Confortons l’international dans la Culture, n’ayons pas le « monde d’après » trop timide

 

Le rayonnement au Moyen-Orient est l’une des clés de l’après-Covid19 pour la politique culturelle française

 La crise du coronavirus et les tensions entre producteurs sur le prix du pétrole ont affaibli la force de frappe financière des Etats du Moyen-Orient, au premier rang desquels le Qatar, les Émirats Arabes Unis et l’Arabie Saoudite. Avec cette secousse pour des stratégies nationales ancrées pour certaines depuis les vingt dernières années, l’ambition française d’une présence culturelle forte, porteuse de ses valeurs, dans la région doit être repensée.

Depuis le début de l’année 2020, les économies des pays du Golfe ont accumulé les difficultés. L’effondrement des cours du pétrole, débuté immédiatement après les fortes tensions entre les États-Unis et l’Iran dès les premiers jours de l’année, s’est accentué avec l’explosion de l’épidémie de Covid19. Avec aujourd’hui un prix aux environs de 30$ le baril contre 60$ durant l’essentiel de l’année 2019, cette dépréciation des cours et le déclin massif de l’économie internationale ont un impact très négatif sur la région.

La culture française bien arrimée 

Depuis plusieurs décennies, l’action culturelle de la France a permis d’entamer un nouveau cycle de relations avec le Moyen-Orient. Alors que la présence française dans la région était concentrée à l’époque coloniale en Syrie et au Liban, les actuels Émirats Arabes Unis, Qatar ou Arabie Saoudite se trouvaient eux dans l’espace d’influence britannique. Les marques de relation avec la France n’en reste pas moins anciennes et l’image du pays dans la région se nourrit aujourd’hui de notions positives telles que culture et patrimoine, luxe et mode ou encore art de vivre.

Le poids de la France s’y incarne dans deux domaines plus particulièrement : l’influence culturelle et la coopération militaire. La base militaire française à Abou Dabi, qui accueille environ 700 hommes confère à la France une capacité de projection de premier plan, dont seuls les États-Unis et la Russie disposent dans la région. L’inauguration du Louvre Abou Dabi en novembre 2017 a, quant à elle, constitué un point culminant pour la présence culturelle française au Moyen-Orient. La reconnaissance internationale de l’expérience française en matière d’ingénierie culturelle est ainsi affirmée. Par la même occasion, s’est vu légitimé un certain leadership de la France dans la région pour faire avancer ses positions humanistes, progressistes, pacifiques ou encore la protection de l’environnement.

Le gouvernement saoudien a lui développé son ambitieuse Vision 2030 où la culture et les loisirs prennent un rôle central pour renforcer le positionnement international du pays au-delà de ses atouts pétroliers. En dépit d’un contexte diplomatique contesté, le projet de coopération autour du tourisme et d’un véritable parc archéologique, culturel et naturel dans la région saoudienne de l’oasis d’Al Ula, a marqué un nouveau jalon dans la diplomatie culturelle de notre pays et a été formalisé par la déclaration conjointe du Président Macron et du Prince Mohammed ben Salman le 11 avril 2018. Ingénieurs, archéologues, architectes, conservateurs et chercheurs français y trouveront un champ d’action fascinant pour les prochaines années. La crise du coronavirus, loin de briser ces projets, confirme au contraire leur importance stratégique face à la chute des cours du pétrole.

Une stratégie culturelle française à repenser

D’une certaine façon, les valeurs universalistes françaises incarnent toujours une source d’inspiration alternative en termes de modèle de développement. La Culture contribue immanquablement au rayonnement de ce modèle.

Pour cela, la France doit donc conserver une action diplomatique vigoureuse via son réseau d’ambassades et ses centres culturels mais aussi ses chefs d’entreprises à l’étranger. Une part centrale de cette action diplomatique doit soutenir la collaboration culturelle et des projets de développement pour les musées, expositions, festivals ou universités présentes. L’appétit pour la culture, et corollairement l’ingénierie culturelle française, ne cessera pas et ne doit pas être perçu comme moins prioritaire pour notre pays. Musées, bibliothèques, universités ou centres de recherche peuvent au surplus poursuivre un champ d’étude sur des lieux archéologiques illustres de l’Antiquité ancienne et des premiers empires de l’humanité. Cette expérience doit également servir de modèle à une stratégie française d’implantation culturelle dans de nouvelles régions comme l’Asie du Sud-Est ou l’Asie Centrale.

La France doit également donner sa juste place à ses « ambassadeurs » officieux, notamment les fonctionnaires internationaux français, dans les organisations internationales ou parmi ceux qui portent sa culture à travers le monde, en développant des stratégies de coopération plus assumées. La France tout comme le pays partenaire en tireront des bénéfices intellectuels considérables. Ils sont les adjuvants de l’influence et méritent le plein soutien des réseaux diplomatiques français. Des parcours universitaires ou des actions innovantes avec de grandes associations et sociétés savantes doivent être entretenus par nos institutions pour aider chercheurs et créateurs dans la région et pour un ancrage en profondeur du lien avec la France.

La crise que nous vivons force à réinterroger nos modèles, nos stratégies et l’intégralité de la politique culturelle française à l’échelle nationale comme internationale. Le Moyen-Orient et le Golfe, véritable cœur en fusion du monde dans bien des domaines, constituent une opportunité de rayonnement et les grandes institutions culturelles et universitaires françaises présentes dans la région ont d’ores et déjà su faire preuve d’inventivité. Notre pertinence géostratégique, notre place dans les échanges économiques et notre rôle dans le monde en seront d’autant plus renforcés.

Julien ANFRUNS

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