La France face aux grands risques (2021-2023)

 

Nous savons maintenant, de source officielle, que nous ne retrouverons pas avant 2023 (au mieux) le niveau d’activité de 2019. C’est vrai de la zone euro ( cf FMI et Commission européenne). C’est encore plus vrai de la France qui connaîtra cette année une récession deux fois plus forte que l’Allemagne.

Trois risques majeurs sont à prendre à bras le corps : le risque de voir le coronavirus devenir une maladie endémique déclassant certains pays, le risque financier d’être un jour rattrapés par la dette et enfin le risque d’effondrement climatique et écologique.

  1. I) Le risque sanitaire creuse les inégalités entre pays et entre catégories sociales :

L’analyse des données macro-économiques suggèrent que les pays qui maîtrisent le risque sanitaire sont également ceux qui minimiseront la récession économique et les risques sociaux.

  • La Chine a vaincu l’épidémie (!) et devrait connaître une croissance de 2 % cette année. Les pays du sud-est asiatique ( ASEAN) enregistreront une récession nettement plus faible ( -3,4%) que les Etats-Unis (-4,3%) et que la zone euro (-8,3%) selon le FMI.
  • L’Asie apparaît déjà comme le grand gagnant de la crise sanitaire lorsque les Etats-Unis et l’Europe en sont les perdants.
  • La constitution récente d’un accord de libre-échange entre la Chine, le Japon, l’Australie , la Nouvelle-Zélande et les pays de l’Asean accentue désormais cette tendance. La puissance exportatrice qui vient de se constituer en Asie dépasse celle de la zone euro. Elle permet en outre à la Chine de contourner par les délocalisations régionales toute menace protectionniste américaine.

Éradiquer le virus dans des pays comme la France ou les États-Unis, minés par la défiance, suppose de réussir la vaccination de masse. Ce sera d’autant plus indispensable que la durée d’efficacité du vaccin est probablement limitée ( 3-6 mois peut-être); il faudra donc pour éradiquer la maladie une vaccination d’autant plus massive et concentrée dans le temps. Elle suppose l’adhésion des citoyens.

Les pays qui n’y parviendront pas seront condamnés à une épidémie endémique et au sous-développement.

Comment y parvenir en France avec une population rétive au vaccin ?

La réponse réside dans la décentralisation de la campagne de vaccination qui suppose de tirer les leçons des échecs subis précédemment sur les masques et sur les tests.

Pourquoi tant de bureaucratie ? Parce que les régions, la médecine de ville et les citoyens n’ont pas été assez associés. Le président de la République sera-t-il capable de le comprendre ? Décentraliser et donner du pouvoir

( cf « empowerment ») sont le viatique de la réussite.

  • L’enjeu est d’autant plus considérable que les données dont nous disposons montrent que les inégalités se creusent rapidement avec la crise sanitaire : alors que les jeunes se paupérisent et que de larges pans du petit commerce sont menacés de disparition, les 120 principaux patrons français affichent toujours des rémunérations moyennes de 5 millions d’euros alors que les plans sociaux se multiplient et que les perspectives de créations d’emplois se resserrent.

« Nous autres civilisations savons que nous sommes mortelles » écrivait Paul Valéry. La citation se complète par celle de John Lewis rapportée par la nouvelle vice-présidente des Etats-Unis : « La démocratie n’est pas un état , c’est un acte. »

II ) Le risque financier va nous imposer de remettre nos comptes en ordre :

