Mars 2020-mars 2021 : une année sous cloche

 

Cette semaine, notre pays « fête » la première année du confinement. À l’origine considéré comme une solution quasi définitive face à un virus inconnu, il n’a été que le premier acte d’une pièce interminable et sans entractes de 12 mois, qui paraissent une éternité, la belle époque, est définitivement bien loin.

Mars 2020 : le Blitzkrieg

Le lundi 2 mars 2020, la France entame le troisième mois d’une année déjà très mouvementée. Après plusieurs semaines de blocages liés à la réforme des retraites depuis décembre, le Premier ministre Édouard Philippe brandit à la tribune du Palais Bourbon, l’article 49-3 de la constitution, tandis que le parti présidentiel voit l’Hôtel de Ville de Paris s’éloigner un peu plus suite à une affaire de vidéos intimes. Ce 2 mars, les franciliens, agglutinés les uns sur les autres dans le métro, découvrent en pianotant sur leur téléphone, les images polémiques de la 45ème cérémonie des césars « on se lève et on se casse » écrit Virginie Despentes dans Libération. Réponse du tac au tac de Jean Dujardin qui publie une photo depuis Roissy, masque sur le visage : « je me casse, ça pue dans ce pays » : une description prémonitoire. Sur BFMTV, le bandeau d’information en continu affiche les chiffres liés à ce fameux virus venu de Chine : « 3000 décès dans le monde, 130 cas confirmés en France depuis fin janvier ». Aux terrasses de cafés, les gèles hydro alcooliques font désormais partie du décor entre les verres de bières et les cendriers. Mais pour le moment, le peuple français se sent hors d’atteinte, convaincu que cette « petite grippe » ne mettra pas à genoux le pays de Pasteur. Pourtant, outre-Alpes, nos voisins italiens connaissent, en ce début du mois de mars, une situation dramatique avec des dizaines de morts et des milliers de cas de coronavirus. Pour la première fois en Europe, un gouvernement prend la décision de confiner sa population.

Au même moment, Avenue de Duquesne, le nouveau ministre de la Santé fait les cent pas dans son bureau. Propulsé au gouvernement depuis seulement 3 semaines, Olivier Véran sait qu’un scénario à l’italienne plane sur la France. Ce n’est qu’une question de jours. À partir de là, tout s’accélère. Cela commence par la fermeture des écoles, collèges, lycées et universités à partir du 16 mars, jour du discours d’Emmanuel Macron annonçant un confinement strict d’une durée minimale de 15 jours. Il durera deux mois. Depuis cette semaine du 16 mars, la France vit dans l’incertitude, sous cloche, à coups de stop and go et de mesures restrictives.

Une Renaissance avortée

Le 14 juin, à l’aube de l’été, alors que la France retrouve peu à peu sa vie normale, le Président de la République prononce un discours optimiste. Depuis le salon doré, vue plongeante sur les jardins ensoleillés de l’Élysée, le président salue le retour des « jours heureux ». Le message est clair ; nous pouvons, petit à petit, tourner la page du virus. En juin, juillet et août, les Français sortent, voyagent, profitent, au point que le virus semble déjà appartenir au passé. Malheureusement, la fête au creux de la vague ne sera que de courte durée. Dès septembre, les chiffres de l’épidémie nous ramènent à la réalité. À partir de la rentrée, c’est le supplice de la goutte d’eau ; cette méthode de torture qui consiste à ligoter un prisonnier tandis qu’une goutte d’eau tombe sur son front à intervalles réguliers mais systématiquement au même endroit. Cette douleur s’exporte dans nos vies, à notre table, au travail, dans les transports ; port du masque obligatoire, confinements locaux, fermeture des bars et restaurants à 22h00, couvre-feu à 21h00, nouveau confinement, couvre-feu à 20h00, puis à 18h00. Les mesures, difficiles à prendre, se multiplient successivement, rendant obsolètes des dispositions prises une semaine avant. Jean Castex, le « Monsieur déconfinement » du mois de mai, doit désormais mettre en place le reconfinement. Les citoyens se lassent, plus contre cette fatalité qui frappe le monde entier que contre le gouvernement, qui ne fait qu’appliquer les mesures qui semblent le plus efficaces pour contenir l’épidémie.

Si cette crise est profonde, c’est d’abord à cause du bilan humain. Avec 90 000 morts le 15 mars 2021, ses conséquences sont tentaculaires. Le plus difficile est l’absence de perspectives, qu’elles soient économiques, sociales, culturelles ou personnelles. Nous n’avons aucune idée de la sortie de crise. Entre la vaccination et les variants, nous sommes prisonniers d’un processus lent se fiant à une science qui évolue au jour le jour face aux différents scénarios.

« Tenez bon ! » Oui, mais combien de temps ?

Depuis un an, plus rien n’est innocent, plus rien n’est comme avant. Le 16 mars 2020, se terminait, au moins pour un temps, le monde des bars, des restaurants, des cinémas, des concerts, des voyages, de l’insouciance. Les plaisirs de la vie sont restés confinés aux années 2010, comme si cette nouvelle décennie nous imposait une cohabitation avec un virus jusqu’alors inconnu. Quoi qu’il en soit, il est évident qu’avec cette crise, l’évolution des modes comportementaux est profonde. Est-ce que l’esprit au travail sera de même nature ? Probablement pas. Une partie de la population aura des difficultés à adopter des habitudes différentes de celles développés durant la crise. Nous devons être lucide, tout ne redeviendra pas comme avant en un claquement de doigts.

Par ailleurs, l’ombre de cette crise nous accompagnera sur le long terme, avec des conséquences désastreuses, psychologiques bien-sûr, mais surtout économiques. Nous pouvons pronostiquer la disparition d’un certain nombre de filières, premières victimes de la COVID-19 : le tourisme, la culture et la communication sont les milieux les plus exposées et la lente décrue de l’épidémie ne signifiera pour eux que le début des réels problèmes…

Une question reste en suspens aujourd’hui : Pourrons-nous, dans 1 an, considérer cette période comme un mauvais souvenir ? Si c’est le cas, si nous ne sommes plus en guerre en 2022, nous entrerons, une fois les batailles terminées, dans les années folles. Serons-nous dans le même esprit que lors de l’après-guerre ? Où adopterons-nous un comportement similaire à celui de nos aînés après 1945 en entrant dans de nouvelles 30 glorieuses ?

Tom RICCIARDI

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