« Pour reprendre la maîtrise de notre destin. »

 

 

Nous vous suggérons ici deux métaphores maritimes pour introduire un plan méthodique en faveur d’un nouveau paradigme économique et écologique. Le « jour d’après » commence donc maintenant !

 

I) Naufrage du Titanic : ou les dangers de la démesure.

Le 12 avril 1912, le Titanic quitte Southampton pour New York. C’est le voyage inaugural du plus grand bateau de tous les temps : 269 mètres de long, 16 caissons étanches qui le rendent insubmersible. Sa puissance inégalée va lui permettre de battre le record de vitesse sur l’Atlantique-Nord; il transporte le gratin de l’aristocratie mondiale dans des salons d’un luxe inégalé, mais aussi beaucoup de pauvres migrants.
Le 14 avril, le capitaine du navire insubmersible est averti de la présence sur sa route d’icebergs dangereux; mais les avertissements se multiplient en vain.
Il faut ralentir la vitesse ( la croissance du PIB ?), ou bien changer de route ( la décarbonation de l’économie ?). Ivre de puissance et désireux de faire gagner beaucoup d’argent à sa compagnie, le capitaine refuse de réduire la vitesse et de changer de route ( l’hubris contemporain ou passion de la démesure ?). Pas de limites pour le Titanic !
Le 15 avril à 2 heures du matin, le navire insubmersible plonge dans l’eau glacée et noie 1500 passagers. L’armateur ne pouvait pas prévoir que la glace allait faire sauter tous les rivets latéraux du bateau sur toute sa longueur …….. L’événement improbable s’est bien produit.

 

II) Quitter le Titanic : pour choisir un nouveau monde après le coronavirus.

Nous sommes libres aujourd’hui de descendre du bord et de choisir un navire plus sûr.
Depuis des années, nous sommes avertis par les organisations multilatérales créées pour protéger l’humanité : ONU, GIEC, OMS, des dangers imminents qui nous menacent :

  • réchauffement climatique ;
  • effondrement de la biodiversité;
  • effondrement des écosystèmes ;
  • pandémies à répétition.

C’est donc un gros mensonge que d’affirmer que la crise sanitaire était imprévisible. L’OMS nous en a régulièrement avertis, au point que le risque de pandémie figurait déjà, dès 2008, au top des risques recensés par le Livre Blanc de La Défense Nationale de la République française ! Et les stocks de matériels de protection avaient été dûment constitués avant d’être démantelés en 2013.

Mais nous ne voulons pas écouter ces avertissements :

Dès 1972, Dennys Meadows et les chercheurs du MIT ( Boston) nous avertissaient déjà des « limites de la croissance » et présentaient un modèle de sciences physiques très pointu prévoyant l’effondrement de la production et de la population mondiale dans les années 2020. Tiens-tiens ! Pollution et épuisement des ressources énergétiques en constituaient la dynamique, implacable dans un monde fini.
Ce modèle, commandé à l’origine par le Club de Rome, a été actualisé et confirmé en 2012 par le physicien australien Graham Turner et le Smithnosian Institution de New York. Dans l’indifférence générale.

Pourquoi ne voulons-nous pas écouter ?

Edgar Morin nous en donne la clé :
« Le conformisme intellectuel et l’habitude détestent les messages qui les dérangent. »
Et JM Jancovici d’ajouter : « le manque de culture scientifique de la classe dirigeante. »
On pourrait ajouter que la société est probablement en avance sur sa classe dirigeante ( politiques, financiers, journalistes, experts officiels, tous largement rémunérés), mais elle ne peut se faire entendre en raison de l’étouffement politico-médiatique qui disperse l’attention de l’essentiel. Et empêche la perspective.
C’est un problème cognitif.
Le Maire de mon village dans l’Aveyron explique simplement : « Pour que tous les habitants de la planète atteignent notre niveau de vie, il nous faudrait trois planètes de plus. »

Il est humain de ne pas vouloir changer ses habitudes, surtout quand on occupe une position dominante; mais les passagers du Titanic ne peuvent plus attendre désormais.

