Refonder le Pacte de stabilité c’est urgent , mais comment ?

La guerre en Ukraine n’aura pas permis de traiter le Pacte de stabilité européen, abandonné en 2020, et dont la refondation était pourtant inscrite à l’ordre du jour du Conseil européen. La réforme s’en trouve reportée au printemps 2023.

Aucun analyste ne semble avoir aperçu le danger de cette procrastination : alors que la BCE a clairement annoncé le 10 mars la fin de ses achats nets de titres au troisième trimestre, l’absence de balises budgétaires européennes nous expose en conséquence à une forte augmentation des taux d’intérêt. Non pas de ceux de la BCE (qui attendront un peu) mais des taux de marché à 10 ans qui résultent de l’offre et de la demande de titres de dettes publiques.

Une augmentation trop rapide des taux sur des économies surendettées accroîtra les risques de crise financière et de récession.

S’ajoute à cela la violence du choc asymétrique de la guerre et des sanctions sur les différentes économies européennes : plus exposée que les autres au rationnement du gaz, du pétrole et du charbon russes, décidée à relancer massivement sa défense, l’Allemagne aura particulièrement besoin d’investir dans la résilience.

Quelles sont donc les différentes approches pour refonder le Pacte de stabilité européen et quelles sont les chances d’un compromis ?

Trois forces sont en présence : les pays du sud de la zone euro, les pays du nord (qualifiés avec désinvolture de « frugaux » ) et l’Allemagne qui se présente en situation d’arbitre.

S’inspirant des travaux d’Olivier Blanchard, le président Macron et le Premier ministre Draghi forme un binôme entraînant les pays du sud. Dès 2018, le président français avait dénoncé les critères de Maastricht comme « du siècle dernier ».

La France et l’Italie suggéreront donc que soient établies des « trajectoires de dépenses publiques soutenables », pays par pays sous contrôle mutuel des partenaires. Mais les dépenses d’investissement dans la transition énergétique, l’éducation , la santé ( et on devrait ajouter la défense) en seraient exclues.

Cette approche innovante (qui implique que les systèmes de comptabilité nationale soient capables d’isoler l’investissement du reste de la dépense publique) rapprocherait la zone euro d’une zone monétaire optimale au sens de l’économiste Robert Mundell, prix Nobel 1999 ( l’année de l’euro). En effet, s’ajoutant aux plans de transferts en capital prévus au profit des pays du sud (juillet 2020), elle suppose implicitement un effort d’investissement différencié par pays.

Les pays du nord de l’Europe considèrent cette proposition franco-italienne avec suspicion.

Depuis 2016, la dette publique diverge entre la France et l’Allemagne. La moyenne de l’endettement public sur PIB varie du simple au double entre le nord et le sud de la même zone monétaire. A l’origine de l’euro, la France dépensière n’en a quasiment jamais respecté les règles et s’est trouvée incapable de réduire son déficit structurel.

Cependant les « frugaux » ont tort et raison à la fois. Tort car pour qu’une zone monétaire soit pérenne il faut des transferts en capital vers les pays les moins compétitifs. Des critères universels comme ceux de Maastricht ne s’y prêtent guère. En revanche, ils ont raison d’attendre de nous une discipline budgétaire que nous n’avons jamais respectée. Il n’y a pas de zone monétaire durable sans discipline commune.

L’Allemagne sera l’arbitre de ce débat essentiel pour notre avenir.

Le chancelier Scholz propose la création d’un État fédéral européen. Mais en France le mot « fédéral » est tabou et incompris. Il recoupe pourtant parfaitement les propositions de feu le président Giscard d’Estaing dans « Europa » (2015).

Le ministre allemand des finances semble proche d’un compromis et d’une synthèse. On conserverait les critères universels de Maastricht mais une partie des investissements publics en seraient exclus. Et le contrôle comme les sanctions seraient exercés automatiquement par une Cour de justice indépendante des politiques.

En tout cas, il faut faire vite car les taux d’intérêt risquent de flamber en Europe alors que les États-Unis réduisent très vite leur déficit budgétaire.

 

Dr Maxime MAURY

professeur affilié à Toulouse Business School 

ancien directeur régional de la Banque de France

06 86 11 09 17

 

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