  • Nous avons pour le moment tiré des traites sur l’avenir en faisant le choix de soutenir sans limite toutes les victimes de la crise. Nous avons engagé plus du quart de notre richesse nationale au travers de deux plans ( soutien + relance = 700 milliards). Pour la première fois dans notre histoire, le montant des emprunts de l’Etat ( 260 milliards) dépassera les recettes fiscales (250 milliards) en 2020 ! Nous empruntons 7 000 euros par seconde ……. Certes à taux négatif mais jusqu’à quand ?
  • La réponse dépend de la BCE qui rachète environ 1/3 des titres de dettes. Nul doute que quand les pays d’Europe du Nord remettront leurs comptes en ordre la pression se fera plus forte sur la dette des pays du sud. L’euro n’est pas durable sans gouvernement comme nous l’avons exprimé dans Les Échos du 28 août ( cf « Aller plus loin pour consolider l’euro ») en nous référant au prix Nobel Robert Mundell.
  • Or les chaînes de défaillance d’entreprises vont se manifester en 2021 ( + 25 % de défaillances prévues selon SFAC Euler) entraînant des risques croissants de crise financière.
  • Alors même que le monde n’a jamais accumulé autant de dettes : plus de trois années de PIB contre un peu plus de deux années en 2008. Avec 370 % de dettes sur PIB ( entreprises + particuliers + État), la France est le second pays le plus endetté du monde d’après Standard and Poor. La dette des entreprises représente à elle seule 150% du PIB.

Pour pallier ces risques nous devons reprendre les réformes ajournées ( marché du travail, indemnisation du chômage, finances publiques, retraites, décentralisation du pays, participation des salariés….. ). Pour sécuriser une trajectoire de la dette qui nous fait diverger de la zone euro et rend notre avenir des plus incertains.

Mais cela ne sera pas suffisant et il faudra sans doute des prélèvements nouveaux à positionner idéalement à un échelon fédéral européen.

Soit ( non exhaustif):

  • une taxe carbone unifiée avec sa contrepartie aux frontières ;
  • une taxe carbone sur l’épargne ;
  • une taxe sur les transactions financières ;
  • un écrêtement des revenus supérieurs à 400 000 euros.

III) Le risque climatique et d’effondrement écologique va réduire nos marges de croissance :

Il faut maintenant s’appuyer sur le grand changement en cours aux Etats-Unis pour rattraper le temps perdu dans la mise en œuvre de l’accord de Paris ( cf « Rouge carbone » de Laurent Fabius). Le temps nous est chèrement compté comme nous l’indique sans détour l’ancien président de la Cop 21.

Nous ne pourrons éviter une réflexion cruelle sur le dilemme : « croissance versus stabilisation du climat ».

Il ne pourra être tranché que par une réduction des inégalités et une révision profonde de nos façons de vivre et de penser. Ainsi que par la relance de notre énergie nucléaire pour découpler progressivement énergie et climat. A noter que la production mondiale de pétrole a irrémédiablement entamé son déclin depuis 2019.

Voici quelques points de repère :

  • La feuille de route tracée par les Nations Unies ( GIEC) pour stabiliser le climat nous impose une réduction drastique, de 5 % par an ( pendant 30 ans ), des émissions de gaz à effet de serre ( soit la poursuite sans fin de l’effort involontaire effectué pour la première fois cette année grâce au confinement !);
  • Or il existe une corrélation parfaite entre PIB, consommation d’énergie carbonée et climat ( cf JM Jancovici et GGiraud); et les masses en matière d’énergie n’évoluent que très lentement;
  • La seule énergie complètement souveraine et décarbonée est le nucléaire que la France a malheureusement entrepris de démanteler ( jusqu’à annuler en 2019 le projet de réacteur « à neutrons rapides » de JChirac qui nous ouvrait la perspective d’une quatrième génération éliminant les déchets nucléaires …..).

Conclusions :

Tout retour « à la normale » est illusoire,

il faut aller de l’avant et s’engager dans une profonde transformation de nos sociétés.

Que nous le désirions ou non, cet horizon va devenir indépassable, soit par l’effet de notre volonté, soit par celui des accidents qui risquent de se multiplier.

Nous devrons pour y parvenir nous appuyer sur une jeune Fédération européenne qui devra compléter l’euro pour faire face à l’Asie et à l’Amérique.

La crise sanitaire n’est qu’un premier avertissement sur la nécessité de changements très profonds de nos sociétés. Cessons de disperser notre attention et de nous perdre dans les vaines querelles dont la France a le secret.

Orientons-nous vers l’essentiel.

Dr Maxime MAURY

professeur affilié à Toulouse Business School 

ancien directeur régional de la Banque de France

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