La nécessité d’une taxonomie capable de pérenniser l’industrie de défense européenne.

 

 

Depuis plusieurs années la Commission européenne souhaite, dans la continuité des accords de Paris, inciter, voir contraindre les acteurs financiers à adopter des politiques d’investissements durables. Cela se traduit par la création d’une taxonomie « verte », c’est-à-dire un système de classification qui définit des critères harmonisés pour déterminer si une activité économique est durable d’un point de vue environnemental. Le but étant de favoriser la réorientation des capitaux vers des produits compatibles avec la transition écologiste et d’intégrer la durabilité dans la gestion des risques.  Or, les industries de défenses ont été exclues de cette taxonomie. Elles ont été les victimes collatérales des projets, par ailleurs, louables de la commission.

Cette décision s’inscrivait dans un contexte déjà compliqué pour les entreprises de l’armement avec une réticence croissante des établissements bancaires de financer des projets d’investissement, comme l’illustre l’exemple de la Deutsche Bank, du fait de la pression de diverses ONG (Faning Finance). De plus, un second projet de taxonomie européenne reposant sur des critères « sociaux » (parité, diversité, éthique) risquerait là encore d’affaiblir l’industrie de défense du continent. A terme, si les restrictions se multipliaient, les conséquences pourraient être massives : dissuasion à l’innovation, fin des start-up, étranglement des PME sous-traitants et déstabilisation des grandes entreprises du secteur.

De surcroit, ces projets sont en contradiction avec d’autres initiatives récentes de la Commission européenne, comme le Fonds européen de défense (FED), doté de 7 milliards d’euros, qui depuis 2021, permet de financer des coopérations industrielles entre des états-membres de l’Union.

Toutefois, la guerre en Ukraine rebat les cartes et illustre la nécessité cruciale de disposer d’une industrie de défense de pointe et compétitive. Plusieurs vois en Europe se sont élevées contre une exclusion du secteur de ‘l’armement des financements privés : : « Étant donné que l’objectif de l’UE est de soutenir, de développer et de renforcer l’industrie européenne de la défense, les actions dans d’autres domaines de la politique européenne ne devraient pas contredire cet objectif », a déclaré le ministère slovaque de la Défense Jaroslav Naď, pour Mark Mora gouverneur adjoint de la Banque nationale tchèque « la classification des armes comme socialement nuisibles, comme l’envisage la plateforme de l’UE sur la finance durable, n’est pas appropriée dans la situation actuelle. Je suppose que les auteurs de la proposition l’ont écrite avant le conflit en Ukraine. Ils l’écriraient certainement différemment aujourd’hui ». Légitimement, la France a été précurseur, puisque l’Assemblée nationale a adopté le 15 janvier une résolution visant à « protéger la base industrielle de défense des effets de la taxonomie européenne de la finance durable ».

Certains établissements bancaires ont d’ailleurs changé de stratégies, comme la banque suédoise SEB.

Le retour de la guerre à haute intensité en Europe délivre plusieurs enseignements :

  • La capacité à soutenir l’effort de guerre dans la durée, actuellement les livraisons à l’Ukraine s’opèrent par ponctions sur les forces armées ce qui génère un nombre important de difficultés.
  • La résilience, la capacité de la nation à soutenir un conflit collectivement.
  • La nécessité de disposer d’une base industrielle forte et compétitive afin de demeurer souverain.

Au-delà du conflit en Ukraine, l’industrie de défense demeure un atout économique majeur en France avec plus de 180 000 salariés, bien souvent très qualifiés et un chiffre d’affaires annuel de 25 milliards d’euros par an, en moyenne.

Par conséquent, le chemin vers l’autonomie stratégique et la souveraineté européenne est indissociable du renforcement de l’industrie de défense.

Maël KEBABSA
Chargé de Mission – CEPS

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