la culture de la paix, jeunesse dans les processus électoraux : cas du Mali

Par Mame Oumou Sall-Seck, Maire de Goundam (Mali),coordinatrice du mouvement Trait-d’Union
Suite au Dîner débat CEPS / UNESCO sur « Culture de la paix, la jeunesse dans les processus électoraux » Mardi, 30 mai 2017

Je souhaite remercier tout d’abord le CEPS et l’UNESCO d’avoir organisé ce débat-diner et surtout de m’avoir invitée en ma qualité de maire de la commune urbaine de Goundam, localité située au nord du Mali. A ce titre, j’ai eu déjà à expérimenter la confiscation du processus électoral par la violence des jeunes lors des élections précédentes ; élections municipales et législatives en 2009 ,en  2013 et en novembre 2016, élections municipales au cours desquelles j’ai été réélue. Lors de ces élections, dans la partie nord du pays, les jeunes ont systématiquement conduit des attaques pour  bloquer la tenue des élections.
 
J’aimerais donc échanger avec vous sur la culture de la paix, jeunesse dans les processus électoraux : cas du Mali. J’aborderais le sujet en deux points /  l’état des lieux et une réflexion sur les  perspectives
 
D’abord tat des lieux
  • L’année 2018 s’annonce au Mali avec un calendrier électoral chargé mais aussi dans un contexte d’application presque partiel de l’accord pour la paix et la réconciliation  et de la montée des activités terroristes au nord comme au centre, avec tous les risques de la montée de l’extrémisme violent au sien de la jeunesse.
  • Au Mali, on estime que près de 48% des Maliens ont moins de 15 ans. Le taux d’alphabétisation auprès des jeunes est pourtant inférieur à 60%. Cette jeunesse qui représentante ainsi une grande franche de la société va constituer des terreaux pour les acteurs politiques et groupes armés qui vont, soit promouvoir des élections crédibles et transparentes sans violence, soit s’aligner sur les positions des groupes extrémistes qui vont tout faire pour faire dérailler le processus électoral.
  • Dans le contexte malien, la question principale qui se pose est « quel rôle et quelle place pour les jeunes dans le processus de réconciliation et la mise en œuvre de l’accord pour la paix et la réconciliation? ». Quand on sait que sans stabilité il n’y aura ni élections encore moins espérer un avenir pour cette frange la plus importante de la population  !! Le gouvernement malien a certes démontré une ferme volonté à promouvoir les jeunes, à travers les activités du Ministère de la jeunesse et des sports, du ministère de l’emploi et de la formation professionnelle avec la création de plusieurs structures chargées des questions spécifiques de la jeunesse. Tous ces programmes ont pour objectif de leur offrir des opportunités d’insertion socio-économiques et même politique. Malgré ces efforts, cela ne saurait contenir la grande masse de besoins et de demandes des jeunes.
  • Cette situation soulève ainsi, davantage de défis face à la propagation du chômage et à la dégradation de la vie économique qui se répercute négativement sur le pouvoir d’achat.
  • A cela s’ajoute le manque – ou dans certaines régions – l’absence de structures éducatives adéquates et/ou une qualité médiocre de l’éducation dispensée dans les écoles.
  • La crise de 2012 a profondément affecté l’économie mais aussi des secteurs clés de la société tels que l’éducation et le tourisme, notamment dans les zones ayant subi l’occupation par les groupes armés ou terroristes. Depuis la crise, les jeunes continuent de subir des conséquences désastreuses, notamment le chômage, le manque d’éducation, de santé et d’autres services de base, chose qui les rendant plus vulnérables aux influences radicales.
  • Le conflit a par ailleurs fortement entravé le droit des filles et des garçons à l’éducation. Il est estimé que 32% des écoles fondamentales situées dans les 65 communes affectées par la crise sécuritaire restent non fonctionnelles. La fermeture des écoles, combinée à l’absence de 346 enseignants titulaires, a entraîné l’augmentation du nombre d’enfants déscolarisés ou non scolarisés, ainsi qu’une surcharge des salles de classe des écoles restées ouvertes.
  • En période électorale, les jeunes ont tendance à moins participer aux élections que les citoyens plus âgés. Faire venir plus de jeunes aux urnes requiert des mesures spécifiques et un environnement général qui donne aux jeunes le pouvoir de participer à la vie civique.
  • La participation est un droit démocratique fondamental. Elle devrait être une fin en soi pour éliminer les obstacles existant à la participation politique des jeunes. Dans une perspective plus purement pragmatique, si les jeunes ont l’impression que les processus politiques formels ne sont pas accessibles et/ou intéressants pour eux, cela peut marquer leur conduite pour leur vie entière, avec potentiellement des conséquences négatives de longue durée sur la culture politique d’un pays.
  • D’importants obstacles à la participation politique des jeunes existent dans les trois niveaux de capacité au Mali: sur le plan individuel, les obstacles incluent le manque de compétences techniques ; de motivation, en particulier pour participer à des processus formels menés par des adultes ; de ressources économiques (pauvreté, manque d’emploi)
  • Au Mali, bien que certains jeunes ont été élus dans les enceintes électorales, leur participation effective dans la vie politique reste sans grande influence.
  • Cela nous interpelle sur la question suivante: quelle est donc la référence de la jeunesse malienne ? ceux qui sont au Nord ont comme référence les doctrines de certains groupes armés, qui contrôlent une grande partie du territoire en toute absence des autorités maliennes, avec tous les risques d’endoctrinement, de radicalisation et de propagation des trafics illicites dont la plus rentable, la drogue. 
  • D’autres jeunes espèrent bénéficier plutôt des avantages, notamment financiers, dans le cadre du processus DDR /SSR (réforme du secteur de sécurité).
  • Dans l’un et l’autre, le processus politique, y compris le calendrier électoral à venir, risquent d’accentuer les divergences économiques et politiques, et mener ainsi le pays à un cycle de violence ou d’instabilité.
  • Les réseaux sociaux sont eux aussi un facteur pesant sur l’échiquier politique. Cela se manifeste parfois à travers des guerres médiatiques ouvertes entre les jeunes du Sud et du Nord ou de différences tendances politiques.
  • De ce qui précède, il nous faut des réponses adaptées. En terme prévention, il faut, en priorité favoriser la culture de la paix, y compris l’éducation aux idéaux démocratique et aux droits de l’homme, tout en continuant d’explorer des opportunités socio-économiques pour les jeunes, afin de mieux les contenir dans la société et minimiser les risque d’expansion de la radicalisation.
  • Faire entendre les voix des jeunes dans les parlements et les gouvernements est une autre mesure à la fois de prévention et de réaction: En dehors de la représentation directe des jeunes au parlement, il y a plusieurs autres points d’entrée pour augmenter leur accès au pouvoir législatif. Les parlements associent souvent la société civile à leurs travaux par le biais des audiences de comité.
  •  Des commissions parlementaires et des groupes multipartites spécifiquement axés sur les jeunes ou délibérant de questions ayant un impact sur les jeunes pourraient mener des consultations publiques et inviter des OSC de jeunes à échanger leurs points de vue.
  • A l’approche des élections, la masse de la jeunesse en désespoir peut être utilisé par les groupes armés radicaux qui visent essentiellement à fragiliser l’atmosphère politique, déjà exténué par la ténacité des conflits et leurs mouvances en fonction des intérêts des acteurs politiques impliqués.
  • L’instrumentalisation du facteur religieux pour des fins politiques, est un autre facteur fragilisant. Un travail devrait ainsi se faire en direction des leaders politiques pour qu’ils s’imprègnent davantage de la culture de paix et de l’alternance démocratique
 