 

III) Ouvrir une grande perspective de changement de cap : pour un nouveau monde décarboné et solidaire.

A quelques centaines de mètres du Titanic, nous apercevons un immense trimaran doté d’une grande coque centrale et de deux flotteurs latéraux. Il faut y transborder les passagers.

La coque centrale, ce sont les 10 000 milliards de dollars ( quatre fois le PIB de la France) que les États ont programmé pour combattre la dépression. La somme est bien à la mesure des enjeux, mais elle repose pour l’heure sur une double fiction qu’il faudra vite dissiper pour convaincre les citoyens :

  • Le chantier qu’elle est censée financer n’est pas nommé : nous l’appelons ici « décarbonation des économies et sobriété »; Camus écrivait : « Mal nommer les choses c’est ajouter au malheur du monde ». Donner du crédit à cette grande perspective mondiale consisterait d’abord à la nommer clairement pour fédérer tous les chantiers qui s’y rapporteront.
  • On ruse aussi pour dire comment ces 10 000 milliards seront financés et l’on voudrait hypocritement s’en remettre à la création monétaire en oubliant qu’elle enrichirait les plus riches ( par la hausse fictive des actifs boursiers) et appauvrirait les plus pauvres ( par l’inflation).
  • Il faut oser dire que demain les rémunérations supérieures à 500 000 euros seront hors la loi. Elles n’ont plus d’utilité sociale et ne seront plus acceptées par les populations dans un monde plus sobre, où la détresse sociale va malheureusement augmenter. Que les banques centrales soutiennent par leurs achats de titres l’émission de dettes est nécessaire, mais les dettes devront être servies pour conserver la valeur de la monnaie. Peut-être pourra-t-on cantonner la dette post-covid pour la traiter différemment comme le suggère le gouverneur de la Banque de France.

Les deux flotteurs latéraux du « trimaran » symbolique de ce nouveau monde reposent sur l’approfondissement de la coopération internationale :

  • D’abord par deux délégations données aux Nations Unies : pour protéger la forêt mondiale et instaurer la taxe carbone demandée par vingt prix Nobel d’économie ( dont Jean Tirole en France ); la sauvegarde de l’humanité en dépend et le temps nous est compté.
  • Enfin pour lancer une jeune Fédération européenne centrée sur quelques enjeux stratégiques majeurs dont la convergence autour de l’euro ; la différence d’efficacité entre la France et l’Allemagne dans la gestion de la crise sanitaire montre bien la fragilité de la convergence européenne. Elle menace à terme la pérennité de notre monnaie. Et il ne peut y avoir d’eurobonds sans Fédération européenne.

S’agissant des multiples chantiers à mener autour de la décarbonation et de la sobriété collective, on pourra se référer à une note de recherche publiée dans « The conversation » du 8 mars 2020 par deux professeurs de la Toulouse Business School sous le titre :
« Les quatre nouveaux piliers de la lutte contre les crises énergétique et climatique » ( disponible sur le net). Ces propositions sont en phase avec celles de la Convention et du Haut Conseil pour le climat. Elles intègrent la dimension sociale de l’immense chantier à mener.

Le monde est entré en décroissance durable.
Il ne retrouvera jamais le niveau atteint par le PIB de 2019. Il suffit pour s’en convaincre d’observer ce qui se passe sur le marché du pétrole dont le prix à terme est devenu négatif (!) et dont la production décroît depuis 2018. L’industrie pétrolière va se contracter. L’énergie dont nous disposerons demain en sera minorée d’autant. Personne ne semble s’en être aperçu !

Nous entrons donc dans un nouveau monde, un monde fini aux ressources contraintes, où tout doit être repensé sans préjugé. Pour sauvegarder l’humanité et les valeurs de fraternité.

 

Par le Dr Maxime MAURY
professeur affilié à Toulouse Business School
ancien directeur régional de la Banque de France

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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