L’urgence d’une Europe qui protège

 

Face à l’actualité sanitaire, l’Union européenne est désunie. Avec un plan de relance de 500 milliards d’euros, la France et l’Allemagne « portent à bout de bras son cadavre » en faisant croire au monde qu’elle est encore vivante. Depuis les années 2000, le mot « Europe » a du mal à être dissocié du mot « crise ». L’Union européenne a traversé la crise politique du référendum de 2005, la crise financière de 2008, la crise de la zone euro en 2010, et la crise migratoire de 2015. Chaque fois, les pays en sont sortis plus affaiblis, plus divisés, plus humiliés, mais l’illusion du collectif a tenu bon… En 2016, le Brexit a acté un point de non-retour : pour la première fois, un pays choisissait de quitter l’Union européenne.

Épicentre de la pandémie pendant plusieurs semaines, l’Europe a subi de plein fouet les conséquences sanitaires d’une mondialisation dont elle est le porte-étendard car elle incarne le libre-échange, la division du travail et l’ouverture des frontières. La crise économique frappera fort. Notre union est-elle assez résiliente ? Une certitude : il y a urgence car notre autonomie est en jeu !

Dès 1956, le journal Le Monde titrait en « une » : « Dépendance de l’Europe ». Le papier portait majoritairement sur la dépendance du vieux continent en matière d’énergies, après la crise de Suez. Aujourd’hui, la Russie est le premier fournisseur en hydrocarbures des Européens, et Moscou peut choisir d’alimenter ou non des pays comme l’Allemagne ou la Pologne. En matière de défense, l’appartenance de nombreux pays européens à l’OTAN n’est pas une fin en soi. Rappelons que les Américains sont à l’origine de 70% des financements de l’alliance Atlantique nord. Constatons malheureusement que certains pays préfèrent se réfugier derrière le parapluie américain, plutôt que d’imaginer une solide défense européenne commune. En même temps, plusieurs États ont fait le pari conique de ne pas dépenser en la matière pour investir dans d’autres secteurs.

Sur le plan industriel, la crise sanitaire a révélé notre incapacité à répondre à des besoins de première nécessité. Cela pose la question de la pertinence de notre outil industriel et de notre manque de vision à long terme de ces dernières années.

Notre voix n’est plus écoutée. Quelques États continents réduisent un continent en État satellite. L’Union européenne n’est plus qu’un Walmart géant sur la route des puissants. La France assure son rang mondial, davantage par l’arme atomique et son droit de véto au Conseil de sécurité de l’ONU, que par son influence en Europe.

Cette faiblesse s’illustre par ailleurs dans le domaine du numérique. GAFA, NATU, BATX… Où sont nos géants européens ? L’Europe n’avance pas, spectatrice du match digital entre les États-Unis et la Chine. Notre train est resté à quai et nous regardons les autres partir en ayant l’impression d’avancer. Si nous ne réagissons pas, que nous ne prenons pas le pli du XXIème siècle, nous serons condamnés à n’être qu’un parc d’attractions géant pour touristes.

Paradoxalement, c’est pour ces mêmes raisons que l’Europe est une solution. Il y a 20 ans, 3 pays européens comptaient parmi les 5 plus grandes puissances économiques mondiales. Dans 30 ans, aucun ne sera dans les 10 premières. Si la France ne peut pas envisager de gagner un bras de fer contre les États-Unis, la Chine, l’Inde ou la Russie, l’Europe le peut… encore faut-il qu’elle soit « unie dans sa diversité », comme le préconise sa devise. Nous sommes allés trop loin dans la construction européenne…ou pas assez ! La construction a permis une parenthèse dorée dans l’histoire contemporaine de notre continent. Pour la première fois, la France a connu 70 ans de paix et de prospérité. Il faut saisir les opportunités du multilatéralisme car les enjeux économiques, sociaux, environnementaux, technologiques et diplomatiques nécessitent, plus que jamais après la crise sanitaire, une approche globale. 56% des européens ont peu confiance en leurs institutions. La crise du coronavirus a montré à la fois les meilleurs aspects de l’Union européenne (l’accueil des patients étrangers) comme les pires (vols de masques entre pays). Nous avons le choix. Peut-on espérer lutter contre le dérèglement climatique sans des mesures fortes à l’échelle de l’Europe qui représente aujourd’hui environ 13% des émissions de gaz à effet de serre ? La France, quant à elle, est en dessous de la moyenne européenne.

Travaillons à l’échelle de l’Union européenne avec nos partenaires pour prendre des mesures communes efficaces en matière d’environnement. Les enjeux contemporains sont globaux et nécessitent une approche multilatérale. Au même titre, peut-on imaginer la défense du continent en gardant notre cerveau greffé à la Tour Eiffel ? Ce n’est pas tant la défense européenne qui importe que la défense de l’Europe. Le monde est ainsi fait que chacun attend tout des autres ; c’est notamment le cas avec l’OTAN. Soulignons qu’aujourd’hui toute appartenance à une organisation large amène à des réflexes différents des États : je soutiens ou je profite. On le voit au sein de l’Union, sur des sujets emblématiques comme la défense. Certains États laissent le soin à d’autres d’assurer la défense de l’Europe. On assiste de plus en plus à des communautés d’intérêts biaisés. Chacun affiche une intention mais joue sa propre carte. La France a sans doute vocation à continuer à essayer de fédérer une des dynamiques de rapprochement entre les Européens, sur le plan social, sécuritaire ou climatique. Il nous faut continuer à approfondir la dynamique européenne, malgré l’attitude de certains États. L’Europe se fera avec et par les leaders.

C’est en nous donnant les moyens d’une Europe prospère et puissante que nous serons utiles pour nos citoyens, redonnerons confiance en nos institutions et serons considérés dans le monde comme un continent indépendant, en constant renouvellement. Sinon, nous sortirons de l’histoire.

Par Tom RICCIARDI,

Etudiant – Sciences Po LYON

 

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