DEMAIN, LA VILLE EN COMMUN

DEMAIN, LA VILLE EN COMMUN
Au-delà de la Smart City, la Ville vivante

 

La Ville de demain, comme celle d’aujourd’hui, n’aura pas d’intelligence, si elle n’est pas humaine avant d’être technologique. Au-delà de la Smart City, la ville est avant tout un lieu de vie. C’est mon engagement et mon combat pour cette intelligence urbaine, celle de la vie en commun, celle du vivant.

Ainsi la ville vivante, c’est la capacité à comprendre l’autre et la façon dont il interagit avec son environnement socio-territorial-urbain. Augustin Berque appelle cette relation au milieu l’écoumène, actualisant cette idée de terres anthropisées établie déjà par Ératosthène au IIIe siècle av J.-C. Il cite Jean-Marc Besse : « entre moi et moi-même, il y a la Terre ». Le monde est un tout et l’homme, pour reprendre Edgar Morin, a séparé artificiellement des choses naturellement liées. Nous appartenons à un monde complexe, composé d’éléments transverses, d’interrelations, d’interdépendances. La ville vivante n’est autre que la ville qui considère l’ensemble de ces relations pour permettre l’émergence de nouvelles idées, pratiques et réalisations.

Les quatre cinquièmes de la population française habitent sur 20 % du territoire, et 2 % de la surface de la planète hébergent aujourd’hui plus de la moitié de ses habitants. La ville représente donc un enjeu majeur, mais l’objectif premier est surtout que nous nous y sentions bien.  Il est fondamental de comprendre la fragilité de la planète dans laquelle nous vivons, et en premier lieu celle de la ville, puisqu’elle représente 75 % de la consommation d’énergie, 80 % des émissions de CO2 et 85 % de la richesse mondiale. Alors que la vie urbaine est littéralement en train de nous asphyxier, elle reste objet de désir et tend à se généraliser encore et toujours. Les pics de pollution sont devenus endémiques, la biodiversité connaît une nouvelle crise d’extinction, les fossés sociaux se creusent, l’accès à l’eau est de plus en plus inégalitaire, la population augmente, et avec elle les besoins en nourriture… Dans un monde qui se fragilise, un rien suffit à déstabiliser une ville. Un simple regard sur notre planète de l’est à ouest et du nord au sud est instructif, vu l’étendue des dégâts entre inondations, séismes, crises écologiques, manque d’eau, catastrophes. D’où l’importance de prendre en compte la résilience, de réinventer le bien commun et l’approche du vivant. L’homme est au cœur de la problématique urbaine, et c’est lui qui détient les clefs de l’amélioration de ses conditions de vie.

La construction urbaine est de notre ressort non seulement du seul point de vue des infrastructures et des interactions numériques, mais également et surtout au travers du prisme de l’humain, de ses besoins et de l’appropriation sociale de l’espace. Dans un monde où l’homme a développé l’ubiquité, l’hyper-connectivité et l’omniprésence, il est indispensable d’établir un dialogue avec la gouvernance de la ville, tout en favorisant une forte implication citoyenne à tout instant, et le tout dans une projection à moyen et à long terme. L’objectif essentiel étant d’apporter de la qualité de vie aux habitants de la ville, de lutter contre les inégalités – très nombreuses dans le milieu urbain – et de développer l’inclusion sociale, dans une ville qui doit être en harmonie avec la nature et respectueuse de ses équilibres.

Si l’on veut que la ville soit humaine, festive et collective, il faut décloisonner avec les nouveaux paradigmes de l’ubiquité et de l’économie collaborative. La vraie urgence est donc de réinventer la vie en commun dans la ville.

Pour cela, nous avons cinq grands enjeux urbains : un enjeu social, le fait de bien vivre ensemble ; un enjeu économique : les villes doivent créer de la valeur et de l’attractivité dans les territoires ; un défi culturel : faire en sorte que les citoyens aient de la fierté de vivre dans leur ville, qu’ils soient acteurs dans leur propre ville ; un enjeu écologique. Il est primordial que la ville puisse répondre aux défis énergétiques et climatiques majeurs. Nous devons passer à une ville post-carbone. Les villes ont un rôle de premier plan sur ce point car c’est l’activité humaine, et non uniquement la démographie, qui est le défi majeur. La ville est la principale contributrice des effets du changement climatique, par le bâtiment, les transports motorisés, par les réseaux de chaleur et de froid. Ces trois facteurs représentent 70 % de la pollution dans les villes. La vraie problématique c’est qu’aujourd’hui la ville est le creuset de l’activité humaine. Le cinquième enjeu c’est la résilience, qui est aujourd’hui au cœur de la manière de vivre dans nos villes. La résilience, c’est la vulnérabilité des villes. À vouloir faire de la smart city technologique et techno-centrique, on a oublié que la ville est extrêmement fragile et très vulnérable. Et la vulnérabilité est avant tout sociale et territoriale.

La révolution technologique est bien plus large que la révolution numérique. Les enjeux technologiques sont autant énergétiques, liés à l’économie circulaire pour les déchets, aux biotechnologies et aux nanotechnologies. L’économie urbaine est en effet transformée par les avancées des technologies numériques avec le développement de l’ubiquité massive liée aux objets connectés et l’explosion de la production de données ; ce sont là des outils très puissants mais il ne faut pas avoir une vision techno-centrée. Il vaut mieux avoir des villes imparfaites mais des villes où il y a de l’entraide, du dialogue avec les voisins, où l’on crée des emplois de proximité.

La technologie doit être au service de l’homme. L’hyper-connectivité technologique peut produire de la déconnexion humaine massive, et transformer les hommes en « zombies-geeks » qui sont aussi déconnectés socialement. Aujourd’hui, il y a un énorme pari à faire sur l’idée d’hyper-proximité pour reconstruire du lien social dans les quartiers, pour vivre dans des villes métropolitaines avec une échelle humaine et où l’on utilise la technologie comme un outil pour recréer du lien social.

 

Carlos MORENO

Professeur associé à l’Université Paris1 Panthéon Sorbonne – IAE de Paris
Envoyé spécial Ville Intelligente de la Maire de Paris

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