Les sanctions internationales : une efficacité symbolique ?

 

Un outil prisé

Selon les données du gouvernement américain, on estime que 32 régimes de sanctions sont actuellement en vigueur à travers le monde. Qu’elles soient politiques, diplomatiques, militaires, commerciales, économiques ou financières, ces mesures restrictives, collectives ou unilatérales, peuvent cibler une myriade d’acteurs. En effet, peuvent être visés un gouvernement, une organisation ou des individus qui peuvent représenter une menace pour la paix et la sécurité globale.

L’analyse de ces mesures démontre qu’elles sont un outil de pression diplomatique largement prisé des pays occidentaux ou des institutions multilatérales (ONU, OMC, etc.), et qu’elles visent des États bien souvent hostiles à leur grille de lecture.

Il parait naturellement légitime de s’interroger sur leur bien-fondé. Elles constituent naturellement un instrument essentiel de la politique étrangère de certains États et sont utilisées dans le cadre d’une action globale qui a des répercussions sans-précédent pour le ou les pays visé(s). Les sanctions sont censées préserver les valeurs et les intérêts du pays qui en est à l’origine, en prévenant les conflits qui pourraient en découler.

 

Le miroir des déséquilibres internationaux

Cependant, la réalité supplante cette théorie idéaliste. En effet, ces mesures sont un puissant révélateur de l’horizontalité des relations internationales. Elles ne bouleversent pas seulement la politique extérieure des pays concernés, elles ont aussi des répercussions sur leurs affaires internes, et peuvent avoir un effet non désirable sur la société civile de l’État ciblé : il s’agit du phénomène du rally around the flag, à savoir le renforcement de la cohésion nationale autour du pouvoir en place. En Russie, les sanctions imposées par l’Occident se sont doublées d’une chute des cours des matières premières, contribuant à une baisse significative du niveau de vie de la population. Ces dispositions unilatérales suscitent, bien souvent, l’ire des chefs d’État qui voient leur pays visé par la brutalité de ces mesures et témoigne de l’inflexibilité dont peuvent faire preuve certains de leurs homologues.

 

Les sanctions s’imposent progressivement comme le bras armé privilégié des gouvernements, leur offrant l’opportunité de jouer la carte de la realpolitik sans effusion de sang. Elles permettent ainsi de maintenir un pouvoir fort dans un univers politique national et international très instable tout en dissuadant et en contraignant ses rivaux. En outre, l’imposition de sanctions est un instrument politique relativement peu coûteux si on le compare à un conflit armé, et qui suscite bien moins de critiques de la part de l’opinion publique.

 

Des mesures en trompe l’œil ?

L’efficacité de ces dispositions peut être questionnée. Bien qu’elles soient naturellement déstabilisatrices et qu’elles se révèlent utiles quand les faits sont avérés, un régime de sanctions a des chances de réussite limitées si l’État visé est stable politiquement et économiquement.  Le gazoduc Nord Stream II demeure une impasse pour l’UE, certes : ses membres sont profondément divisés sur le sujet et les entreprises se dérobent une à une sous la menace extraterritoriale des sanctions américaines. Mais même si Européens et Américains, à l’unisson, durcissent le ton vis-à-vis de Moscou, Vladimir Poutine se moque de leurs remontrances et demeure convaincu de l’importance de ce gazoduc, tout comme la chancelière allemande, qui met l’accent sur transformation énergétique du pays dans les derniers mois de son mandat.

Derrière ces tensions sourdes, c’est bien la lutte pour la domination d’un modèle économique et politique unique qui est en jeu : les États-Unis ont mis en place un certain nombre de règles qu’ils entendent faire appliquer dans le monde entier. Mais la Chine, qui ambitionne de les supplanter en devenant la première puissance économique mondiale, n’entend pas s’y plier et tente désormais d’imposer les siennes. Considérée à défaut comme la panacée capable de dispenser de conflits armés, l’omniprésence des sanctions internationales peut se révéler être une véritable poudrière qui ne demande qu’à s’embraser.

Lilian EUDIER

 

 

Fermer le menu
Share via
Copy link
Powered by Social Snap