CES 2017 : la e-santé encore trop fragmentée.

Par Olivier GRYSON, membre du CEPS et Conseiller du club E-Santé
 
Qui possède un smartphone ? Qui a déjà installé une application médicale ? Qui a déjà souscrit un abonnement de 5$ à un service médical en ligne ? 1 $ ? Ces deux dernières questions laissèrent les participants au Digital Health Summit – une conférence de 2 jours sur la e-santé dans le cadre du CES 2017 – bien silencieux.
 
Car si effectivement les exposants et les orateurs du CES débordent d’imagination pour proposer de nouveaux dispositifs encore plus sophistiqués, avec des capteurs encore plus intelligents, très peu ont décidé de s’intéresser sincèrement à l’acteur clé qui fera rayonner ou disparaître la e-santé : le patient.
 
Nul doute que le patient technophile ne manquera pas de s’équiper de la dernière innovation en vogue. Mais ce patient hyper-connecté représente-t-il significativement la gigantesque population des patients diabétiques ou hypertendus ? Ces patients dont la moitié ne prend pas ou mal ses médicaments et qui ne changent pas réellement leurs habitudes de vie vont-ils spontanément se procurer ces appareils intrusifs qui les submergeront de données qu’ils ne comprennent pas ?
 
Lorsque la représentante de Verily (anciennement Google Life Science) s’enthousiaste sur la possibilité pour le patient de récupérer toutes ses données de pression artérielle, nous pouvons raisonnablement nous interroger si la technologie répond à une réelle attente de ce dernier… et de son médecin.
 
La e-santé a le potentiel de dépasser le stade du gadget connecté. Encore faut-il l’appréhender différemment et intégrer davantage dès les phases précoces de la conception de ces solutions thérapeutiques le médecin, l’infirmière, et le patient. Paradoxalement, le pharmacien d’officine n’est jamais mentionné alors qu’il est évident que la transformation digitale du soin ne pourra pourtant pas se passer de ce futur acteur clé de la e-santé par son statut de professionnel de santé de proximité.
 
Le second défi consistera à définir un écosystème global, permettant à tous les systèmes connectés de parler la même langue. La fragmentation des données de santé tient à l’absence de concertation de l’ensemble des acteurs. Chacun fabrique son “truc” dans son coin. 
 
Le troisième défi, le plus compliqué de tous, porte sur l’engagement du patient au long-terme. Certaines entreprises comme Healthymation ont présenté des approches originales inspirée du monde du jeu vidéo pour concevoir des accompagnants digitaux crédibles, avec des traits de caractères propres, très éloignés des avatars lisses et insipides si souvent présents. Nul doute que l’industrie du jeu vidéo sera un partenaire incontournable de l’industrie de la e-santé car elle est la seule à connaître réellement les leviers de motivation autour des solutions numériques addictives.
 
Ce n’est que lorsque ces défis seront réellement traités que nous disposerons de solutions e-santé susceptibles d’accompagner efficacement les patients sur le long terme, et donc susceptibles d’être pris en charge par les payeurs dont l’Assurance Maladie.
 
De son côté, l’industrie pharmaceutique, qui dispose pourtant d’incroyables atouts pour assurer ce développement global, pointe encore aux abonnés absents. Ses seuls représentants erraient parmi les invités du congrès, à la recherche d’idées et de contacts, mais ni parmi les exposants, ni les orateurs des sessions. 
 
Ce focus quasi-exclusif sur des composantes technologiques de la e-santé au détriment d’une approche plus globale et plus profonde s’explique par la recherche d’un « effet Wow! » plus facile à susciter avec un appareil connecté et clinquant plutôt qu’avec une solution sophistiquée s’intégrant efficacement dans le système de soins.
 
Bien que prometteuse, la e-santé manque encore de chefs d’orchestre.
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