Les églises de France recueillent des trésors du patrimoine dont nous avons tous la responsabilité

 

Si les églises sont avant tout des lieux de culte et de recueillement voués au sacré, elles ont aussi accumulé à travers l’histoire des œuvres d’art majeures qu’il faut préserver. Lieux ouverts, peu protégés et cibles faciles de vols, leurs conditions de conservation des œuvres peuvent aussi les rendre plus vulnérables aux incendies et inondations. Comment les protéger et préserver les œuvres qu’elles accueillent tout en respectant leur vocation première de lieux de culte ?

 L’incendie de la Cathédrale de Nantes a entraîné la destruction du grand orgue tout comme du tableau d’Hippolyte Flandrin, Saint-Clair guérissant les aveugles. A chaque vol ou incendie se pose le lot immuable des mêmes questions pour protéger les œuvres : faut-il fermer les églises en dehors des heures de cultes, faut-il mettre leurs œuvres au musée ou leur imposer des règles de conservation ? Comme le rappelle Adrien Goetz dans Le Figaro, dans un musée « on ne mettrait jamais un Flandrin sur une armoire électrique ». Ces tableaux, meubles et autres objets d’art liturgiques sont vulnérables. La sécurité des églises – lieux ouverts et dont le caractère de lieu d’accueil doit être préservé – doit quand même pouvoir être mieux assurée.

Cette question ne doit pas nous conduire dans un faux débat qui opposerait artificiellement la vocation spirituelle des églises et la nécessité de préserver leurs œuvres. Les églises ne sont bien sûr pas des musées mais on ne saurait ignorer que l’histoire et les choix de commandes de l’Eglise elle-même y ont mis des trésors considérables comme entre beaucoup d’autres Le Christ au jardin des Oliviers de Delacroix dans l’Eglise Saint-Paul Saint-Louis de Paris, Le Vœu de Louis XIII d’Ingres à la cathédrale de Montauban ou encore Saint Pierre guérissant un boiteux de Carle van Loo dans l’église Saint-Louis en l’Île.

Selon l’Office central des biens culturels (OCBC) les autorités notent une baisse du nombre de vols pour les églises sur la dernière décennie. Le ministère de la Culture indique néanmoins que ce chiffre oscille quand même tous les ans entre 80 et 150 faits de vols sur l’ensemble du territoire français. Beaucoup de ces faits sont des délits d’opportunité. Des églises ou chapelles isolées dans de petits villages ou des quartiers avec peu de passage voient leurs portes forcées pour s’emparer de leurs « trésors » ou de quelques objets liturgiques.

Quelle protection pour éviter de nouveaux drames

Les premiers pas à prendre sont des actions de prévention. Le Ministère de la Culture a créé à cet égard un guide pratique intitulé Trésors d’églises et de cathédrales en France qui permet de traiter certaines évidences mais dont la négligence cause immanquablement des tourments.

Les communes, propriétaires des églises, sont souvent dans des situations difficiles, ne serait-ce que pour l’entretien immobilier de ces dernières : manque de moyens financiers, manque de compétences techniques en termes de conservation, nombre important d’églises, diffusion très large sur tout le territoire et difficulté de saupoudrage des moyens financiers et humains. La Fondation de sauvegarde de l’art français ou la Fondation du Patrimoine sont des acteurs essentiels et efficaces au soutien des municipalités, tout particulièrement les plus petites, souvent fort dépourvues.

D’un point de vue réglementaire, des règles minimales de conservation devraient aussi être appliquées pour éviter les scories qui ont eu lieu à Nantes. Des rapports plus étroits entre les services des directions régionales des affaires culturelles (DRAC), les communes et les représentants de l’Eglise devraient permettre de trouver les bons compromis en termes de conservation tout en mettant en valeur les œuvres qui participent à la vie spirituelle des églises. En dernier recours, le dépôt de certaines œuvres dans les musées doit aussi être envisagé, même si l’objectif premier est la mise en protection et la mise en valeur des œuvres dans les églises mêmes qui les accueillent.

A ces actions à mettre rapidement en place pourrait être ajouté un vaste inventaire des œuvres présentes dans les églises, chapelles ou cathédrales de France. Mais l’expérience du recollement des œuvres de l’État indique que cette tâche sera longue et qu’on ne doit pas conditionner les premières actions à l’aboutissement complet de cette entreprise, sous peine de ne rien engager entre-temps.

La protection de nos églises et de leurs œuvres ne saurait être la seule action de passionnés du patrimoine d’un côté et des instances religieuses de l’autre. C’est une cause patrimoniale nationale qui nous engage tous dans un dialogue des différentes autorités publiques et religieuses, dans la confiance, le respect et le réalisme.

Julien Anfruns,

Vice-président des amis du musée Marmottan-Monet et ancien président du Bouclier Bleu international (ICBS), les casques bleus du patrimoine.

 

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