

10) Un système de pilotage économique et financier plus équilibré et plus anticipatif

La crise a montré les limites d’un pilotage focalisé sur la rentabilité à court terme, exacerbé par la logique des rapports trimestriels, et aboutissant à des modèles opérationnels « zéro cash, zéro stock » hyper-optimisés, avec trop peu de marges pour aléas. Le pilotage économique et financier devra trouver un nouvel équilibre entre des métriques de croissance et de création de valeur d’une part, et des métriques de résilience d’autre part (exposition aux risques majeurs, trésorerie, accès au financement…).

Ces problématiques impacteront différemment les entreprises en fonction de leur positionnement, ainsi que de leur santé avant et après crise. Toutes devront néanmoins agir et rapidement, car il en va de leur pérennité et de celle de la valeur qu’elles créeront. Dans cet objectif, nous anticipons que les conseils d’administration et les conseils de surveillance joueront un rôle croissant pour guider les dirigeants dans ces transformations profondes, d’autant plus qu’il sera difficile pour ceux-ci de s’extraire d’un quotidien qui restera complexe et très opérationnel pendant de nombreux mois encore…

 

Par Stéphane ALBERNHE
Président
ARCHERY STRATEGY CONSULTING

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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