Espérance pour demain

 

De par son ampleur inédite, la crise du Covid-19 a été un catalyseur incroyable. Elle a souligné des fractures et des dysfonctionnements abyssaux mais elle a aussi été à l’origine d’un souffle nouveau. Passé le choc du début, c’est toute la société qui s’est surprise à espérer de nouveau. Cette préoccupation n’est pas un simple espoir, elle n’est pas une passivité espérancielle. C’est un appel à la pensée, à l’action juste, à la vision. En effet, comment espérer sans imaginer ? Signe de cette injonction à imaginer « l’après », les individus, cloîtrés chez eux, ont disserté pendant plus de deux mois sur le monde de demain, sur leur vie d’après. « Rien ne doit plus être comme avant » n’a-t-on cessé de répéter. Les crises sont autant d’occasions inédites pour réorganiser le monde. C’est notre système tout entier que cette crise questionne. Elle a notamment introduit un débat autour de l’organisation de l’économie mondiale car les questions de savoir qui produit quoi, où et à quel moment, posées notamment par la pénurie en équipements médicaux, sont devenues vitales. Un modèle fondé sur une croissance et une exploitation des ressources infinies n’est plus viable. Le productivisme et le consumérisme effrénés régis par la logique financière ont infligé des dégâts irréversibles à la nature et poussés au démantèlement des services publics, ceux-là mêmes qui se sont révélés cruciaux pendant la gestion de la pandémie. La classe politique a été jusque-là « suiviste ». Elle doit revoir ses priorités, replacer l’impact environnemental et humain au cœur de tout projet de relance économique. L’évolution qui s’annonce nécessite des femmes et des hommes ambitieux, courageux, visionnaires à la hauteur du défi à relever. Les dirigeants doivent comprendre que les problématiques d’aujourd’hui ne pourront pas être réglées par les solutions d’hier, aucune grande révolution de société n’a jamais été le produit d’un consensus. Nos élites doivent récupérer la capacité à envisager concrètement un avenir, redevenir des acteurs d’espérance.
Il est urgent de réfléchir aux nouvelles formes d’organisation en gardant à l’esprit que des renoncements seront inévitables. Néanmoins, l’ampleur de ces renoncements doit rester consentis et les retours envisagés acceptables, de trop grandes frustrations pouvant se payer par des tensions violentes. Cette crise a déjà réussi à remettre en cause le consensus implicite qui voulait qu’une économie libérale était la source de tout développement économique harmonieux. En effet, l’urgence sanitaire a ébranlé toutes les convictions et poussé les dirigeants à être plus perméables à ces considérations à l’image du Japon. Le pays, qui a pris conscience de l’importance de relocaliser l’appareil productif, vient d’annoncer un programme de 2 milliards de dollars visant à aider ses multinationales à quitter la Chine. Dans le même esprit, la déclaration publiée à la suite de la réunion du G20 le 30 mars explique que les mesures nécessaires à la lutte contre la pandémie peuvent être considérées comme des exceptions aux règles de l’OMC soulignant ainsi que l’orthodoxie à ces règles peut être perçue négativement par les opinions publiques.

Cette pandémie est une occasion inédite de remodeler l’Histoire, c’est à nous de faire en sorte qu’elle conduise à des changements concrets et positifs. Nous avons pris conscience des risques et des tensions qui pèsent sur notre avenir. La crise a montré que le changement, qui n’est plus un choix mais une nécessité, est déjà amorcé. Nous pouvons parvenir à maitriser notre avenir en engageant des adaptations profondes de l’action publique, de notre conception du travail et de la cohérence de notre modèle social. La remise en question de la conception actuelle du travail doit aller plus loin que les traditionnelles initiatives réglementaires qui restent partielles. La gestion fondée sur la seule atteinte d’objectifs économiques dictés par la logique financière mondiale n’est plus adaptée. Les états vont ressentir une forme de besoin d’autosuffisance et de protection de leurs intérêts stratégiques , cette forme de nationalisme est intéressante mais elle doit être pondérée ; la mondialisation détestée, le nationalisme exacerbé ne sont pas des réponses, un retour au bon sens s’impose nous devrons être désormais beaucoup plus « glocaux ». Il est primordial pour les dirigeants d’identifier au plus vite les disparitions et mutations de certains métiers et des structures classiques. C’est un véritable séisme auquel devra se livrer le ministère de l’Éducation Nationale, comprendre que le monde est désormais digital et que les formations dispensées aujourd’hui ne permettent pas ou très faiblement de répondre à ce challenge d’avenir. Pour ce faire, il faut éviter deux pièges celui de l’inertie face à l’ampleur de la tâche et celui des réponses « réactionnelles », court-termistes. Beaucoup jugent la tâche impossible et se complaisent dans la contemplation du naufrage or le système actuel, aussi décrié soit-il, a permis un niveau de développement et de connaissances inouïe, développement et connaissances qui rendent le changement possible. Il s’agira alors de sortir des projets du « monde d’après » pensés comme de simples exercices d’écriture et s’attaquer à l’architecture d’ensemble avec des propositions et des initiatives concrètes. Cette vision globale devra être portée par l’État mais un état conçu comme une entité politique qui a vocation à gérer les contradictions de la société, à incarner un espace privilégié où se rencontrent les différents intérêts et acteurs à même de pouvoir écrire un projet politique commun. La gouvernance de l’entre-soi est terminée, dans cette nouvelle étape les citoyens sont amenés à jouer un rôle beaucoup plus participatif, volontariste et interactif. Aucune construction ne sera possible sans que la collectivité n’ait exprimé ses attentes. Toute évolution ne peut se faire que dans un environnement propice à une mutation des comportements, des cultures, des principes. Une discussion doit donc être engagée avec l’ensemble des acteurs pour opérer un rapprochement social et solidaire, retrouver une conscience collective et reconstruire une communauté nationale autour des questions éthiques omniprésentes dans le débat collectif et des valeurs qui en découlent.

Souhaitons et faisons-en sorte que la menace qui a pesé sur l’ensemble des peuples puisse faire émerger une solidarité universelle, un nouvel humanisme qui s’épanouirait dans un monde multipolaire lié par les mêmes valeurs et la poursuite d’un développement plus juste, éthique et respectueux de l’environnement. Le numérique peut être un atout considérable. Le confinement a été l’occasion d’une prise de conscience des avantages d’une société dématérialisée qui était jusque-là brandie en épouvantail. Savamment orchestrée, elle permettrait de réduire la fracture sociale. Contrer l’illettrisme numérique devient ainsi un enjeu essentiel pour les prochaines années. Néanmoins, il faudra conserver des garde-fous : le contact, les interactions humaines sont vitales. La technologie doit rester un moyen au service de l’homme et non une fin. Il faut que l’homme conserve raison gardée, il ne doit pas se laisser aspirer par la machine et être conscient et participatif des opportunités technologiques qui s’offrent à lui.
Pour s’imposer, une telle vision devra faire fi du cadre de pensée individualiste ou du moins savoir rallier les plus pragmatiques et les plus sceptiques. En cela, on peut parier sur l’urgence de la situation et ,à moindre mal, sur la coalition des égoïsmes « Chacun reste avec les autres pour se sauver soi-même » disait Francesco Alberoni. Si tout n’est pas solidaire il n’en reste pas moins que rien n’est solitaire.

 

Par Denise DALAL HAMDANI,
Etudiante
Université de PARIS CRÉTEIL VAL DE MARNE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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