Réflexion et conclusions
  • Les jeunes sont considérés comme un atout et sont habilités à apporter une contribution constructive à la stabilisation au Mali, notamment dans les régions du nord et du centre.
  • Offrir des solutions de rechange au recrutement dans des groupes extrémistes en offrant un espace pour que les jeunes mènent un dialogue inter et intracommunautaire, et même intergénérationnel, sensibilisent et soient sensibilisés aux droits de l’homme et à l’éducation à la paix, soient informés sur les droits de l’homme.
  • Renforcer la résilience des jeunes grâce à des formations professionnelles pour générer des revenus et soutenir l’économie locale. L’engagement positif de la jeunesse dans la promotion des droits de l’homme et de l’éducation à la paix pourrait avoir une incidence sur la dynamique de la violence en cours dans les régions du nord et du centre.
  • Exploiter pleinement le potentiel de l’éducation en vue de prévenir l’extrémisme violent à travers des réformes et mesures nécessaires. Les jeunes vulnérables sont en mesure de rejeter les idéologies violentes et offrir des possibilités de dialogue, de discussion et d’activités économiques comme moyen de promouvoir la tolérance, la compréhension et la réconciliation entre les communautés.
  • L’intégration de la prévention de l’extrémisme violent dans les politiques et pratiques éducatives, en commençant par les programmes d’enseignement et la formation des enseignants.
  • Et en fin, constituer un réseau régional à mettre en place pour soutenir l’échange et la mise en œuvre d’activités visant à prévenir l’extrémisme violent par l’éducation.
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