Une bonne nouvelle pour la gouvernance de la mobilité urbaine

 

Une bonne nouvelle pour la gouvernance de la mobilité urbaine Alors que les transports en commun semblent durablement délaissés par les français par peur de contamination du Covid-19, et que les ressources financières mobilisables pour leur financement sont en chute libre, le risque est grand d’une spirale infernale où une très forte contrainte de financement entraînerait une réduction de l’offre de transports en commun, qui elle-même conduirait à une désaffection accrue de ceux-ci, ce qui affaiblirait encore davantage la capacité à les financer… Le spectre de villes envahies par la congestion automobile pourrait alors s’installer, ce qui signerait l’échec de politiques urbaines qui essaient de rendre nos villes plus vivables, en particulier en luttant contre « l’autosolisme ». La technologie peut-elle venir en aide aux villes sur ce point, voire même permettre de bâtir une offre de mobilité publique plus adaptée pour un coût inférieur pour la collectivité ? Il semble que oui.

Le fonctionnement des transports en commun (hors investissements) est financé en France à environ 30% par les recettes des voyageurs, et 70% par des subventions de l’Autorité Organisatrice de Mobilité, en charge d’organiser la mobilité sur un territoire donné (par exemple Ile-de-France Mobilités en Ile-deFrance). Les fonds récoltés à travers le versement mobilité, une taxe prélevée sur les entreprises de plus de 11 salariés, représentent près des deux-tiers de ces subventions. Les effets de la pandémie Covid-19 ont profondément affecté ces deux sources de revenus. En effet la baisse des recettes est corrélée à la baisse de fréquentation : une étude récemment publiée par Kisio et Roland Berger1 montre qu’entre février et septembre 2020, les déplacements dans les métropoles françaises ont globalement diminué de 16% tous modes de transport confondus ; en Ile-de-France en particulier la part des transports publics dans les déplacements a diminué de 22 % à 17,2%, quand celle des voitures a augmenté de 53,3% à 54,8% (et que d’ailleurs celle de la marche à pied a bondi de 24,6% à 28%, ce qui est inattendu et a priori positif !). Quant aux ressources liées au versement mobilité, elles sont très affectées par le chômage partiel (exonération de charges) et les faillites d’entreprises passées ou à venir. A titre d’exemple Ile-de-France Mobilités estime que pour la seule année 2020 la pandémie lui cause un manque de financement de 2,6 milliards d’euros sur les 10,5 milliards d’euros de budget. La situation est similaire dans les autres régions françaises. Notons enfin que la tendance générale à la diminution des déplacements ou l’engouement pour les modes dits « doux » (vélo, trottinette ou marche) n’enlèvent en rien la nécessité absolue pour nos métropoles de maintenir un système de transport public performant et capable de transporter des flux significatifs, en particulier aux heures de pointe. Les simulations réalisées par Kisio et l’Institut Paris Région2 montrent qu’en cas de télétravail à hauteur de deux jours par semaine pour ceux dont le travail s’y prête, les pointes de trafic du matin et de l’après-midi dans les transports en commun ne seraient que modérément amoindries (de 8% à 13% de passagers en moins) : le confort passager s’en trouverait sans doute amélioré, mais l’offre de transport n’en serait pas fondamentalement modifiée, autrement dit les charges de fonctionnement pour la collectivité n’en seraient pas sensiblement diminuées.

Afin de retrouver des marges de manœuvre les Autorités Organisatrices de Mobilité vont chercher à adapter les moyens, c’est-à-dire l’offre de transport public, aux besoins réels de leurs citoyens. C’est pourquoi la connaissance approfondie des besoins en déplacement des citoyens est essentielle. Cette quête a toujours existé chez les professionnels du secteur de la mobilité. Or aujourd’hui le taux d’équipement des français en smartphones et la capacité à collecter, traiter et redresser les traces GPS de ces smartphones dans le respect absolu du RGPD, semble ouvrir une voie pour revisiter l’offre de transport public au plus près des besoins constatés de déplacements des français. En effet ces nouvelles données permettent d’avoir un panorama complet des déplacements des gens sur un territoire, et de leur mode de déplacement quel qu’il soit. Ceci permet en particulier d’identifier des zones où une offre de transport public serait pertinente, alors qu’elle est inexistante ; celles au contraire où l’offre de transport public semble surdimensionnée. La récurrence d’analyse de ces données (quotidienne) permet de différencier les déplacements selon la saisonnalité (en particulier semaine vs samedi vs dimanche) et donc adapter l’offre de transport en fonction. Enfin la disponibilité des résultats à J+1 permet de moduler l’offre de transport (en particulier l’offre de bus, plus flexible que l’offre de trains) en fonction de la conjoncture du moment. Ces dernières semaines l’analyse du réseau de transport d’une ville américaine a ainsi permis d’améliorer l’offre de mobilité aux citoyens sans en augmenter le coût global, en réaffectant les moyens selon les besoins.

Bien sûr nous n’avons pas encore le recul nécessaire pour vérifier si les mesures qui seront prises à partir de ces études réaliseront effectivement la promesse de rendre un meilleur service aux citoyens pour un coût moindre, néanmoins il s’agit d’une piste prometteuse pour la mobilité urbaine de demain.

Nicolas Furgé

Directeur général, Kisio


1 « Rentrée 2020 : baromètre des mobilités urbaines », consultable sur https://kisio.com/publications

2 « Quel rôle pour le Mass Transit en Ile-de-France à l’heure de la crise sanitaire ? », consultable sur https://kisio.com/publications

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