1789-2021 : analogies financières pour ne pas refaire les mêmes erreurs

 

 

En 1789, le roi a convoqué les États généraux parce que le pays était en faillite. Devant le refus de la noblesse et du clergé de se laisser taxer et devant l’impossibilité de taxer davantage le peuple, la fuite en avant a prévalu dans la dette et l’inflation.

Par la suite, les assignats gagés sur la confiscation des biens du Clergé ont vu leur émission se multiplier par 12 jusqu’à la mort du roi. Ce moment tragique de notre Histoire nous rappelle simplement à quel point il est difficile de résister à la fuite en avant.

Ainsi de 2015 à 2022, la BCE et ses filiales nationales auront racheté 4 350 milliards de titres de dette, soit l’équivalent de plus du 1/3 du PIB de la zone euro !

La monnaie étant, comme la justice, un bien collectif dont la stabilité bénéficie aux plus modestes, elle a été justement « sanctuarisée » dans l’article 123 du Traité d’Union européenne autour de deux principes essentiels : l’indépendance de la banque centrale qui reçoit une délégation de service public et l’interdiction de financer directement les déficits ; celle-ci prévalait d’ailleurs en France depuis 1973.

Contestés conjointement par l’extrême-gauche et l’extrême-droite, ces principes sont aujourd’hui pleinement reconnus par plus de 70% des Français qui expriment dans toutes les enquêtes leur adhésion à l’euro.

Ils ont compris que la stabilité de l’euro garantissait celle de leurs retraites, de leurs salaires et de leur épargne. Et ces principes ont été approuvés par le référendum soumis au peuple français en 1992.

Cependant, la douce tentation de déprécier la monnaie revient aujourd’hui indirectement au travers de la vaine rhétorique d’annulation des dettes. Fût-ce parfois au motif parfaitement recevable d’accélérer l’investissement public. Rien ne l’empêche pourtant avec les taux d’intérêt les plus bas de toute l’histoire.

Et la dette covid ne nous gêne en rien puisqu’elle a été rachetée par la BCE (ou par la Banque de France) qui sont des filiales des États, ce qui nous protège de fait contre une éventuelle hausse des taux d’intérêt puisque la Banque de France (ou la BCE) reverserait dans ce cas aux États, sous forme de dividendes, ce que ceux-ci lui paieraient en intérêts.

Rappelons le bon sens populaire qui sait qu’annuler les dettes fait fuir les investisseurs. Et entraîne des primes de risque redoutables aux dépens des contribuables.

Le seul vrai débat constructif sur la dette est celui sur sa maturité : son échéance moyenne est de 8 ans. La caper à 50 ans au taux de 0,5 % nous mettrait à l’abri d’une remontée des taux d’intérêt qui se concentrera sur les échéances courtes. Comme d’autres économistes, je propose d’allonger les échéances de notre dette vers 30 et 50 ans. Mais cela ne peut se faire que progressivement.

Il faut éviter aujourd’hui de refaire l’erreur commise par Louis XVI dans sa fuite en avant dans l’inflation. Et les banques centrales devront finir par reconnaître que leur politique monétaire palliative, sans doute nécessaire, a aggravé les inégalités par l’inflation des actifs (immobilier, bourse ……).

Il faudra donc savoir s’arrêter à temps !

Et refonder le Pacte de stabilité européen sur des bases complètement renouvelées. Oui, il faudra aussi augmenter les impôts des plus riches, ce que Louis XVI n’a pas su faire. Mais on ne pourra y parvenir que dans un cadre fédéral européen autour du concept post-moderne de société plus sobre et plus égalitaire.

Taxe carbone, taxe carbone aux frontières, taxe sur les GAFA, écrêtement des dividendes et des grosses rémunérations, taxe sur les transactions financières et sur la grosse épargne nous éviteront l’inflation et les troubles sociaux, voire insurrectionnels, dans le monde post-covid.

Ce sera un changement profond de société qui devra également associer les salariés et toutes les parties prenantes à la gestion des entreprises.

Ce nouveau monde doit pouvoir émerger en 2022-2023.

Dr Maxime MAURY

Professeur affilié à Toulouse Business School 

 

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