Les évolutions urbaines à la lumière des différents enseignements de la crise sanitaire et sociale

 

Un petit peu plus d’un an après le début du premier confinement qui s’est apparenté pour certains à une véritable « traversée du désert », un double phénomène s’est trouvé largement accentué par les conséquences de la crise sanitaire : la ville est devenue le lieu du « trop », et ses habitants ont vu leurs priorités évoluer. Privés de leurs atouts qui en font des lieux de sociabilité par excellence, les centres urbains se sont retrouvés à court d’argument en termes d’attractivité. De ce fait, le quotidien et les projets de vie de nombreuses personnes ont changé.

Environnement, emploi, immobilier : un nouveau souffle pour l’attractivité des villes moyennes

Déjà largement bousculé par le prix du foncier en hausse depuis plusieurs années, un allongement du temps de trajet entre le domicile et le travail et la multiplication de diverses nuisances (bruit, pollution, densité de population, etc.), la crise sanitaire a infligé un nouveau « coup dur » au mode de vie urbain qui rappelons-le, concernera à l’échelle mondiale près de 70% de la population à l’horizon 2050. Une aubaine pour les villes moyennes qui, depuis le début des années 2000, jouent la carte du cadre de vie pour attirer à la fois les actifs, les investisseurs et les entreprises qui chercheraient à sortir du cadre « urbano-centré ». Autrement dit, les villes moyennes ne veulent plus seulement attirer les touristes et les gens de passage. Elles ciblent désormais la population de manière générale.

Les métropoles moyennes cherchent à se démarquer par un prix de l’immobilier plus accessible et un accès rapide à la nature. « Au bout de chaque rue, une montagne » écrivait justement Stendhal au sujet de Grenoble. Le marketing territorial n’est donc plus réservé aux grandes villes : promotion du territoire, accompagnement des entreprises et des investissements, densification du tissu local d’entreprises afin de multiplier les perspectives d’embauche, aides financières pour l’installation durable des familles, etc., autant d’initiatives se multiplient et contribuent à mettre en avant le modèle de ville moyenne. En conséquence, les prix de l’immobilier flambent. Ils se sont envolés dans des villes comme Mulhouse (+ 16,5% sur un an à 1 939 euros le mètre carré), Limoges (+ 16,4% à 1 844 le mètre carré) ou encore Orléans. Inversement, et presque logiquement, les prix ont eu tendance à baisser à Paris : -1,7% entre novembre 2020 et février 2021 pour un mètre carré à 10 680 euros.

Qu’ils soient temporaires ou définitifs, les déménagements des Français ont aussi un impact sur le monde du travail. Le télétravail est, aux yeux des actifs, une véritable révolution, que la plupart aimerait voir persister, promettant de changer en profondeur la manière de travailler. Près de 50% des cadres souhaitent poursuivre en télétravail au moins deux jours par semaine, une fois la crise terminée. L’impact sur les villes moyennes et le marché de l’immobilier est évident : depuis le mois de mars 2020, les départs se sont multipliés du centre de la métropole (notamment parisienne) vers son extérieur pour s’installer plus confortablement, avec un extérieur, une pièce en plus pour télétravailler, ou tout simplement pour sortir du « trop cher, trop dense, trop gris » et ainsi améliorer son cadre de vie. Dès lors que les salariés n’ont plus à faire la « navette quotidienne » vers leur lieu de travail, ils peuvent se permettre de s’éloigner des grands centres urbains.

Il est évident que la crise a accentué un impondérable, qui occupera désormais à coup sûr les préoccupations urbaines de ces prochaines années : on veut travailler là où on vit, et non plus l’inverse. Près d’1 actif sur 3 a d’ailleurs déménagé au cours des huit derniers mois ou envisage de le faire afin de gagner en qualité de vie. Cette tendance concerne même un Parisien sur deux ! 12 500 habitants quittent d’ailleurs la capitale chaque année.

Les envies d’ailleurs de certains urbains deviennent donc réalité, et limitent les dégâts de la crise sur le marché immobilier, qui s’est monté plus résilient que prévu. ERA Immobilier a ainsi observé 400% de recherches supplémentaires sur leur site Internet depuis début janvier 2021 !

Mais attention à ne pas tomber dans l’idéalisme : ceci ne peut fonctionner que si les villes moyennes disposent d’une bonne couverture Internet et d’une liaison rapide vers la grande métropole. Là encore, les villes moyennes veulent se démarquer avec une offre de transports améliorée : des villes comme Grenoble, Dijon ou Angoulême ont mis un point d’honneur à développer de nouvelles lignes de tramway. Nice est même allée plus loin en reliant son centre-ville à l’aéroport de la ville, grâce au tramway et au métro. Strasbourg a quant à elle mis l’accent sur la mobilité douce, en inaugurant plus de 600 kilomètres de pistes cyclables.

Les grandes métropoles ne perdent pas la face

Face à cette dynamisation des villes moyennes, les grandes métropoles cherchent à réagir. Pour doper leur attractivité et défendre leurs acquis, les grandes villes s’attachent depuis plusieurs années à reconquérir des espaces verts. La région Ile-de-France, qui a lancé en 2017 un « plan vert » fait figure de pionnière en la matière. Depuis la canicule de 2003, le vert ne cesse de gagner du terrain. On compte plus de 27 000 hectares d’espaces verts publics dans la région en 2017, contre 23 000 en 1982. L’objectif initial du « plan vert » est de permettre à tous les Franciliens d’accéder à un espace vert à moins de 15 minutes à pied. La politique porte ses fruits : l’agglomération du Val d’Europe a multiplié sa population par dix en trente ans.

Marseille verdit elle aussi massivement ses quartiers pour lutter contre sa minéralité, contrer les effets du réchauffement climatique et bâtir un modèle urbain plus vert, susceptible d’attirer de nouveaux habitants.

Par ailleurs, l’épidémie de coronavirus n’a fait que renforcer les attentes du côté des habitants, qui font du contact avec la nature un élément indispensable de leur bien-être quotidien : il suffit d’observer l’afflux de Parisiens dans les parcs, notamment le week-end.

Mais là encore, l’idéalisme est à éviter. Paris reste la ville la plus polluée de France et malgré le développement du « plan vert », les espaces verts ne sont pas équitablement répartis sur la région. L’Est de l’Ile-de-France apparait parmi les mieux dotés, tandis que 17 des 20 arrondissements de Paris comptent moins de 10m2 d’espaces verts ou boisés publics par habitant, le seuil plancher recommandé par l’OMS. 53% des communes de petite couronne se trouvent également dans le rouge.

D’où l’intérêt de penser à l’avenir, notamment pour la région francilienne, et de consacrer une part non-négligeable du budget de la ville au développement d’autres formes d’urbanisme, plus verts et moins énergivores, afin de rendre les grandes villes plus respirables et attrayantes : rénovation des logements dits « passoirs thermiques », développement des murs et des toitures végétalisées, etc.

Lilian EUDIER

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